Déplacement d’Evelyne Renaud-Garabedian au Liban

Le 2 mai dernier, Evelyne Renaud-Garabedian s’est rendue au Liban dans le cadre de ses fonctions sénatoriales. Retour sur ce déplacement riche en rencontres.

Une crise historique

Le petit-déjeuner avec le Chargé d’Affaires de l’Ambassade, Jean-François Guillaume et le Consul général de France, Julien Bouchard a été l’occasion de rappeler l’histoire séculaire de la France et du Liban, leurs liens culturels forts, l’importance de la communauté française présente au Liban (plus de 20 000 français et franco-libanais inscrits au Registre) de la diaspora libanaise en France (plus de 200 000 personnes) ainsi que l’aide financière substantielle accordée à la France au Liban notamment via l’AFD. 

La situation actuelle du pays a été également évoquée, celle d’un « Etat failli » où les structures étatiques ne fonctionnent plus, où l’économie est percluse par une inflation galopante et où les journées sont rythmées par les rares heures d’électricité.

Le pays est privé de président depuis le mois de novembre et les institutions politiques sont paralysées. Le gouvernement aux pouvoirs réduits assure la gestion des affaires courantes tandis que le Parlement est déserté par les députés. 

L’inflation annuelle atteint 190%, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 261 % sur l’année. La dépréciation de la livre de plus de 98% par rapport au dollar sur le marché noir en est l’une des raisons. Cette dévaluation est, elle-même, due à l’effondrement du système bancaire, entérinant la banqueroute de l’Etat et entraînant la ruine des déposants qui ne peuvent plus accéder à leurs avoirs. Le directeur de la Banque centrale, poursuivi par plusieurs enquêtes internationales pour des affaires de blanchiment d’argent, d’escroquerie et de détournement de fonds est tenu pour responsable du chaos économique.

Cette crise économique et financière sans précédent et l’effondrement de la livre libanaise par rapport au dollar a conduit l’économie à se dollariser : paiement de certains salaires en dollars, règlement auprès des hôtels et restaurants autorisés en devises étrangères. 

La chasse au billet vert dans un pays où les liquidités sont rares ont conduit les banques à imposer des restrictions sur les plafonds de retraits des « lollars » ou dollars bloqués en banque. En effet, sur le marché noir, ces mêmes dollars s’échangent pour des sommes folles, enrichissant au passage considérablement les changeurs.

Les salariés payés en »fresh » dollars, poussés par la parité extrêmement avantageuse convertissent immédiatement leur rémunération en livres auprès de ces changeurs. Ils constituent aujourd’hui une classe très aisée, véritables gagnants de la crise. Ceux rémunérés en livres ont, eux, vu leur salaires divisés par 15. 82% des Libanais vivraient actuellement sous le seuil de pauvreté soit avec moins de 6 dollars par jour.

Le pays survit aujourd’hui en grande partie grâce aux aides internationales, aux dons du Qatar et des Etats-Unis, à l’argent envoyé ou rapporté par la diaspora (38% du PIB du Liban) mais également par le blanchiment de l’argent sale issu de la drogue de la Syrie voisine.

Petit-déjeuner avec Jean-François Guillaume, Ziad Nassour, et Julien Bouchard

Visite du grand lycée franco-libanais

La matinée s’est poursuivie par la visite du grand lycée franco-libanais de Beyrouth géré par la Mission laïque française (MLF) et scolarisant 2400 élèves et comptant 300 personnels.

Accueillie par le proviseur du lycée, Xavier Ferrand et le conseiller culturel adjoint Henri de Rohan-Csermak, Evelyne Renaud-Garabedian a échangé avec les personnels de l’établissement. Depuis la crise du Covid, de nombreuses familles françaises ont quitté le Liban, réduisant de facto les effectifs du lycée, notamment la maternelle qui a perdu 90 élèves.

Le réseau d’établissements français homologués au Liban compte 63 établissements accueillant 62 000 élèves dont 3 000 Français. En raison de la très forte dépréciation de la livre libanaise et de l’hyperinflation, les établissements d’enseignement français à l’étranger ont été contraints, en sus des frais de scolarité, d’instaurer une contribution des familles acquittée en dollar pour régler les frais de fonctionnement. Or, les bourses scolaires de l’AEFE ne peuvent couvrir que les frais d’écolage en livres libanaises et non cette contribution supplémentaire. Ainsi, une quotité de bourse de 100% ne couvre que réellement 20% des frais totaux à acquitter comprenant la contribution additionnelle.

Cette situation, portée à la connaissance du directeur de l’AEFE est problématique et pourrait remettre en cause la scolarité des élèves français boursiers au sein des établissements d’enseignement français homologués au Liban.

Malgré les difficultés, de très beaux projets sont mis en oeuvre au sein du grand lycée franco-libanais : labellisation développement durable avec la pose de panneaux photovoltaïques, cours d’histoire des arts, sensibilisation au numérique, création d’un comité des parents.

Visite de du grand lycée franco-libanais

Conférence à l’Ecole spécialisée des affaires (ESA)

La Sénatrice s’est ensuite rendue à l’ESA qui occupe les anciens locaux prestigieux de l’ambassade de France jusque dans les années 80 et toujours propriété française. Créée en 1996 par un accord intergouvernemental, l’ESA est une Grande École de Management dédiée à la formation des cadres et dirigeants du Liban et du Moyen-Orient. Gérée par la Chambre de Commerce et d’Industrie Régionale de Paris Ile-de-France (CCIR), elle forme chaque année plus de 500 étudiants en partenariat avec 9 écoles parmi lesquelles figurent les meilleures institutions françaises et européennes – comme HEC Paris, l’ESSEC, ESCP Europe ou encore SDA Bocconi. Reconnue comme pôle de rayonnement académique pour le Liban, elle constitue une plateforme d’échanges et de rencontres entre l’Europe, le Moyen-Orient et le Liban ainsi qu’une vitrine de l’excellence de la coopération franco-libanaise. 

Conférence à l’ESA

Introduite par Maxence Duault, directeur de l’ESA et président de la CCI France-Liban, la conférence a été l’occasion pour Evelyne Renaud-Garabedian de présenter sa proposition de loi visant à soutenir les entrepreneurs français à l’étranger. Dans l’assistance, de très nombreux entrepreneurs français qui ont créé leur société au Liban ont partagé leur expérience et ont unanimement soutenu ce texte qui leur permettrait enfin d’être reconnus par les autorités françaises. Certains ont regretté le manque de coopération des filiales des grandes entreprises françaises présentes au Liban avec les entrepreneurs français sur place ainsi que l’absence d’information aux entrepreneurs de marchés publics, pourtant financés par la France. Cette rencontre s’est poursuivie par le témoignage d’Eric Barbé, président-directeur général de Seafrigo, un des leaders mondiaux du transport alimentaire sous température dirigée qui a ouvert des bureaux et construit des entrepôts aux quatre coins du monde. 

Le déjeuner en présence des membres de la CCI France-Liban ainsi que du ministre de l’Information, Ziad Makary a permis d’envisager les investissements, partenariats et coopérations permettant de sortir le Liban de l’asphyxie économique qu’il connaît actuellement et de se réinventer un avenir. 

Déjeuner en présence des membres de la CCI France-Liban et du ministre Makary


Rencontre avec le Gouverneur sur le port de Beyrouth

La journée s’est achevée par la visite du port de Beyrouth menée par Marwan Abboud, gouverneur de la ville depuis juin 2020. Ce port a été le théâtre le 4 août 2020 de l’une des explosions non-nucléaires les plus dévastatrices de l’histoire mondiale tuant 220 personnes (dont 1 Français) et en blessant plus de 7 000 autres, tout en causant de très importants dégâts matériels.

Selon les autorités libanaises, le stockage de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium serait à l’origine de la double explosion meurtrière. Cette substance dite « comburante » permet la combustion d’une autre substance déjà en feu. Marwan Abboud explique que le nitrate d’ammonium encore présent sur le site entretient encore des feux qui ne peuvent pour le moment être stoppés et ce trois ans après la catastrophe.

Le Gouverneur montre un silos à grain, partiellement détruit mais encore debout, que les familles des victimes souhaiterait transformer en lieu de souvenir. Les stigmates de l’explosion sont toujours présents dans la zone portuaire qui se reconstruit peu à peu. L’armateur CMA CGM, qui a repris l’espace dédié au chargement des conteneurs a investi pour la remise à niveau des portiques et équipements.


Evelyne Renaud-Garabedian et Marwan Abboud ont enfin déposé une gerbe en mémoire des victimes. 

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