Une page d’histoire se tourne

En quelques jours, deux figures qui ont marqué l’histoire sont parties. D’aucuns diront qu’elles appartenaient au passé, au siècle dernier dont elles ont été des acteurs majeurs. Certes, peut-être incarneraient-elles à la fin de leur vie le vieux monde, l’effet de leur action respective est pourtant encore visible aujourd’hui.

Nous voulons parler évidemment d’Elizabeth II qui s’est éteinte le 8 septembre dans sa résidence de Balmoral, en Ecosse, à l’âge de 96 ans. Quant à Mikhaïl Gorbatchev, il est mort à Moscou, le 30 août dernier, à 91 ans. Même si elle n’exerçait pas le pouvoir, la reine d’Angleterre était une « immense icône du service désintéressé », comme l’a dit d’elle le président kenyan. « Never complain, never explain » était sa devise. Jusqu’à la fin de son règne de 70 ans, elle n’a jamais dérogé à la règle et ne s’est jamais dérobé à sa fonction. Face aux épreuves – les trahisons, divorces, scandales et décès dans la famille royale –, elle a toujours su se montrer à la hauteur, quitte à parfois manquer un peu d’empathie. Cette souveraine incarnait des valeurs qui font souvent défaut de nos jours au plus haut niveau du pouvoir : la dignité, la fidélité à l’histoire, une approche à long terme. Elle était le ciment de sa nation et a maintenu, sans faillir, l’illusion de l’empire britannique. Il est effectivement intéressant de constater que, même dans les anciennes colonies du Commonwealth, sa disparition a été accueillie avec émotion. Son fils, le nouveau roi Charles III saura-t-il faire aussi bien ? Ses premiers pas montrent qu’il sera sans doute fidèle à l’esprit de sa mère.

Mikhaïl Gorbatchev, lui, a écrit l’histoire. Le dernier dirigeant soviétique a changé, en six ans de pouvoir, de 1985 à 1991, la face du monde. En lançant la perestroïka puis la glasnost – la reconstruction et la transparence – comme mode de gouvernance, il pensait sauver l’Union soviétique, transformé un régime criminel en un empire fréquentable. Originaire du Caucase, élevé à l’école du parti dont il avait gravi tous les échelons, il voulait changer le système de l’intérieur. Las, les apparatchiks communistes ne lui ont pas rendu la vie facile et l’Occident ne l’a pas toujours aidé dans son œuvre. C’est ainsi que l’Empire soviétique a éclaté et que le chef du Kremlin a été obligé d’annoncer la mort de l’URSS le 25 décembre 1991. Trente ans après la chute de Gorbatchev, Vladimir Poutine tente de reconstruire cet empire. Mais pas sur les mêmes bases ni les mêmes intentions, car l’autocrate de Moscou est, d’une certaine manière, l’antithèse de son lointain prédécesseur. Le modèle de Poutine serait plutôt Staline dont il possède, semble-t-il, quelques-unes des façons de faire…


Avec Mikhaïl Gorbatchev comme avec la reine d’Angleterre, le monde était doté de deux personnalités qui se sont distinguées par leur vision à long terme, leur discipline dans l’exécution de leur mission, par leur gouvernance dictée par la raison. Le premier entendait marcher vers la paix, la seconde était un exemple de sagesse. Après eux, ils ne sont pas si nombreux ceux qui peuvent prétendre aux mêmes qualités…

L’équipe de l’ASFE

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