Victoire de Giorgia Meloni : « La coalition des droites qu’elle a réussi à créer va devoir faire ses preuves »

Dimanche 25 septembre, l’alliance des droites menée par Fratelli d’Italia a triomphé aux élections législatives italiennes avec plus des 44% des suffrages, s’assurant une majorité solide tant à la Chambre des députés qu’au Sénat.

Figure de proue de la droite souverainiste italienne, Giorgia Meloni leader de Fratelli d’Italia, est donc la favorite pour diriger un nouveau gouvernement de coalition, avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi.

Le Parti Démocrate (PD) dirigé par Enrico Letta est en net recul et ne totalise que 26% des suffrages avec ses alliés de centre gauche.

Annie Rea, conseillère des Français de l’Italie du Nord et élue à l’AFE, Carole de Blesson, conseillère des Français d’Italie Centre Sud et Malte, nous aident à décrypter cette élection et ses conséquences.

Avec cette élection, l’Italie fait un pas encore plus important vers la droite de la droite sur l’échiquier politique. Selon vous, quelles sont les raisons qui ont conduit une majorité d’Italiens à voter pour ce parti ?

Giorgia Meloni qui en 2018 représentait 4%, s’est toujours positionnée comme unique opposante à la coalition « d’union nationale » de Mario Draghi. Elle en recueille les fruits aujourd’hui, sa stratégie semble avoir fonctionné. Elle a pioché une partie de son nouvel électorat chez Matteo Salvini, environ 10 points, ainsi que chez les 5 étoiles, à hauteur d’environ 12 points, deux courants de pensée antisystème. Son discours anti Union Européenne qu’on lui a beaucoup reproché s’est fortement atténué. La coalition des droites qu’elle a réussi à créer va devoir faire ses preuves.

La victoire de ce parti dans un pays membre fondateur de l’Union européenne, troisième économie de la zone euro, est une grande source d’incertitude. Quelles pourraient être selon vous les conséquences pour les relations entre Rome et Bruxelles ?

Cela dépendra de la formation du Gouvernement, notamment du ministre des Finances. Il est fort à parier que ce sera un ministre berlusconien, ce qui aurait pour effet de rassurer Bruxelles. Le spread italien, autour de 2,5% reste raisonnable. Pour lutter contre l’inflation, la BCE devrait relever davantage son taux directeur, ce qui handicaperait fortement l’économie italienne, très dépendante du crédit bancaire, car sous-capitalisée.

Quel avenir pour le traité bilatéral France Italie – Traité du Quirinal – signé en novembre 2021 par Emmanuel Macron et Mario Draghi ?

La relation bilatérale franco-italienne a connu sa lune de miel sous le gouvernement Draghi, le traité pourrait subir quelques pannes ou ralentissements dans certains domaines. Rappelons que Giorgia Meloni s’était opposée à la signature de ce traité.

Qu’adviendra-t-il du plan de relance alloué par l’Europe à l’Italie ?

L’Italie est dotée d’une somme conséquente, 192 milliards sur les 750 du plan de relance européen. Un des problèmes cruciaux de l’Italie est sa capacité à transformer les crédits en investissements. Le plan de relance européen, très généreux pour l’Italie, était « gagé » sur la crédibilité de Mario Draghi. Si Giorgia Meloni ne peut garantir à Bruxelles que l’argent sera bien utilisé, alors, de fortes tensions sont à craindre.

La loi électorale italienne a été récemment modifiée pour garantir plus de stabilité politique. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent ces changements ?

Aux élections politiques du 25 septembre dernier, on a voté en utilisant la loi électorale connue sous le nom de loi Rosato ou Rosatellum du nom d’Ettore Rosato (appartenant aujourd’hui au parti “Italia Viva”, le parti de Matteo Renzi). La loi prévoit un système électoral mixte: 37,5 % de sièges alloués au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 62,5 % au scrutin proportionnel plurinominal. Les partis n’obtiennent des sièges que s’ils totalisent au moins 3% des voix sur une base nationale. De plus, les sièges à attribuer à la Chambre sont 400 (et non plus 630) et au Sénat sont 200 (et non plus 315), en raison des modifications introduites par le référendum sur la réduction du nombre de parlementaires. En effet, devant élire moins de parlementaires, les collèges doivent être beaucoup plus grands, en embrassant des territoires parfois inégaux et créant une plus grande distance entre l’électeur et l’élu.

Parmi les nouveautés introduites : la parité de genre homme femme sur les listes des collèges uninominaux, la possibilité pour les électeurs de voter directement pour les Sénateurs.

Pendant la campagne électorale, Giorgia Meloni a mis en avant une vision très conservatrice de la famille. Connaît-on les conséquences de son élection sur les droits des femmes et la communauté LGBTQ ?

Giorgia Meloni fera ce qu’elle a dit : le modèle est la famille traditionnelle. Il fut s’attendre à ce que toute évolution du droit de la famille en Italie sera « scrutée » par le Vatican.

Giorgia Meloni pourrait être active sur les différences salariales, notamment la situation économique des femmes. D’un côté, son programme électoral prévoit une aide importante à la famille traditionnelle pour favoriser la natalité: crèches gratuites, soutien aux foyers de 400€ par mois pour chaque enfant jusqu’à l’âge de 6 ans, congé parental couvert á 80%, protection des mères qui travaillent, pas de TVA sur les produits pour la petite enfance et protection des professionnelles indépendantes pendant la maternité. De l’autre côté, même si elle reconnaît les unions civiles entre homosexuels, elle n’envisage pas de leur accorder la possibilité de se marier et elle considère que seule la famille traditionnelle composée d’un père et d’une mère reste éligible pour l’adoption de mineurs.

Le soutien à l’Ukraine affiché par Giorgia Meloni pourrait se heurter à la russophilie de Silvio Berlusconi et de Matteo Salvini. Ces divergences pourraient-elles impacter la position italienne vis-à vis de la Russie et du conflit ukrainien ?

L’Italie est intrinsèquement pro-américaine, toutes les familles italiennes ont des cousins aux USA ; l’Italie est catholique et pas orthodoxe. Les clins d’œil à Moscou de Silvio Berlusconi et de Matteo Salvini ont été désavoués dans les urnes dimanche dernier par les citoyens italiens.

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