Déborah Pardo : scientifique féministe et proactive

Docteure en Écologie des Populations, Déborah Pardo est une consultante scientifique internationale, spécialiste de la biodiversité. En 2018, riche de ses voyages en Antarctique et en Arctique, elle cofonde puis dirige EarthShip Sisters, un mouvement qui vise à promouvoir le leadership féminin en matière de transition énergétique.  

Comment est née votre conscience écologique ?  

Elle me vient d’abord de mes parents, qui sont arrivés d’Afrique du Nord avec rien et qui m’ont appris le respect des choses, à ne pas gaspiller et à réutiliser les choses du quotidien. Elle me vient aussi du temps passé à observer les insectes dans le jardin de mes grands-parents et à consulter l’encyclopédie interactive Encarta 95. 
Puis, en classe de troisième, j’ai fait un stage chez un vétérinaire, cela a été un véritable choc : je soignais des animaux percutés par des voitures, des animaux obèses, des animaux abîmés par la bêtise et la négligence humaine. Très vite, j’ai eu envie de les protéger dans leur milieu naturel, nourrie par les documentaires animaliers.

Quelles sont les étapes « clés » de votre parcours professionnel ? 

Pendant l’ensemble de mon parcours universitaire, j’ai été très proactive : j’ai fait des stages, participé au programme Erasmus en Suède, j’ai organisé des colloques etc… Après mon doctorat en Écologie des Populations, j’ai passé 8 ans à l’étranger, dans des instituts de recherche, à étudier les Albatros. Avec plusieurs missions dans le grand Sud, j’ai élaboré des modèles mathématiques pour prouver l’impact des activités humaines sur le déclin catastrophique de ces oiseaux emblématiques.

Puis, en découvrant le manque de transposition concrète des travaux scientifiques dans le monde économique, je quitte tout en 2017. Je rejoins alors un programme australien qui forme les femmes scientifiques en leadership. À l’issue de ce programme, marqué par la plus grande expédition féminine de l’histoire en Antarctique, je décide de me lancer comme scientifique à impact freelance, en proposant du consulting, des conférences et des expéditions polaires.

Un an plus tard, je co-fonde le mouvement Earthship Sisters qui révèle le leadership des femmes pour accélérer la transition écologique. Enfin, en 2022, je crée la société Earthship Générations, société de conseil et organisme de formation spécialisé en leadership environnemental. L’objectif est d’accompagner toutes les entreprises dans leur passage à l’action.

Vous vous présentez comme une scientifique à impact. Qu’est-ce que cela signifie ?   

Cela signifie que la lenteur avec laquelle nous prenons en compte les enjeux écologiques ne me convient pas et que j’aspire à obtenir des résultats concrets dès aujourd’hui. Pour devenir une scientifique à impact, j’ai ainsi créé ma propre activité d’entrepreneure – conférencière – exploratrice, avec pour objectif d’inspirer et d’outiller les entreprises, les entrepreneures et la jeunesse dans leur transition écologique. Cela doit se faire impérativement de façon positive et orienté solutions.

« Les femmes sont une source de créativité sous-estimée pour accélérer la transition écologique »

Selon vous, le leadership des femmes permet d’accélérer la transition écologique. Pourriez-vous en expliquer les raisons ? 

Ce qu’il faut savoir, d’abord, c’est que les femmes sont surexposées aux catastrophes environnementales, tout simplement parce qu’elles sont davantage touchées par toute forme de précarité (Cf ONU, INSEE, OXFAM). Dans le même temps, on constate que les femmes sont tenues à l’écart des sphères de pouvoir. 70 % des postes décisionnels dans le monde sont occupés par des hommes (Baromètre Sista et BCG, 2021).  

Dans ce contexte, le leadership féminin apparait comme plus collaboratif et inclusif, comme l’indique le rapport “Women in the Workplace”, publié récemment par le cabinet McKinsey. La diversité et l’égalité entre les femmes et les hommes sont des atouts essentiels pour trouver des solutions durables et justes. Les femmes sont donc une source de créativité sous-estimée pour accélérer la transition écologique.  

En quoi consiste le mouvement Earthship Sisters et quel bilan tirez-vous depuis sa création il y a 5 ans ? 

Le mouvement Earthship Sisters est une association qui propose un programme de 9 mois à des femmes en recherche de sens et d’impact. Ce programme est à la fois un incubateur de projets à impact positif sur l’environnement, une formation en leadership environnemental basé sur 9 piliers et un réseau professionnel d’éco-ambassadrices.  

Depuis sa création, j’ai appris à constituer et à mener une équipe, à faire de la gestion de projet assez ambitieuse, à chercher des financements publics et privés et à designer des projets pédagogiques. À ce stade, nous avons accompagné 48 femmes sur 3 promotions, qui ont révélé leur leadership, qui ont créé une trentaine de structures de l’économie sociale et solidaire, alignées avec elles-mêmes, et qui bénéficient d’un réseau de soutien basé sur la puissance de la sororité. On continue avec l’ambition de toucher toujours plus de femmes engagées, d’être 1500 d’ici 2030.

La transition écologique passe-t-elle davantage par des solutions politiques ou scientifiques ?

Je pense qu’aujourd’hui le débat ne s’arrête pas là. Chaque partie prenante de la société doit faire le maximum en son pouvoir. C’est pourquoi, nous concevons des programmes de formation accessibles à tous en leadership engagé. Cela passe par la connaissance et l’acceptation de soi et par une réelle connaissance des liens entre le changement climatique, la pollution et la disparition de biodiversité.  
Il y a urgence. Il faut que cette transition écologique donne envie, plutôt que de faire peur. Nous sommes à la fin d’un cycle, c’est très excitant d’écrire la suite ensemble. Nous avons tous les outils pour le faire.

Crédit photo : @Joël Assuied

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