Nicolas Laporte : « Il est essentiel que les gens préservent leur estime pour les sciences, car celles-ci sont cruciales à toutes les étapes de la vie »

Nicolas Laporte, astrophysicien passionné par l’étude des premières galaxies, a parcouru divers pays, dont le Chili et le Royaume-Uni, dans le cadre de ses recherches. En 2015, il a fondé l’association InfiniSciences pour promouvoir la diffusion des connaissances scientifiques. Lauréat du Trophée du Royaume-Uni dans la catégorie Innovation l’année dernière, il a de nouveau été honoré cette année, en remportant le Trophée de l’Éducation remis par le CNED lors des Trophées des Français de l’étranger 2024. Aujourd’hui, il est astronome-adjoint au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, à l’Université Aix-Marseille, poursuivant ainsi son exploration des mystères cosmiques et son dévouement à l’avancement de la science.

L’équipe de l’ASFE a eu l’opportunité de s’entretenir avec lui pour partager son expérience de chercheur à l’étranger.

Au fil de votre carrière, vous avez dirigé divers projets et même fondé l’Association InfiniSciences. Pourriez-vous nous donner une présentation détaillée de vous-même et nous expliquer en quoi consiste ce projet que vous avez initié ?

Je suis astrophysicien, donc j’observe les étoiles et les galaxies pour mieux comprendre l’univers, son origine et sa formation. J’ai effectué toute ma carrière universitaire en France. Après avoir obtenu mon doctorat, j’ai poursuivi avec plusieurs contrats post-doctoraux à l’étranger, notamment deux ans au Chili et un en Angleterre, avant de bénéficier d’une bourse de recherche et fonder mon propre groupe de recherche à l’Université de Cambridge, où j’ai mené des travaux de recherche tout en enseignant.

En parallèle de mon parcours académique, j’ai créé l’Association InfiniSciences dans le but de rendre la connaissance scientifique accessible au grand public Je suis convaincu que la recherche en astronomie, souvent financée par les citoyens, doit être présentée et expliquée de manière transparente. Ainsi, je m’engage à informer les contributeurs sur l’utilisation de leur argent et sur les avancées scientifiques réalisées grâce à leur soutien.

Mon domaine de recherche principal porte sur les premières galaxies de l’univers. Je cherche à comprendre comment ces galaxies se sont formées peu de temps après le Big Bang, et comment leur émergence a contribué à illuminer un univers autrefois sombre et noir. Pour mener à bien mes recherches, j’ai utilisé des données provenant de divers télescopes, notamment les télescopes européens au Chili, ainsi que les télescopes spatiaux tels que Hubble et maintenant, James Webb.

Dans le cadre de vos recherches, vous avez eu l’opportunité de voyager dans divers pays, est-ce que les approches scientifiques étaient différentes en fonction de ces pays ? Si oui, de quelles manières ?

Absolument, la façon dont chacun des pays voit la science est tout à fait différente. Quand un chercheur français va annoncer une découverte, on est certain que le résultat est fiable parce qu’il aura passé des mois à vérifier que sa conclusion était bonne. En France, on essaye de combiner l’observation et les simulations. Alors qu’au Chili, ils se basent plutôt sur l’observation. 

En Angleterre, la science se fait de façon plus rapide. Les Français vont attendre d’avoir 100 galaxies pour annoncer un résultat scientifique alors que les Anglais annoncent le résultat au fur et à mesure, à chaque fois qu’ils observent une galaxie.  

Donc c’est plus dynamique du côté anglais puisqu’on n’attend pas un résultat suffisamment robuste pour faire son annonce et publier un rapport.

Est-ce que les collaborations internationales, dans le domaine de l’astrophysique, offrent-elles de réelles opportunités pour les scientifiques Français résidant à l’étranger ? En quoi ces collaborations ont-elles enrichi votre travail ?

Oui, absolument. Aujourd’hui, la science est mondiale. Pour analyser les données des télescopes, il faut collaborer avec des scientifiques du monde entier. Chacun apporte son expertise, ce qui permet de faire des découvertes significatives en combinant nos connaissances. De mon côté, je contribue en leur donnant du temps d’observation et en les aidant à rédiger des projets pour l’utilisation des télescopes européens par exemple. En retour, les collaborateurs apportent leurs compétences sur d’autres télescopes ou dans d’autres domaines de recherche. Cette mutualisation des connaissances et des instruments permet à chacun d’avancer dans ses travaux.

Ces collaborations offrent aux scientifiques Français l’opportunité de faire partie d’équipes de recherche leaders dans les domaines actuels de la recherche.

Dans le monde entier, on observe une fascination commune pour les étoiles au sein des différentes cultures dans le passé. Cependant, la pollution et l’urbanisation ont malheureusement obscurci le ciel étoilé, limitant ainsi l’accès à cette passion à une partie de la population. Comment expliquez-vous ce phénomène et comment le percevez-vous par rapport à la génération actuelle qui n’a peut-être pas eu la chance de contempler les étoiles ?

C’est très juste. Il y a quelques années, par exemple, quelqu’un qui vivait à Paris pouvait voir les étoiles le soir alors qu’aujourd’hui, je pense souvent à ces enfants parisiens qui ne voient rien, si ce n’est que des lumières roses au-dessus de leur tête dues à la pollution atmosphérique et lumineuse. Lorsque je vais à la rencontre d’élèves et enseignants, je leur recommande de profiter des soirées d’hiver pour sortir et observer les étoiles. Cela permet de prendre du recul, de se rappeler notre place dans l’univers, que parmi toutes ces étoiles nous ne sommes qu’une petite planète, ce qui peut aider à relativiser nos problèmes. 

Maintenant, la pollution lumineuse petit à petit ferme le rideau du spectacle céleste puisque dans les villes on ne les voit plus. 

Cependant, des efforts sont à noter, certaines mairies pour des raisons écologiques et financières décident d’éteindre les lumières de la ville à minuit, permettant de rallumer les étoiles. Cela est à encourager dans les grandes villes aussi. Par exemple, la Belgique est le pays européen le plus reconnaissable de l’espace, à cause des éclairages d’autoroutes. 

Comment évaluez-vous le soutien que vous avez reçu de la part des institutions françaises en tant qu’expatrié ? Y a-t-il des aspects que vous souhaiteriez voir améliorés ?

En ce qui concerne ma recherche, je n’ai pas bénéficié d’un soutien direct des institutions françaises ou de l’Ambassade. Toutefois, j’ai obtenu une bourse ECOS-SUD, financée par le gouvernement français, qui m’a permis de collaborer avec des chercheurs chiliens et français, et cela a abouti à des résultats significatifs. Ces programmes de collaboration sont essentiels et devraient être maintenus et développés à l’avenir. 

Pouvez-vous partager des conseils ou des recommandations pour les jeunes chercheurs français qui envisagent de travailler à l’étranger ?

Je dirais qu’il faut y aller !  Cela offre une ouverture d’esprit et une perspective différente sur la recherche, ce qui peut être extrêmement enrichissant. En revenant en France, vous pouvez apporter cette nouvelle perspective à la communauté scientifique française, enrichissant ainsi la recherche nationale. Travailler à l’étranger vous permet également de nouer des collaborations précieuses avec des chercheurs d’autres universités, ce qui peut être bénéfique pour votre carrière, que vous envisagiez de rester à l’étranger ou de revenir en France.

Avez-vous d’autres remarques à ajouter ? En ce qui concerne votre implication avec les écoles ou votre communauté scientifique par exemple.

Lorsque je suis invité par une école, en particulier une école éloignée des grandes villes, je saisis cette opportunité car c’est là que les enfants ont le moins de chances de rencontrer des astrophysiciens. Comparé aux grandes villes, la médiation scientifique en milieu rural est enrichissante car elle permet un échange profond avec les jeunes et leurs parents, favorisant ainsi l’apprentissage mutuel.

La crise de la COVID-19 a, selon moi, terni l’image du scientifique en donnant la parole à des personnes se prétendant scientifiques sans fondement, ce qui peut entacher la confiance du public dans la science. Il est essentiel que les gens préservent leur estime pour les sciences, car celles-ci sont cruciales à toutes les étapes de la vie, de l’éducation à la compréhension des enjeux contemporains.

Nicolas Laporte à la Cité de l’espace à Toulouse

Site internet InfiniSciences : www.infinisciences.org

Un commentaire

  1. Bonjour, serait-il possible d’obtenir le contact de M. Laporte ? Je travaille au Chili, sur des projets de cooperation regionaux, et je cherche a monter un projet regional portant sur l’astrophysique.
    Merci par avance.
    S. Fernandez

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