Les 4 et 5 octobre 2024 la France a accueilli le XIXe sommet de la Francophonie au sein de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, une première depuis trente-trois ans. L’ASFE revient sur l’origine des sommets de la francophonie, vous présente les grandes lignes du discours prononcé par le président de la République et les mesures adoptées par les pays membres de l’OIF.
La Francophonie : un ensemble communautaire
Le terme « Francophonie » désigne un ensemble unique de personnes et d’institutions unie par le partage de la langue française.
C’est ensuite un dispositif institutionnel voué à promouvoir le français et à mettre en œuvre une coopération politique, éducative, économique et culturelle au sein des 88 Etats et gouvernements de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Ce dispositif est fixé par la Charte de la Francophonie, adoptée en 1997.
Consciente de leur appartenance à cette communauté de destin, les chefs d’Etats ont instauré un cadre de coopération multilatérale francophone au sein duquel la Francophonie a pour mission de promouvoir :
• la langue française et la diversité culturelle et linguistique
• la paix, la démocratie et les droits de l’Homme
• appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche
• développer la coopération économique au service du développement durable.
L’OIF est chargée de mettre en œuvre la coopération multilatérale francophone aux côtés de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et de quatre opérateurs : l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5MONDE, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et l’Université Senghor à Alexandrie.
La Conférence des chefs d’État et de gouvernement : une longue tradition francophone
Le Sommet fait partie des trois instances consacrées par la Charte de la Francophonie. Il se réunit tous les deux ans. Il est présidé par le chef d’Etat ou de gouvernement du pays hôte du Sommet jusqu’au Sommet suivant. Il statue sur l’admission de nouveaux membres de plein droit, de membres associés et de membres observateurs à l’OIF. Il s’agit de concertations politiques au plus haut niveau qui participent au renforcement de la place de la Francophonie sur la scène internationale et affirme son unité.
La toute première rencontre des chefs d’états et de gouvernement s’est tenue en 1986 à Versailles (France), à l’invitation du président de la République française François Mitterrand. À l’époque, 42 États et gouvernements y prennent part. Lors de cette grande rencontre, quatre domaines essentiels de coopération multilatérale sont retenus : le développement, les industries de la culture et de la communication, les industries de la langue ainsi que le développement technologique couplé à la recherche et à l’information scientifique.
Depuis 1986, il y a eu 18 Sommets de la Francophonie repartis dans l’ordre chronologique suivant :
1986 à Versailles (France), 1987 à Québec (Canada-Québec), 1989 à Dakar (Sénégal), 1991 à Paris (France) initialement prévu en RDC, 1993 à Grand-Baie (Maurice), 1995 à Cotonou (Bénin), 1997 à Hanoi (Vietnam), 1999 à Moncton (Canada-Nouveau Brunswick), 2002 à Beyrouth (Liban), 2004 à Ouagadougou (Burkina Faso), 2006 à Bucarest (Roumanie), 2008 à Québec (Canada-Québec), 2010 à Montreux (Suisse) initialement prévu à Madagascar, 2012 à Kinshasa (RDC), 2014 à Dakar (Sénégal), 2016 à Antananarivo (Madagascar), 2018 à Erevan (Arménie) et 2022 à Djerba (Tunisie).
Le XIXème Sommet de la Francophonie est celui de Villers-Cotterêts. Il a a réuni une centaine de délégations d’États et gouvernements membre de l’Organisation internationale de la Francophonie.
Durant cette rencontre les chefs d’Etat définissent les orientations de la Francophonie dans un Cadre stratégique décennal, de manière à assurer son rayonnement dans le monde. A cet égard le sommet adopte toute résolution qu’il juge nécessaire au bon fonctionnement de la Francophonie et à la réalisation de ses objectifs. Ces concertations donnent lieu traditionnellement à une grande déclaration qui vient la plupart du temps redéfinir ou élargir le champ d’actions de la coopération entre États-membres et améliorer les structures et les modes de fonctionnement de l’organisation.
Le XIXème Sommet : l’affirmation d’une ambition francophone et le renforcement de la coopération
Le sommet de la francophonie a été marqué par le discours du président Emmanuel Macron.
Lors de son allocution, le président de la République a défini la langue française comme étant : « un univers », « un espace d’opportunité pour créer », une langue faite « pour entreprendre».
Le président a notamment rappelé que la langue française est riche de ses 330 millions de locuteurs et «profondément attractive en termes de puissance commerciale et économique».
Le chef de l’Etat a également livré sa vision de la francophonie, qu’il définit comme « ce qui nous permet, de bâtir un universel partagé et réinventé». Un universel qui se doit d’ être « décentré, pluriel, respectueux, basé sur la reconnaissance des cultures et des peuples ».
Enfin le chef de l’État a appelé de ses vœux à ce que la francophonie soit un « espace d’influence diplomatique ». Il a notamment plaidé devant ses homologues pour un espace francophone uni doté d’ une diplomatie qui défende partout la « souveraineté et l’intégrité territoriale ».
Le discours du président de la République a eu une résonance particulière, car l’espace francophone lui-même n’est pas exempté de crises. En effet, six États membres de l’OIF ont été sujet à des coups d’Etat récemment. Sur les six, l’organisation a fait le choix de suspendre jusqu’à nouvel ordre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tandis que la Guinée, suspendue dans un premier temps pour les mêmes motifs, a bénéficié d’une réintégration.
De même, la rhétorique du Président vient mettre en exergue la dimension politique de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), bras armé de la Francophonie. Dans un contexte mondial marqué par de profonde instabilité politique et crise sécuritaire, l’influence diplomatique de l’OIF sur la scène internationale reste à être redéfinie et renforcée. Restent en suspens les conflits existants entre États membres de l’OIF, notamment le conflit entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, qui accuse son voisin de présence militaire sur son territoire et de soutien à la rébellion du M23. Mais encore la rupture consommée entre la France et les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) (le Mali, le Niger, le Burkina Faso). De plus, l’absence inédite du Sénégal qui figure permis les pays fondateurs de l’OIF peut questionner.
En somme, s’il est certain que la Francophonie dispose d’atouts importants pour exercer une diplomatie d’influence sur la scène internationale, il n’en demeure pas moins que l’unité entre les États membres de l’OIF est de plus en plus éprouvée en son sein.
La Francophonie en chiffre
Source : l’Organisation Internationale de la Francophonie
La consécration de mesures innovantes
Le XIX sommet avait pour thème « Créer, innover et entreprendre en français ». En cohérence avec ces orientations, une série de mesures adoptées par les par les pays membres de l’OIF ont été annoncées :
- La Lutte contre les discours de haine à l’ère du numérique :
Les pays membres de l’OIF ont lancé « l’Appel de Villers-Cotterêts », où ils invitent notamment les grands acteurs du numérique à « bâtir un espace plus sûr et plus divers et à lutter contre tous ces discours de haine ». En adéquation avec cette mesure lors de son discours, le président Emmanuel Macron a appelé à « bâtir un ordre numérique protégeant les citoyens », pour « mieux lutter contre la désinformation, la propagation de la haine en ligne, les discours de haine, racistes, antisémites ».
- La création du Programme international de mobilité et employabilité francophone (PIMEF) :
Il s’agit d’un programme qui s’adresse à la jeunesse francophone. Il met en réseau les universités et les centres de recherche membres de l’Agence universitaire de la Francophonie présente dans 120 pays (étudiants, enseignants, chercheurs, administratifs) du monde entier. C’est notamment l’Agence universitaire de la francophonie qui sera chargée de la mise en place progressive de ce programme à partir de la rentrée universitaire 2025-2026. Ce dispositif doit permettre aux jeunes francophones scolarisés au sein de ces universités de bénéficier de programmes de mobilité centrés sur la professionnalisation et/ou l’employabilité. Ce programme fonctionnera sur un principe de réciprocité entre les universités et les établissements, c’est-à-dire qu’ils s’accorderont sur le nombre d’étudiants envoyés et reçu au sein des structures partenaires. Il s’apparente en quelque sorte à un Erasmus au sein de l’espace Francophone.
- La création du programme « Volontaires unis pour la Francophonie » :
Ce programme vise à favoriser l’attractivité du monde francophone. Pour ce faire, il devrait permettre à 100 jeunes volontaires, ressortissants d’États membres de l’OIF, de participer à des missions de plusieurs mois dans un autre pays de l’espace francophone, auprès d’organisations de la société civile, de collectivités territoriales et d’organismes publics actifs en lien avec la coopération éducative, l’entrepreneuriat social et la défense des valeurs de la Francophonie.
- Culturel : un soutien financier exceptionnel à la chaîne jeunesse du groupe TV5 Monde au Maghreb « Tivi 5 ». Cette mesure exceptionnelle a pour objectif de rendre plus accessible une offre de contenus francophones variée au bénéfice de la jeunesse au Maghreb.
- L’Alliance féministe francophone : il est question d’un dispositif qui vient en complément d’un programme existant ; « La Francophonie avec elles » qui est le programme d’autonomisation des femmes de l’OIF. Dans le cadre de cette Alliance, un consortium d’associations sera soutenu pour coordonner et financer la participation d’organisations féministes aux grands événements et sommets internationaux, renforcer leurs capacités techniques de représentation et de négociation, soutenir leur plaidoyer en faveur d’un financement plus important de l’écosystème féministe international.
- Le réseau francophone pour l’égalité et les droits des femmes :
Cette initiative permettra d’offrir un espace de concertation et de coordination, rassemblant des représentants d’États membres et observateurs auprès de l’OIF et/ou francophones, ayant un intérêt et un engagement communs pour la promotion des droits des femmes et des filles et de l’égalité de genre, les instances consultatives en matière d’égalité femmes-hommes.
In fine, le XIXème sommet de la Francophonie a permis de réaffirmer le rôle fondamental de la langue française.