Depuis le début de l’invasion russe, des centaines de Français se retrouvent bloqués en Ukraine. Ces derniers sont souvent dépourvus de moyens de locomotion ou contraints par les restrictions de déplacement mises en place par les pays européens. Dans ce cadre, depuis les pays voisins, des Français de l’étranger se mobilisent non seulement pour aider leurs compatriotes à trouver un moyen de se déplacer mais également pour les accueillir. Vassili Lemoigne, Conseiller ASFE des Français de République Tchèque, est à l’initiative de ce dispositif d’entraide et a accepté de répondre à nos questions.
Dès le dimanche 20 février, voyant la situation diplomatique se détériorer peu à peu, vous avez fait appel à la solidarité des Français résidant dans les pays limitrophes de l’Ukraine. Comment s’articule ce dispositif d’entraide et de solidarité à destination des Français d’Ukraine ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Ce dispositif a commencé à véritablement se mettre en place en amont de la guerre. Lorsque nous avons senti que la situation se faisait précaire, nous avons voulu trouver un moyen d’anticiper les mouvements de populations, qui sont souvent synonymes de mouvements de panique. D’abord, les Français de Tchéquie ont commencé à se mobiliser, et cela a impulsé l’implication d’institutions d’accueil des pays voisins comme la Moldavie, la Roumanie, la Pologne, ou encore l’Allemagne. Quand les troubles ont commencé, la Moldavie et la Roumanie sont devenus des points de passage importants. Les volontaires français de l’étranger se manifestent dans toute l’Europe, et non seulement dans les pays frontaliers. Ces familles françaises ont à cœur de devenir un pilier pour celles qui ont fui l’Ukraine. On a des volontaires en Allemagne, et en France par exemple. L’idée est de permettre aux Français traumatisés par la guerre, notamment les enfants, de trouver refuge chez des personnes également francophones, qui puissent vraiment les comprendre, et leur faire sentir l’épaulement de leur pays, de leurs compatriotes.
Aujourd’hui, nous remarquons que cet élan de solidarité ne s’arrête pas aux pays voisins de l’Ukraine. Au total, neuf pays accueillent ces Français : en Pologne, en Allemagne, en Autriche, en Slovaquie, en Tchéquie, en Roumanie, en Hongrie, en Moldavie et en France. Comment les Français désirant venir en aide à leurs compatriotes coincés en Ukraine se coordonnent-ils ?
Nous avons déjà réussi à nous coordonner avec les ambassades et les consulats de la région pour organiser le déplacement de ces Français, coincés en Ukraine. A titre personnel, nous nous occupons davantage de l’accueil de ces familles. Nous avons créé des petits groupes spécialisés pour l’accueil en Pologne, ou en Slovaquie/Hongrie, avec des conseillers des Français de l’étranger locaux. Ce qui est très important dans l’effort qu’on fait c’est qu’aujourd’hui nous nous occupons de flux, de trafic, de mouvement humain. Il faut impérativement être capable de les diriger vers les points de passage aux frontières, où l’attente y est la moins longue, et de les accompagner immédiatement dans leur soin à leur arrivée dans le pays d’accueil.
C’est extrêmement compliqué d’organiser tous ces passages, tous ces déplacements. Les familles sont épuisées, et ne communiquent pas de façon stable. Il y a les problèmes de réseaux qui s’accumulent, mais également leur état psychologique qui les fragilise encore davantage. Ces familles sont désorientées, et ont peur. On fait avec les moyens du bord pour les accompagner.
Ce dispositif d’entraide a été lancé il y a quelques jours : pouvez-vous d’ores et déjà confirmer que cette initiative solidaire est une réussite ? Combien de familles ont été volontaires ? Avez-vous reçu beaucoup de sollicitations de la part de nos compatriotes en Ukraine ?
Le nombre j’en ai aucune idée. On accueille des familles, pas que des Français d’ailleurs. Ce soir on accueille un groupe de Congolais, d’Ukrainiens, et d’Algériens. Le succès je m’en fiche un petit peu du moment que nous apportons de l’aide. Il y a eu un élan fantastique des Français de l’étranger. Chacun se sent responsable, touché par la situation. Énormément de gens se manifestent, plus de 100 familles se sont manifestées pour accueillir, mais aussi pour offrir des vêtements, aider avec les transports, avec plein d’idées brillantes. Il y a tellement de gens qui veulent apporter des choses à la frontières qu’il y a des embouteillages fous sur les routes. Ce n’est pas nécessairement une bonne chose, il faut mieux travailler avec des associations locales plutôt que d’essayer de faire les choses soi-même.
Depuis jeudi dernier, selon le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, on estimait à quelque 200 ressortissants qui ont pu quitter le pays. Mais environ un millier est encore bloqué sur place. Comment les Français établis en Europe mais en dehors des pays voisins de l’Ukraine peuvent vous soutenir et par conséquent, venir en aide à leurs compatriotes ?
En Ukraine, il y en a beaucoup qui sont esseulés, il y en a qui ne peuvent pas, qui ne veulent pas bouger. Il y a des Français solidaires qui font des collectes d’argent, de médicaments. D’autres sont prêts à accueillir des familles françaises pendant plusieurs jours pour qu’il se sentent soutenu avant leur retour en France.
Qu’est-ce que vous retiendrez avant tout de cette mobilisation collective ? Quel est votre état d’esprit actuel ?
Je retiens surtout l’incroyable gentillesse des gens, pour venir en aide à des personnes, des Français, des Ukrainiens, des gens du monde entier. Il y a des gens que je connaissais de longue date qui sont venus m’épauler, et qui se transforment en superman de l’aide. De voir aussi les Français touchés, et soulagés de l’aide qu’on leur a apportée, c’est ce qu’il y a de plus joyeux. Comme tout le monde je marche à l’adrénaline, fatigué. C’est un travail d’équipe, c’est l’histoire qui s’écrit, j’ai de la chance d’être une petite aide dans cet événement.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Au début j’étais tout seul et maintenant il y a partout du monde pour m’aider. C’est vraiment un élan de groupe. J’ai beaucoup été contacté par les journalistes et j’ai vite découvert la différence entre des vautours, qui se servent du malheur des autres pour se projeter sur le devant de la scène, et des autres sérieux, empathiques, qui voulaient vraiment apporter de l’aide. Je suis en colère contre la politique d’urgence de la France qui a été de ne pas dire aux Français d’Ukraine de sortir avant le début de la guerre. On a bien trop attendu pour les faire sortir, ils ont été utilisés comme des atouts pour ne pas porter atteinte aux négociations diplomatiques en cours. La réalité est que l’on sort des gens de chez eux, qu’on les transporte, qu’on les accueille, et qu’ils doivent après se reconstruire, et reconstruire l’équilibre familial. Il faut penser à tous les Français qui sont dans un besoin de réintégration urgent. Il faut planifier l’après pour la vie de ces gens là.
Heureuse et fière de la re-election de Vasslu Lemoigne, un vrai Monsieur et une très belle âme
Très sincèrement à Vassili,
Florence Faivre
Vassili, je vous découvre en lisant cet article.
Vous avez été notre premier contact et soutien quand nous (mes 3 enfants et moi-même) étions encore à faire la queue pour sortir d’Ukraine par la Moldavie (31 heures). Grâce à vous, nous avons été accueillis par une famille française de Cluj en Roumanie, (Merci Marie)
Merci pour votre soutien, votre aide et votre efficacité