Aurélie Barrial, créatrice du site Le Bottin Mondial, est une « multi-expat » passionnée qui a transformé son riche parcours international en un projet fédérateur. Après avoir vécu et travaillé dans une diversité de pays, elle s’installe aux États-Unis, où germe l’idée de ce site unique, qui se veut un annuaire pratique, accessible et innovant destiné à connecter les entrepreneurs et professionnels français établis à l’étranger. L’équipe de l’ASFE a eu le plaisir d’échanger avec elle pour en savoir plus sur les motivations derrière son projet.
Vous avez vécu dans des pays aussi variés que Madagascar, l’Afrique du Sud, l’Italie, la Pologne et le Brésil. Cette diversité d’expériences semble jouer un rôle clé dans votre compréhension des besoins des expatriés. Comment vos observations dans ces différents contextes culturels ont-elles façonné les fonctionnalités ou les valeurs fondamentales du Bottin Mondial ?
Notre première expatriation était en 1998 à Antananarivo. A l’époque, chacun faisait son propre carnet d’adresse, au gré des rencontres et selon le bon vouloir des personnes. Le plus désolant c’était de ne pas obtenir les contacts de médecins. Je pense que la petite graine de mon projet a germé à ce moment. Plus tard, les annuaires papier, qui requièrent un travail colossal, se sont développés avec leurs limites de mises à jour, de production et de diffusion.
C’est l’année dernière que j’ai fait le constat qu’il n’existait pas d’annuaire électronique, semblable aux pages jaunes, accessible gratuitement et fédérant tous les contacts des sociétés et professionnels français qui exercent à l’étranger.
Le nom « Bottin Mondial » apporte une touche rétro qui semble séduire. Comment cette notion de familiarité, voire de nostalgie, contribue-t-elle à l’identité de votre projet et à son attrait pour les expatriés ?
Le nom m’est venu un matin au réveil ! Il était comme une évidence et ma chance c’est qu’il n’existait pas et n’avait pas été déposé. Je pense qu’il est facile à retenir, très culturel pour les Français en général, et fait même sourire. Le coté vintage est amusant et finalement dans la tendance.
Parmi les entrepreneurs que vous avez aidés à mettre en avant, avez-vous remarqué des qualités ou stratégies spécifiques qui garantissent leur succès dans des environnements internationaux ?
Je pense que le dénominateur commun c’est l’audace. Ils ont tous une forte personnalité, très affirmée, et ils assument pleinement leurs choix. Certains se sont lancés dans des domaines qu’ils ne maitrisaient pas bien au départ, et ils se sont accrochés parce que cela les passionnait. Et je remarque que la première motivation est la recherche de cohérence et d’alignement avec leurs valeurs. La crise sanitaire du COVID est très souvent citée comme un tournant dans les parcours professionnels.
Le Bottin Mondial n’est pas seulement un annuaire, mais aussi un projet qui fédère et soutient une communauté. Envisagez-vous également d’intégrer des outils collaboratifs ou des événements pour renforcer les liens au sein de cette communauté d’entrepreneurs ?
Mon but dès le départ a été de remplir un vide. Je me suis attachée à créer un outil novateur : simple et qui ne remplace aucune entité déjà existante. Ainsi, je n’ai pas pour ambition de créer des événements comme le font très bien les différentes associations, mais plutôt de devenir un sponsor pour les soutenir sans leurs actions. C’est ainsi que sur l’annuaire vous verrez déjà des Chambres de Commerce et des associations d’entrepreneurs.
Par ailleurs, ce qui me plait c’est de mettre en avant des métiers ou parcours moins connus. Je le fais à travers les articles de la page « parcours » et par des publications régulières sur mes comptes de réseaux sociaux.
En tant qu’outil numérique, le Bottin Mondial pourrait être perçu comme un concurrent d’autres plateformes comme LinkedIn. Quels sont, selon vous, les atouts qui rendent votre service unique ?
Le Bottin Mondial est un annuaire : en un clic tout visiteur peut accéder librement directement à la page Web d’un contact. La prise de contact se fait donc via cette page, qui peut être un site ou une page sur un réseau social. Il n’y a donc pas de système de messagerie, ni de demande de mise en contact préalable, puisque cela existe déjà par ces moyens. Le site permet de déclencher du trafic sur les autres plateformes, comme LinkedIn pour suivre votre exemple.
L’atout du Bottin Mondial c’est de servir une cible bien définie et dans un but déterminé : regrouper en un point tous les contacts des sociétés et professionnels français à l’étranger en les rendant accessibles à tous, gratuitement.
Par ailleurs, en demandant aux entreprises de s’abonner et de renouveler leur abonnement chaque année, les informations sont toujours à jour. Entre les deux dates, chacun peut accéder à son compte et faire évoluer ses données avec ses activités.
Votre ambition de maintenir des abonnements à 12 $ par an reflète une volonté d’accessibilité et d’équité. Pensez-vous que ce modèle économique pourrait évoluer à mesure que la plateforme grandit, ou avez-vous d’autres moyens en tête pour soutenir le développement du Bottin Mondial ? / Pourquoi avoir choisi un modèle fondé sur un abonnement à faible coût pour les professionnels, et comment cela reflète-t-il votre vision de l’entrepreneuriat inclusif ?
Quand j’ai fait mes recherches sur ce qui existait, j’ai trouvé beaucoup de sites qui proposaient bien d’autres services et donc des abonnements entre 40$ et 2000$. Les objectifs de ces sites sont différents : ils proposent de l’information, des rencontres, des webinaires, des séminaires,… Les personnes qui cherchent seulement des contacts n’ont pas besoin de ces services.
C’est pour cela que j’ai eu l’idée de faire payer les professionnels et uniquement eux, à un tarif très réduit pour que chaque professionnel se sente inclu dans le projet. Ainsi, tout le monde peut participer : les artisans, comme les multinationales, les personnes qui débutent une activité, comme celles qui sont déjà établies. Je veux que tous se sentent inclus, parce que à mon sens, tout le monde a de la valeur.
Mon objectif est de garder ce prix pour l’abonnement. En parallèle, j’ai deux services que je peux offrir et qui peuvent me servir de levier : les articles et le sponsoring qui peuvent devenir payants.
Avec des inscriptions dans des pays très variés, observez-vous des différences notables dans la manière dont les entrepreneurs français s’adaptent à différents marchés internationaux ?
L’esprit d’entreprendre est partout le même. Dans certains cas il est limité pour des questions administratives comme les visas. Ce qui me marque pour le moment c’est à quel point les entrepreneurs français sont solidaires quand l’environnement dans lequel ils exercent est compliqué. C’est vraiment chouette de faire ce constat, car je suis convaincue qu’on est plus fort à plusieurs, même si on a des activités similaires. On peut toujours trouver un moyen d’asseoir sa personnalité à travers les activités que l’on fait et la concurrence oblige à être créatif.
Pensez-vous que les plateformes numériques comme la vôtre redéfinissent les réseaux professionnels dans un monde globalisé, notamment pour les communautés expatriées ?
Je n’ai pas cette prétention, et je pense qu’en offrant ce nouvel outil, je complète l’existant et je permets à des personnes d’établir de nouveaux contacts. A ce stade, je sais qu’une trentaine de contacts ou coopérations ont été faits grâce au site. Je vous laisse imaginer ce qu’il en sera quand il y aura beaucoup plus de fiches dans l’annuaire !
Avez-vous autre chose à ajouter ?
Il y a un aspect que je n’avais pas anticipé : pour nourrir le site au départ, j’ai proposé à des professionnels d’écrire leurs parcours. En faisant cela j’ai présenté mon projet, répondu à leurs interrogations. Les 130 personnes que j’ai interviewées sont d’univers très variés : toutes m’ont encouragée à continuer. C’est ce qui m’a fait aller au bout.
Mon ambition est claire : je voudrais que quand les gens cherchent un professionnel français à l’étranger, ils aient le réflexe « Bottin Mondial ».
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