Comment reconstruire la relation entre la France et l’Afrique ?

L’Afrique fut longtemps le continent où la France exerça une influence certaine, voire totale dans le cadre de la colonisation. Soixante ans après les indépendances, l’actualité montre que les liens étroits qui prévalaient sont plus que jamais distendus, voire brisés dans certains pays. En atteste le sentiment anti-français qui se propage au Sahel, notamment au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, où la rupture est consommée.

La perte d’influence française n’est plus à démontrer. Les populations dénoncent – souvent à tort – l’hégémonie de la France et la perpétuation du système de la Françafrique, qui pourtant n’existe plus. Lors d’une allocution devant la communauté française le 2 mars 2023 au Gabon, le président de la République Emmanuel Macron avait déclaré « cet âge de la Françafrique est bien révolu et j’ai parfois le sentiment que les mentalités n’évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j’entends, je vois qu’on prête encore à la France des intentions qu’elle n’a pas, qu’elle n’a plus ». Et pourtant, toute action diplomatique française est immédiatement interprétée comme une ingérence intolérable, ce qui contraste avec l’influence croissante de pays qui sont, eux, acceptés, comme la Chine, la Turquie, l’Inde ou encore la Russie.

Alors, comment reconstruire la relation avec l’Afrique, en particulier francophone ? En se basant sur ce qui nous rassemble. Rien n’est complètement perdu, car l’histoire de la coopération entre la France et l’Afrique est faite de rupture et de continuité. Aussi complexe que soit la genèse de ces relations, elle a créé à bien des égards la composante d’une identité commune ; notamment le partage de la langue française, la culture francophone, le métissage des populations, les unions mixtes, l’établissement de communautés africaines en France et l’établissement de communautés françaises en Afrique. Ces conjonctures ont fait naître une communauté de destin.

D’ailleurs, rappelons qu’après les déclarations d’indépendance, l’idée de la construction d’un espace francophone – la francophonie – a été impulsée par des élites africaines telles que Léopold Sédar Senghor, le premier président du Sénégal. La preuve manifeste de l’existence d’une prise de conscience de ce qui rassemble les deux peuples et de la communauté d’intérêts qui nous unie.

De même, la France continue d’exercer une attirance certaine auprès d’une grande partie des populations. Nombre de ressortissants africains souhaitent la rejoindre pour travailler et étudier. Notre réseau d’établissements scolaires est également fort précieux, et accueille de très nombreux jeunes qui épousent ainsi notre culture. Enfin, nous comptons beaucoup d’entrepreneurs qui font, de l’Afrique, francophone comme anglophone, un marché privilégié. Notre diplomatie doit valoriser ces atouts précieux.

In fine, pour redorer l’image de la France et relancer une coopération efficience avec les États africains, nous devons oeuvrer pour le rapprochement des peuples, ce qui passe notamment par le fait de s’appuyer sur les binationaux et la communauté française établie sur le continent africain. Les Conseillers des Français de l’étranger peuvent agir en ce sens.

La situation actuelle nous impose de changer immédiatement de paradigme. De nouvelles formes de partenariats doivent être trouvées, qui ne soient pas exclusivement militaires. C’est la condition sine qua non pour reconstruire une relation respectueuse et durable.

L’équipe de l’ASFE

9 commentaires

  1. Si les anciennes colonies avaient su, voulu et surtout pu prendre leur destin en main et devenir des démocraties pleines et entières, la question ne se poserait pas aujourd’hui.
    Malheureusement, il n’en est souvent rien, et c’est ce que l’on peut reprocher à la France qui n’a pas su, pas pu et peut-être souvent pas voulu, pour de basses raisons mercantile, accompagner ces nouvelles nations à diriger correctement leur destin.
    La tâche n’était pas facile, je n’en disconvient pas, mais c’est ce qui a fait aujourd’hui que la France, souvent seule présente sur place, soit devenue le bouc émissaire de l’incapacité d’une partie de l’Afrique francophone à s’émanciper.
    Cela vaut pour tout le continent, y compris les pays du Maghreb.
    Au moindre problème, les pays le formant n’hésitent jamais à faire porter la responsabilité sur Paris.
    Quand bien même la France aurait-elle été exempte de toute erreur, ce qui n’a pas été le cas, elle resterait le prétexte à tous les maux.
    Or, le « vide » créé par les récentes décisions de se « défaire » de la tutelle de la France, ne fait, ad contrario, et à mon humble avis, que de renforcer la nécessité de la présence de cette dernière sur le continent.
    Car ce n’est pas le spectacle des hordes de migrants esseulés, les « coups de boutoir » d’un islamo-djihadisme fait de rapines, de razzias et de trafics en tous genres ou les soudards de Wagner ou autres milices qui vont effacer, par un coup d’éponge les soucis des neo-putschistes du Mali, Burkina Faso, Niger, Gabon et d’autres pays bientôt peut-être.
    La France, au vu de la nonchalance avec laquelle l’Europe feint de s’intéresser aux questions africaines (sauf peut être l’Italie et la Grèce qui sont les premières à souffrir de l’immigration clandestine) sera bientôt, sans doute sous une autre forme, appelée à aider à redresser certaines nations africaines au bord du chaos.
    Regardons ce qui s’est passé depuis des decennies en Somalie, ces dernières années en Éthiopie et maintenant depuis quatre mois au Soudan pour que le désastre qui s’y installe ne fasse pas tache d’huile sur l’ensemble de la zone sahélienne aujourd’hui et à l’ensemble de l’Afrique demain.

  2. Que de bons mots, que de belles intentons pour l’avenir mais avec quels partenaires au sommet de chacun de ces états, La corruption , l’égoïsme, la veulerie y règnent en principes de conduite des peuples et là rien n’a changé car cela était déjà le fait de la part des dirigeants africains, à quelques exceptions près, du temps où la France , ou plutôt la grande majorité des Français établis en Afrique œuvraient au développement de ces peuples avec dévouement, compétence, patience et générosité .

  3. Il est effectivement plus qu’urgent de réagir au dénigrement de la France en Afrique.

    Comment se fait-il que la France pays ayant en son sein de grands intellectuels, historiens, académiciens et aussi des publicitaires de talent, ne soit pas capable de contrer déjà par le verbe, les discours anti-français ?
    Nos grands hommes et femmes de la société civile se doivent de se réveiller pour de bon !

    Respectueuses salutations.

    Alain Servière

    1. Je suis tout-à-fait d’accord, sauf qu’à mon avis, la plupart des intellectuels et historiens français considèrent que notre pays n’a pas abandonné son idéologie néocolonialiste.

  4. « œuvrer pour le rapprochement des peuples »
    Est ce la politique de notre gouvernement qui suspend arbitrairement tous les visas pour les marocains et qui prépare une loi anti émigration de plus en plus restrictive qui vise essentiellement la communauté musulmane du Maghreb.
    Ce sentiment anti Français n’est pas du fait des Africains mais de notre président qui laisse pourrir les relations diplomatiques quand il n’en ait pas lui même l’instigateur notamment au Burkina Fasso quand il méprise son homologue ou qu’il donne carte blanche au ministre de l’intérieur dont on connait les tendances racistes contre les arabes de France et d’ailleurs.
    Non c’est bien une fascisation de notre société qui aboutira fatalement par une prise du pouvoir par l’extrême droite.
    Et de ce jour tout sera permis pour restreindre encore davantage les droits des Français qui vivent en Afrique comme interdire la naturalisation des conjoints ou de leur enfant qui ne serait pas nés en France. Sachant que le droit du sol sera une des premières mesures signée par Mme LePen et ses amis Cioti Zemmour et Darmanin.
    Macron nous couvre de honte et les africains finiront par nous détester .

    1. Vous avez complètement raison, les visas qui ne sont accordés qu’au compte goutte mais surtout la désinvolture de Monsieur Macron qui s’invite au Maroc sans se soucier de la voix diplomatique. Se croire supérieur n’est pas la première solution pour traiter d’égal à égal avec un pays souverain.

  5. Je comprends et suis malheureusement d’accord sur l’observation( voir au dessus) de DMJV qui dit que nos intellectuels (une partie) considèrent que notre pays n’a pas abandonné son idéologie néocolonialiste.
    Toutefois il serait grand temps que ceux-ci révisent leurs positions car le monde n’est pas figé.

    Les Indépendances ont-eux lieux il y a plus de 60 ans ! Plus de la moitié de la population africaine a moins de 20 ans, ce qui veut dire que nous en sommes à la 3ème,voir la 4ème génération qui n’a pas vécu sous la colonisation.
    Même les plus vieux dirigeants africains en poste actuellement avait 20 ou 25 ans au moment des Indépendances donc à même de prendre les destins de leur pays en main sur de nouvelles bases.
    Qu’en ont-ils faits de cette écrasante responsabilité ?
    Les pays d’Asie et d’Asie du sud-est pendant ce temps se sont développés à marche forcée avec succès ( même ceux faisant partie des Anciennes Colonies).

    Alors cessons de laisser accabler la France !

    1. Euuh, historiquement, la France, après l’esclavage, la colonisation et le soutien des pires dictateurs afin de perpétrer le pillage des ressources, n’est peut-être pas la mieux placée pour continuer à juger et intervenir dans les politiques africaines. Non ? Alors peut-être vaut-il mieux faire profil bas le temps que le ressentiment se calme. Et si il s’agit de tenter d’interférer, qu’elle ne le fasse surtout pas seule ! Elle pourrait, mais incluse dans une organisation soit européenne soit internationale. Et encore…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *