Coopération culturelle franco-algérienne : peut mieux faire

Comment se porte la coopération culturelle entre la France et l’Algérie ? Frédéric Petit, député de la 7e circonscription des Français établis hors de France, inventorie les blocages existants, dans un rapport pour avis sur le budget de la diplomatie culturelle ou d’influence. Présenté devant la Commission des affaires étrangères le 18 octobre dernier, ce rapport contient des pistes d’amélioration, parmi lesquelles le développement d’une diplomatie non gouvernementale.

« Il est peu de pays hors de l’Union européenne avec lesquels la France entretient des liens aussi denses que l’Algérie, en une relation qui paraît tout aussi foisonnante au plan humain que dysfonctionnelle au plan politique ». C’est par ce constat sans concession que le député Frédéric Petit entame son état de l’art du fonctionnement de la coopération culturelle publique entre la France et l’Algérie. Il y consacre 20 pages, sur les 129 que compte son Rapport pour avis du budget de la diplomatie culturelle ou d’influence.

Des blocages politiques structurels 

Au-delà de ce qu’il appelle la « chronique diplomatique » entre les deux pays, de nombreux interlocuteurs du rapporteur lui ont indiqué qu’ils considèrent que, de façon structurelle, « les accords signés n’engagent pas le partenaire algérien ». Ainsi, les obstacles contre lesquels toute approche strictement institutionnelle de la coopération culturelle semble butter, trouveraient leur origine « dans l’organisation même de l’État algérien » : un système décrit comme prétorien, contrôlant tous les leviers du pouvoir et qui constitue « le principal goulot d’étranglement […] d’une coopération viable avec la France ».  

Cela se traduit – entre autres – par une « instabilité » (fort turn-over des ministres, des hauts fonctionnaires et des walis) et une « illisibilité » de l’administration, y compris aux plus hauts niveaux hiérarchiques, qui rend très difficile l’identification d’interlocuteurs pérennes avec qui mener des projets sur la durée. Pour autant, si ces obstacles structurels impactent l’ensemble des partenaires internationaux de l’Algérie, ceux-ci sont accrus dès lors qu’il s’agit de la France, indique le rapport.  

Un État algérien légitimé par son rejet de la France  

Au sein des élites algériennes, il existerait ainsi un point d’accord dans le refus de coopérer avec la France. En cause, la mémoire « sans cesse ravivée » de la guerre d’indépendance et de la colonisation, qui trouve de « solides points d’ancrage dans la société » et sur laquelle l’État algérien a construit sa légitimité. Frédérique Petit écrit ainsi que « en Algérie, la référence à la guerre n’a pas seulement une dimension rhétorique : elle est le fondement politico-religieux du régime ». Cela se matérialise à travers : 

  • une coopération technique (programmes d’appui, jumelages administratifs…) qui ne peut se faire que sous couvert de l’Union européenne, l’Algérie acceptant des partenariats de ce type lorsqu’ils sont formellement initiés par l’UE, mais pas en règle générale avec la France. Frédéric Petit préconise ainsi de mobiliser prioritairement les processus de coopération européenne et d’utiliser le canal européen pour déployer les outils de coopération français ;  
  • des politiques publiques visant à faire reculer l’usage de la langue française. Sur ce point, le rapport revient sur la situation de l’enseignement Français ou en langue française en Algérie. Malgré une forte demande venant de larges pans de la société, il n’existe qu’un seul lycée français en Algérie, contre dix-sept au Maroc, et ce dernier est totalement saturé. En cause : les obstacles mis par l’administration locale, non seulement à l’ouverture d’un nouveau lycée français, mais surtout aux initiatives des établissements privés algériens pour dispenser, en tout ou partie, un enseignement français ou en français. Le constat est le même du côté de la coopération universitaire, entravée par la volonté algérienne de généraliser l’usage de l’anglais plutôt que du français dans les enseignements non dispensés en arabe.  

Miser sur une diplomatie des sociétés civiles 

Face à la mise en échec de la « diplomatie des chancelleries », la coopération culturelle franco-algérienne pourrait s’appuyer sur les sociétés civiles française et algérienne, préconise le rapporteur. À cette fin, le Service de Coopération et d’Action culturelle (SCAC) peut s’appuyer les réseaux de coopération traditionnels. C’est le cas par exemple :  

  • des Instituts français, qui disposent de 5 antennes (Alger, Annaba, Constantine, Oran, Tlemcen) et de 16 implantations au total. Des lieux très fréquentés par la jeunesse algérienne et les artistes, qui représentent parfois, comme à Oran, le seul lieu d’exposition de la région et qui utilisent de canaux de communication différents des chancelleries. Ce qui « paraît, en Algérie, de bonne politique » commente Frédéric Petit.
  • des grands projets à vocation régionale, tels que le 3e Forum régional Afrique-Europe qui s’est tenu à Alger en février 2023, le Fond de solidarité pour projet innovants (FSPI) « Livres des deux rives : un dialogue méditerranéen par le livre » ou encore la Saison Méditerranée, annoncée par le président de la République et qui doit se tenir en 2026.  
    Le rapporteur relève toutefois l’obstacle des refus de visas opposés aux Français ou étrangers pressentis pour participer aux événements culturels organisés par l’ambassade : en moyenne annuelle, près de 40 % des intervenants non algériens se trouvent ainsi contraints d’annuler leur participation, souvent à la dernière minute, faute de visa.    

Outre les réseaux de coopération traditionnels, le SCAC peut aussi s’appuyer sur :  

  • les association locales. Malgré un contrôle administratif important, ces dernières multiplient les initiatives courageuses sur des questions politiques, culturelles ou sociales dont l’expression est difficile en Algérie. Le SCAC soutient leurs initiatives.  
  • les binationaux. Plusieurs des partenaires de l’ambassade sont des Franco-Algériens menant de projets concomitamment en Algérie et en France, dans l’intérêt mutuel des deux pays, manifestant ainsi l’exercice d’une « bi-citoyenneté féconde ».   
  • des personnalités d’avenir en Algérie susceptibles de contribuer à une refonte de nos relations à long terme. Identifiés par le programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA) du MEAE, ces derniers se voient offrir l’opportunité de séjourner en France pour y effectuer des rencontres de haut niveau en lien avec leurs activités.  
Frédéric Petit, député de la 7e circonscription des Français établis hors de France, et rapporteur pour avis du budget de la diplomatie culturelle ou d’influence



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