COVID 2019 : identité, prévention et traitement

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Depuis quelques semaines se pose un problème de santé publique mondial majeur, du fait de l’apparition d’un nouveau virus qui semble se propager de façon conséquente. L’ASFE a souhaité en savoir davantage sur le « virus 2019-nCov » apparu en décembre dernier à Wuhan, en Chine Continentale. Voici les réponses des professeurs Cacoub et Halfon.

Pr Patrice Cacoub, Département de Médecine Interne et Immunologie Clinique. Hôpital La Pitié-Salpêtrière et Sorbonne Université. Paris, France (photo ci-dessous).

 

Dr Philippe Halfon, Département de Médecine Interne et de Maladies Infectieuses. Hôpital Européen – Laboratoire Alphabio. Marseille, France

1. Qu’est-ce que le coronavirus ?

Le coronavirus – initialement appelé nCOV-2019 pour nouveau coronavirus 2019 – a été rebaptisé COVID 2019 pour « Coronavirus Disease 2019 ». C’est un virus à ARN faisant partie de la famille des Coronaviridae, famille connue pour entrainer des infections respiratoires hautes chez les adultes. Il tient son nom de « Corona » en raison de sa structure en microscopie électronique en forme de couronne.

D’autres Coronavirus ont conduit durant les deux dernières décennies à des épidémies. La première en 2002-2003, due au SARS-CoV (Severe Acute Respiratory Syndrome), avait débuté en Chine et avait infecté plus de 8.000 personnes et fait 774 morts. La deuxième liée au MERS-CoV (Middle-East Respiratory Syndrome), plus virulent, a sévi au Moyen-Orient entre 2012 et 2013, et avait infecté près de 3000 personnes et fait 858 morts.

Au niveau génétique, les virus SARS/MERS-CoV et COVID-19 sont très proches. Leur génome fait environ la même taille. Dans les deux cas, le gène le plus important code pour une longue protéine, qui est ensuite clivée pour libérer des protéines structurelles et enzymatiques du virus.

Pour ce gène, il existe un deuxième cadre de lecture pour l’agent étiologique de l’épidémie de SARS et qui est absent du COVID-19 de Wuhan. Le deuxième gène important est celui qui code la protéine S (pour spike). Ces protéines sont ancrées dans la membrane entourant le virus et permettent son entrée dans les cellules cibles. Pour COVID-19, il s’agit des cellules ciliées du tractus respiratoire et gastrique. Les deux virus possèdent la même protéine S (99 % d’identité) et utilisent donc la même porte d’entrée pour infecter les cellules, le récepteur cellulaire ACE2.

Le point central de l’émergence de ce virus a été la ville de Wuhan dans la province chinoise de Hubei. Une des interrogations majeures, non résolue à ce jour, concerne l’origine du COVID-19. Pour le SARS et le MERS, la chauve-souris a été le réservoir et les vecteurs ont été respectivement la civette de palmier et le chameau. En revanche, aucune piste n’a été encore confirmée pour le COVID-19. Pour ce dernier, les chauves-souris ont été suspectées, notamment car le génome du virus est en grande partie identique à d’autres virus qui circulent dans cette espèce. Mais le COVID-19 a sûrement contaminé l’humain par le truchement d’une espèce tiers, appelée hôte intermédiaire. Pour le SARS-CoV, il s’agit de la civette palmée; pour le COVID-2019 de Wuhan, le sujet fait encore débat. Si le serpent a été proposé par une équipe de chercheurs, cette piste semble aujourd’hui écartée. Les regards se tournent vers le pangolin, un petit mammifère prisé par les Chinois pour les supposées vertus curatives de ses écailles.

Le COVID-2019 résiste au froid et à l’humidité, et peut alors persister plusieurs jours sur différents matériaux et surfaces; on ne connaît pas encore son comportement en cas de chaleur et de sécheresse. La période d’incubation est probablement inférieure à 2 semaines, ce qui valide la durée de quarantaine actuelle. Le problème est que des sujets infectés et asymptomatiques (non fébriles) ou peu symptomatiques peuvent être contaminants.

Le risque de contamination est d’autant plus important que le sujet contact est proche (en général inférieur à 2 mètres) et l’exposition avec le virus est prolongée (au moins 10 min). La question de la diffusion via des aérosols reste entière (ex : voyage en avion).

2. Quelle est la situation actuelle en Chine, et plus largement dans le monde ?

 L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), via les données fournies par le gouvernement chinois, met régulièrement à jour l’importance de l’épidémie. Au 17 février 2020, on dénombrait en Chine 45 171 personnes contaminées (2068 nouvelles infections) dont 8204 formes sévères et 1114 personnes décédées. En dehors de Chine, il y avait 441 infections confirmées dans 24 pays et un seul mort (en France).

Parmi ces 24 pays, 4 pays ont rapporté des cas à la suite d’une exposition dans un pays en dehors de la Chine (France, Allemagne, Japon, Singapour), à partir de contact avec des patients connus pour être malades et venant de Chine (https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200212-sitrep-23-ncov.pdf). Parmi les 441 cas rapportés en dehors de Chine, 16 cas étaient asymptomatiques et pour les 425 autres cas, l’information sur le début de la maladie n’est disponible que pour 1/3 d’entre eux. Parmi les 41 patients dont le cas a fait l’objet d’une étude scientifique, la majorité était des hommes, travailleurs du marché de Wuhan, d’âge médian 49 ans.

En France, les premières données sur le suivi des premiers patients COVID-19 hospitalisés rapportent une virémie inconstante, très faible et de courte durée, exclusivement décrite dans les formes sévères. La virurie reste inexistante mais la quantité de virus excrété dans les selles peut être élevée comme cela a été observé avec le virus MERS-CoV. Des cas de contamination du personnel soignant ont été décrits mais aucun cas de contamination du personnel de laboratoire n’a été rapporté. Les précautions standard de manipulation des agents infectieux au laboratoire sont suffisantes. Les coronavirus sont sensibles aux désinfectants virucides usuels tels que l’hypochlorite de sodium 0,5%, l’acide peracétique/peroxyde d’hydrogène, l’éthanol ou l’isopropanol à 70%, glutaraldéhyde…

La mortalité observée avec ce nouveau virus apparait, selon les chiffres fournis par les autorités chinoises, comme relativement faible. Ces décès sont surtout déclarés chez des patients présentant des comorbidités (sujets âgés, diabétiques, ou coronariens). Ces chiffres de mortalité sont d’ailleurs très proches de ceux observés lors d’autres infections respiratoires virales (non liées aux Coronavirus). Par exemple, la grippe saisonnière s’accompagne de taux de mortalité de 0,01 à 0,1%. Le taux de décès pour le COVID-19 semble être compris entre 1 et 2% des malades infectés, ce qui est aussi beaucoup moins que pour le SARS (10% environ) et le MERS (35%).

3. Quelle est le meilleur comportement à adopter afin d’éviter la contamination (masques, hygiène, contact humain, etc.) ?

L’OMS a donné des recommandations de bons sens, comme lors des deux précédentes épidémies à Coronavirus (SARS et MERS), découlant du mode de transmission de ces virus via des microgouttelettes, un contact direct ou des instruments contaminés. Les principes de base afin de limiter ou réduire le risque de transmission d’infection respiratoire aigüe comprennent :

  • Eviction de contacts proches avec des personnes ayant des infections respiratoires aigües;
  • Lavage fréquent des mains et utilisation de gels hydro-alcooliques, en particulier si des contacts ont eu lieu avec des personnes malades ou leur environnement;
  • Eviter des contacts non protégés avec des animaux en ferme ou en liberté;
  • Identification et isolement des patients ayant des symptômes respiratoires : distance de sécurité pour éviter la projection de gouttelettes contaminées lors de quintes de toux, ports de masques (type FFP2), serviettes en papier jetables dans des containers identifiés, lavage fréquent des mains et des vêtements;
  • Port d’un masque type FFP2 pour le personnel soignant (en particulier dans les services d’urgences), et isolement des patients présentant des symptômes évoquant une infection respiratoire aigüe;
  • Pour les cas des patients qui voyageraient et qui présenteraient des symptômes évoquant une infection respiratoire aigüe : durant leur voyage ou en dehors de leur voyage, ces passagers sont encouragés à déclarer leur maladie au personnel de bord et à être pris en charge médicalement.

4. Comment se fait-il que la propagation du coronavirus soit nettement plus rapide que celle du SARS de 2003?

Le COVID-19 semble plus contagieux que le SARS-CoV. Le taux de transmission (R0) désigne le nombre moyen de personnes saines qu’un malade peut contaminer. Quand il est inférieur à 1, c’est-à-dire qu’un malade est capable d’infecter moins d’une personne en moyenne, la maladie ne se diffuse pas et n’atteint pas le stade de l’épidémie. Quand R0 est égal à 1, le nombre de contamination reste stable sans provoquer de pic épidémique.

C’est quand le R0 est supérieur à 1 que les choses se compliquent. La maladie alors se propage de façon exponentielle et provoque une épidémie, voire une pandémie. Pour le COVID-19, le R0 est encore difficile à estimer car il change au fur et à mesure de l’évolution du nombre de cas, mais il serait compris entre 2 et 5,5. Il serait donc plus contagieux que le SARS. Tous les deux se transmettent via des microgouttelettes expulsées lors de quintes de toux ou d’éternuement.

L’importance et la rapidité de l’épidémie actuelle avec le COVID-19, avec plus de 40 000 personnes contaminées en moins de deux mois, pourrait être liée à un gain de virulence croissant du virus au fur et à mesure des contaminations. Un autre élément à l’origine de la rapide dissémination de cette épidémie est en rapport avec la symptomatologie clinique différente de celle du SARS. En effet, excepté l’hyperthermie toujours présente et la pneumonie très fréquente (¾ des personnes malades avaient une toux et des difficultés respiratoires), l’absence de symptômes des voies respiratoires supérieures (rhinorrhée, pharyngite..) a entrainé un retard de prise en charge et d’identification des patients contaminés. L’apparition des symptômes peut survenir entre 2 jours et 14 jours après l’exposition au virus.

5. Existe-t-il un traitement médical efficace contre cette épidémie ?

Il a été démontré récemment par une équipe chinoise que le COVID-19 est sensible à deux molécules. L’une est une vieille molécule très connue, la chloroquine, qui a une activité inhibitrice de l’autophagie induite par les coronavirus. L’autre est un analogue nucleosidique, le remdesivir, initialement développé pour traiter le virus Ebola (GileadR).

Des essais cliniques seraient en cours de développement en Chine avec ces molécules ainsi qu’avec d’autres antiviraux en repositionnement thérapeutique. Grâce au séquençage du virus et à sa mise en culture, la recherche sur les vaccins a été lancée par plusieurs équipes dans le monde, mais rien ne devrait être disponible avant 2021.

6. Avez-vous d’autres conseils / quelque chose d’autre à ajouter ?

Un des éléments importants dans une crise sanitaire de cette ampleur, c’est la gestion de la peur des populations. La nature politique de la gestion de cette crise doit ainsi être nuancée et différenciée. La gestion scientifique de cette crise a des répercussions sociales sans précèdent. Tous les moyens qui permettront d’enrayer la peur : mise en quarantaine, isolement… sont nécessaires pour tenter de juguler non seulement l’épidémie elle-même mais aussi la frayeur des populations, afin de ramener un climat social plus serein.

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