Projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique »

Seul grand projet de loi écologique du quinquennat d’Emmanuel Macron, ce texte est désormais en examen au Sénat après une première lecture à l’Assemblée. Lundi 14 juin, les Sénateurs ont donc commencé à décortiquer ce projet de loi comptant désormais 218 propositions, contre 69 dans sa version initiale. L’ASFE revient sur les origines de ce texte et ses grandes orientations.

De la Convention citoyenne au projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique »

Tout avait commencé en octobre 2019 lorsque Emmanuel Macron avait annoncé vouloir mettre en œuvre son programme en matière d’écologie avec un projet ambitieux impliquant directement la société civile : la Convention Citoyenne pour le climat. Adoptée en octobre 2019, cette idée avait pour origine l’une des requêtes formulées par le mouvement des gilets jaunes en 2018.

Composée de 150 membres tirés au sort au sein de la population et assistée d’un groupe d’experts, la Convention Citoyenne avait pour mandat de définir une série de mesures permettant d’abaisser d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 d’ici 2030. Au terme de sa dernière session du 22 juin 2020, la Convention a émis 149 propositions divisées en 5 grandes thématiques : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger et se nourrir. Le Président s’était engagé à ce qu’elles soient traduites en propositions législatives et réglementaires et soumises « sans filtre » au vote du Parlement.

En février 2021, le Gouvernement a présenté l’actuel projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ». Les membres de la Convention Citoyenne ont regretté l’aspect « détricoté » d’un projet de loi qui, bien que reprenant l’esprit des mesures proposées, en diminuerait largement la portée.

En première lecture en mars dernier, l’Assemblée nationale a eu l’occasion de discuter pas moins de 5 000 amendements. Le projet est désormais entre les mains du Sénat, dont la majorité – de droite – n’a pas manqué de dénoncer le caractère « inabouti » du texte.

Retour sur les mesures phares du projet

Emission de gaz à effet de serre

Le projet de loi fixe comme objectif la réduction à hauteur de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le Sénat a de son côté voté le relèvement de cet objectif à 55% afin de correspondre aux engagements pris par l’Union européenne en ce sens.

Consommation

Au niveau de la consommation, le mot d’ordre est de consommer « moins mais mieux » et de mettre l’accent sur l’information des consommateurs dès leur plus jeune âge, en passant notamment par de la pédagogie au sein des établissements scolaires.
Les individus seront moins susceptibles d’être confrontés à des publicités pour des biens impliquant l’utilisation d’énergies fossiles et l’empreinte carbone d’un produit devra être affichée sur son étiquette.
Si l’Assemblée Nationale semble vouloir orienter cette dernière obligation vers l’industrie textile, le Sénat souhaiterait qu’elle soit étendue à tous les produits de consommations et que soit inscrit en plus du score carbone un score « respect des droits humains ».
Il est également prévu que soit renforcée la lutte contre les emballages plastique à usage unique en accélérant le développement du vrac et la mise en place de consignes pour le réemploi du verre.

Modèle de production et de travail

La transition des modèles de production et de travail est aussi envisagée, l’accent est mis sur l’exigence de transparence des entreprises sur leurs propres émissions et sur une politique d’achats publics en cohérence avec la stratégie « bas carbone ».
La programmation pluriannuelle de l’énergie pourra s’appuyer sur les collectivités locales et le projet prévoit une réforme du code minier.

Transport

Concernant les moyens de transport, un ensemble de mesures est prise afin de réduire leurs émissions de carbone, de la promotion des alternatives à la voiture individuelle, jusqu’au transport routier, aérien et maritime.
Des agglomérations supplémentaires seront concernées par l’interdiction dans les centres ville de véhicules avec de fortes émissions de gaz à effet de serre. Le covoiturage et le ramassage seront encouragés davantage dans les entreprises, le nombre de vols intérieurs pour lesquels une alternative en TGV est possible seront réduits.
Le Sénat a d’ailleurs proposé une baisse de TVA sur les billets de trains ainsi que l’instauration d’un prêt à taux zéro pour les ménages modestes qui souhaiteraient faire l’acquisition d’un véhicule plus écologique.

Ville et habitation

L’un des objectifs du projet consiste en la modification durable de la façon de concevoir la ville et l’habitation, un aspect qui touche tout particulièrement les Sénateurs, en lien permanent avec les élus locaux. Une grande place est attribuée à la rénovation d’un maximum de logements afin d’aboutir à une suppression des logements de type E, F et G, c’est à dire avec des performances énergétiques moyennes voire très faibles. Les sénateurs ont toutefois adopté un délai supplémentaire pour la suppression des logements de type E, habités à l’heure actuelle par près de 3 millions de Français.
L’interdiction des terrasses chauffée a été confirmée et l’artificialisation des sols (le bétonnage) devra être réduite de moitié pour protéger les espaces naturels et forestiers. Ce dernier aspect suscite une forte opposition d’un grand nombre de sénateurs craignant une absence de marge de manœuvre dans les plans locaux d’urbanisme.

Agriculture

La dernière thématique abordée par le projet de loi concerne la transition écologique de l’agriculture avec une volonté d’impliquer l’Union européenne (au travers de la PAC). Il s’agit ici de développer de nouvelles habitudes alimentaires et agricoles.  Le projet veut encourager à une alimentation moins animale et donc peu émettrice de gaz à effet de serre tout en restant accessible.
A titre expérimental dans certains collectivités volontaire, les cantines proposeront des menus végétariens. Au niveau national il est prévu qu’en 2022 au moins 50% repas des cantines publiques comporteront des aliments durables ainsi que 20% d’aliments bio.
Une grande place est accordée à l’agroécologie et vise à l’élever au niveau européen. Le Sénat s’est opposé formellement à la taxation des engrais azotés tant qu’une taxe n’a pas été votée au niveau européen.

Renforcement de la protection judiciaire de l’environnement

Le projet de loi intègre enfin un titre sur le renforcement de la protection judiciaire de l’environnement au travers d’une consolidation du droit pénal de l’environnement : des peines plus dissuasives et un arsenal judiciaire renforcé par la création d’une juridiction spécialisée pour juger les atteintes à l’environnement aussi bien au niveau de l’instruction que du jugement.

Un commentaire

  1. Le renforcement de la protection judiciaire de l’environnement est une excellente idée. Les mesures devraient être appliquées, au lieu de rester dans le domaine théorique, ou de permettre certaines infractions de peur d’offenser certains puissants lobbies.

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