Charles III et les défis de la monarchie britannique  

Le samedi 6 mai, huit mois après la mort d’Elizabeth II, Charles III a été couronné roi du Royaume-Uni lors d’une cérémonie solennelle à l’abbaye de Westminster. L’événement a été suivi par plus de 18 millions de téléspectateurs britanniques et 9 millions de Français. Retour sur cette journée historique, avec Patricia Connell, conseillère des Français de Londres et élue AFE.  

Le couronnement de Charles III intervient 70 ans après celui de la reine Elizabeth II. Y-a-t-il eu des différences notables entre les deux cérémonies ? 

Il y a eu, en effet, des différences notables à la fois sur le fond et la forme. Pour la première fois, la cérémonie a été retransmise en couleur, non pas en noir et blanc comme celle de 1953. Il s’agissait également d’un double couronnement, celui d’un roi et de sa reine consort. Elizabeth II avait été couronnée seule, le titre de “roi consort” n’existant pas pour l’époux d’une reine.  

Le roi Charles et le Prince William ont tout particulièrement tenu à ce que la cérémonie soit très inclusive, reflétant à la fois la diversité et la mixité du Royaume-Uni et plus globalement du Commonwealth.
Ainsi, c’est la première fois qu’une femme évêque de l’Église anglicane, Sarah Mullaly, participe à un couronnement. De son côté, Penny Mordaunt, Leader of the House and Lord Président du Conseil, est également la première femme à avoir porté l’épée d’État à cette occasion. Une épée de 3.6 kg qu’elle a tenue pendant près d’une heure !

Autre première, tous les cultes étaient représentés : hindouisme, bouddhisme, sikhisme, judaïsme, islam, catholicisme. Tous ont joué un rôle actif pendant la cérémonie. À noter que le Palais a pris des mesures hors du commun pour accommoder ses hôtes. À titre d’exemple, le rabbin orthodoxe et son épouse ont été invités à passer la nuit à St James’s Palace afin de ne pas avoir à emprunter une voiture un jour de shabbat. 

De même, les quatre langues du Royaume-Uni ont été intégrées : l’anglais bien sûr, le gallois et les gaéliques irlandais et écossais. Enfin, pour la première fois, un monarque a fait une prière à voix haute durant son couronnement.  

Les images de l’abbaye donnaient l’impression d’un spectacle cinématographique digne d’Hollywood : tout était presque trop propre, trop bien organisé, trop beau. Un film hollywoodien réalisé en une seule prise !  

Quels sont les principaux défis que Charles III va devoir relever pour préserver l’héritage de sa mère, Elisabeth II, et la popularité de la monarchie anglaise ? 

En 1953, quand Elizabeth II monte sur le trône, le royaume est bien différent. La guerre n’est finie que depuis 8 ans, les coupons de rationnement sont encore en circulation et le roi son père a sans aucun doute sauvé la monarchie en prenant la place de son frère, Edouard VIII qui avait abdiqué en décembre 1936 pour épouser Wallis Simpson. 

Cette fois, Charles arrive à un moment où la monarchie est une fois de plus questionnée. Un nombre de scandales ont marqué ces dernières années : le Prince Andrew, Harry et Meghan, la princesse Diana… Beaucoup se demandent si la monarchie est toujours pertinente dans un monde moderne. Le monde a bien changé. D’ailleurs, de nombreux chanteurs britanniques et australiens ont refusé de paraître lors du concert donné le dimanche, au lendemain du couronnement, alors qu’ils avaient accepté d’être au jubilé de la Reine Elizabeth II. 

Des centaines de personnes ont manifesté à Londres et dans d’autres villes du pays contre la cérémonie du couronnement et la monarchie anglaise. Quelles sont les raisons qui poussent une partie de la population à contester ces symboles de l’identité britannique ? 

Ce n’est pas nouveau, beaucoup ne se reconnaissent pas dans cette monarchie basée sur des pratiques archaïques, vues souvent comme médiévales. La police a elle aussi été critiquée pour avoir arrêté les manifestants avant qu’ils n’aient pu s’approcher des festivités. Il était important bien entendu que tout se passe dans la bonne humeur pour l’image du pays mais peut-être est-elle allée un peu trop loin.  

Il faut reconnaître que c’est un énorme exercice de relation publique, pas seulement au niveau du pays mais aussi au niveau mondial. Il suffit de regarder les chiffres. Des millions de personnes ont suivi le couronnement en direct. Même la France, un pays pourtant très républicain, avait presque 9 millions de téléspectateurs agglutinés devant leur poste de télévision. Au Royaume-Uni, ils étaient 13,4 millions devant leur écran au moment où la couronne a été déposée sur la tête de Charles III. À noter qu’ils étaient jusqu’à 28 millions à regarder en direct les funérailles d’Elizabeth II.

Comment les Français du Royaume-Uni perçoivent-t-ils la monarchie britannique et ce type d’événements ? 

Je pense que les Français du Royaume-Uni sont tout aussi fascinés par cet événement que les Français de France. On se demande tous si le roi parviendra à redorer rapidement l’image de la famille royale.   

Avez-vous quelque chose à rajouter ? 

Charles III est face à un vrai challenge : relever l’image de la monarchie s’il veut qu’elle perdure, pour lui, pour son fils, son petit-fils et les générations à venir. 
Sa tâche ne va pas être de tout repos, celle de sa famille non plus. D’ailleurs, toute la famille royale était à l’œuvre ce week-end, avec des visites de sites et la participation aux festivités. Même le petit prince Louis, âgé de 5 ans, avait été enrôlé pour l’occasion.  

Patricia Connell, Conseillère des Français de Londres et élue AFE

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