Du confinement des personnes non-vaccinées au confinement total en Autriche

Vienne - Autriche

A la suite des mesures de confinement pour les personnes non vaccinées annoncées par le chancelier autrichien, Alexander Schallenberg, l’ASFE s’est entretenue avec Yoann Longuestre, représentant ASFE pour l’Autriche, Slovénie et Slovaquie et résident depuis 10 ans à Vienne.

MAJ 19 Novembre 2021 :

Au lendemain de la publication de notre entretien sur la situation sanitaire en Autriche, le Gouvernement autrichien a annoncé par voie de conférence de presse un confinement à l’échelle nationale à partir du lundi 22 novembre, ainsi que l’introduction de vaccins obligatoires à partir de février 2022. Vous trouverez en fin d’article le complément d’informations ajouté par Yoann Longuestre.

Quelle est la situation sanitaire actuelle en Autriche ? 

La situation sanitaire en Autriche s’est gravement détériorée ces dernières semaines, obligeant le gouvernement à envisager des mesures drastiques visant à enrayer l’envolée des cas, sous la pression des experts de santé qui critiquent ouvertement l’action du Gouvernement et appellent à un confinement dur.

A la date du 17 novembre, les autorités autrichiennes ont signalé 14 416 nouvelles infections au cours des dernières 24 heures[1], ce qui constitue un nouveau record quotidien depuis le début de la pandémie. Le dernier record avait été atteint la semaine denrière, avec 12 035 nouveaux cas. L’incidence sur 7 jours est de 925 nouveaux cas pour 100 000 habitants.

De ce fait, de plus en plus d’experts ont appelé à un confinement général de 2 à 3 semaines pour l’ensemble de la population. Avec des chiffres d’infection en hausse et des hôpitaux au bord du gouffre, plusieurs experts ont exprimé leurs doutes quant à la possibilité de contenir cette vague de virus sans un confinement général. « Cela ne fonctionnera pas autrement », a déclaré Rainer Thell, médecin principal des urgences de l’hôpital Donaustadt, à propos d’un confinement pour tous, vaccinés ou non, dans toute l’Autriche[2]. « Il n’est pas possible que pendant que des gens meurent à Salzbourg, aucune décision courageuse ne soit prise, même si [ce qui doit être fait] est évident », a-t-il ajouté en réaction à la disparité des mesures de contrôle et de lutte contre la pandémie entre les différents Länder fédéraux. « Cependant, quiconque croit que seules les régions de Salzbourg et de Haute-Autriche sont gravement touchées se trompe », a-t-il poursuivi. 

Le microbiologiste Michael Wagner, de l’Université de Vienne, estime lui aussi qu’il est « difficile d’imaginer » que les chiffres actuels très élevés de l’infection puissent réellement être endigués avec les mesures actuelles, notamment le confinement des personnes non vaccinées, mis en place sur l’ensemble du territoire depuis ce lundi. Sans un « confinement court et dur pour faire baisser massivement les chiffres », cela ne fonctionnera probablement pas, a-t-il déclaré à APA, l’Agence de Presse Autrichienne. Il a par ailleurs ajouté que les écoles ne pourront rester ouvertes qu’avec un « concept de protection très strict ».

S’agissant de la protection des enfants, le Tyrol commencera à vacciner les enfants âgés de 5 à 11 ans au cours de la semaine prochaine. Après Vienne, ce serait le deuxième État fédéral à ouvrir la vaccination pour cette tranche d’âge.

Quelles mesures ont été prises par le nouveau chancelier Alexander Schallenberg ? 

Un confinement dans tout le pays pour les personnes non vaccinées est entré en vigueur à minuit du dimanche au lundi 15 novembre. La nouvelle réglementation s’applique à toute l’Autriche, les États fédérés étant autorisés à ajouter des restrictions supplémentaires.

Cette mesure concerne toutes les personnes qui n’ont pas de certificat de vaccination valide ou qui n’ont pas récupéré du COVID-19 au cours des 180 derniers jours.

Les personnes qui n’ont pas de preuve dite 2-G (geimpft – vacciné, Genessen – guéri) ne peuvent pas quitter leur domicile sauf pour faire des courses, aller au travail ou faire des promenades pour leur santé physique et mentale. Les personnes peuvent également quitter leur domicile pour suivre un traitement médical ou aller à l’école, et peuvent être exemptées pour des raisons religieuses. Les enfants de moins de 12 ans et les femmes enceintes n’ont pas besoin de présenter les documents 2G. Les personnes qui ont reçu l’une des deux doses de vaccin – et qui n’ont donc pas encore de certificat de vaccination – peuvent se soumettre à un test PCR pour échapper au verrouillage.

S’agissant des mesures relatives à l’espace professionnel, la règle dite des 3-G (Vacciné, Guéri, Testé) sur les lieux de travail en Autriche est entrée pleinement en en vigueur depuis lundi 15 novembre. A ce titre, les travailleurs doivent fournir la preuve qu’ils sont vaccinés, guéris ou testés pour pouvoir entrer sur leur lieu de travail. Les employeurs sont chargés d’examiner les documents et les autorités effectueront des contrôles.

La plupart des employés peuvent présenter un test antigénique. Seuls les employés travaillant dans la « gastronomie de nuit » ou les travailleurs de la santé et des soins sont tenus de passer des tests PCR. Les seuls travailleurs exemptés de la nouvelle règle 3G sont ceux qui travaillent presque entièrement seuls : Ils ne peuvent pas rencontrer d’autres personnes pendant plus de 15 minutes deux fois par jour, et ces rencontres doivent avoir lieu à l’extérieur. Comme le rapporte l’ORF, cela signifie que seuls les gardes forestiers ou peut-être les chauffeurs routiers seront effectivement exemptés.

Les autorités sanitaires estiment qu’un million de tests PCR et antigènes doivent être effectués chaque jour pour que ces exigences soient respectées.

En cas de maladie, la possibilité de délivrer un certificat électronique (« elektronische Krankmeldung ») a été prolongée jusqu’en février 2022. Cela signifie que les travailleurs n’ont pas besoin de se rendre en personne chez le médecin, mais qu’ils peuvent également procéder par téléphone ou par vidéoconférence pour obtenir un certificat de maladie pour leur travail.

Par ailleurs, le gouvernement autrichien examine actuellement les possibilités juridiques d’une vaccination obligatoire pour le secteur des soins de santé et au-delà. « la possibilité d’une telle mesure est en cours d’examen, la Ministre de la santé consulte très étroitement des juristes constitutionnels », a déclaré ce mardi la ministre de la Justice Alma Zadic (Verts) après le Conseil des ministres. « C’est une mesure qui est actuellement en cours de discussion », a également confirmé la ministre du Tourisme Elisabeth Köstinger (ÖVP).

Comment auront lieu ces contrôles et quelles sont les sanctions en cas d’infraction au confinement ? 

Le ministre de l’Intérieur Karl Nehammer (ÖVP) a annoncé en début de semaine la mise en place d’un « réseau dense de contrôles ». Il reste encore vague sur les détails, mais des patrouilles spéciales devraient être mises en place et procéder notamment à des contrôles routiers et dans les établissements gastronomiques.

Selon le ministère de l’Intérieur, les personnes qui ne respectent pas les restrictions de sortie risquent une amende de 500 euros et celles qui refusent totalement de coopérer au contrôle du coronavirus une amende de 1.450 euros.

Comment ces nouvelles mesures sont-elles accueillies par la population et pour combien de temps sont-elles mises en place ? 

Ces nouvelles mesures sont accueillies avec autant de lassitude que de mécontentement ou de résignation par la population autrichienne qui reste partagée sur la gestion de la crise par le gouvernement. Outre l’affaiblissement de la discipline des autrichiens dans l’application des mesures barrières, les autorités s’inquiètent particulièrement de la recrudescence des „Coronapartys“, ces soirées clandestines où les convives se retrouvent pour s’inoculer le virus.

Des rumeurs circulaient depuis plusieurs mois selon lesquelles des personnes préfèraient s’infecter volontairement plutôt que d’aller se faire vacciner. 

Avec la règle des 2-G et le confinement appliqué aux non vaccinés, il est probable que davantage de personnes se livrent à de telles pratiques. Le « Kleine Zeitung » rapporte que dans le district de Liezen, en Styrie, cette pratique des « Coronapartys », est en pleine expansion. Un autrichien de 55 ans est d’ailleurs décédé hier des suites de ces pratiques.

Quelles conséquences cela peut-il avoir sur le pays ? 

Les prévisions pour les mois à venir et donc pour la saison d’hiver, essentielle dans le cas de l’Autriche, restent très incertaines, la situation épidémiologique actuelle incitant au pessimisme. Il est à craindre que les chiffres d’infection, en forte hausse depuis des semaines et entraînant un nécessaire durcissement des mesures barrières, aient un impact massif sur le secteur touristique autrichien. Nous constations d’ores et déjà une réticence à réserver et des annulations de voyages par des clients inquiets. En plus, des avertissements et recommandations aux voyageurs des pays sources les plus importants pour l’Autriche sont également à l’horizon. C’est déjà le cas pour l’Allemagne, qui a classé une partie de l’Autriche en zone rouge, avec obligation de quarantaine.

Par ailleurs, le faible taux de vaccination au niveau national (65%), qui est également nettement inférieur à la moyenne nationale dans certaines régions à forte intensité touristique, met en péril l’image de l’Autriche en tant que destination de vacances sûre.

Dans ces conditions, il n’est guère possible de faire des prévisions pour la saison d’hiver qui vient de commencer. Néanmoins, afin de pouvoir évaluer quantitativement les conséquences des mesures qui viennent d’être adoptées ou la situation actuelle de l’infection pour les mois à venir, des hypothèses ont été formulées qui reposent, entre autres, sur les résultats d’une enquête menée par Österreich Werbung auprès des vacanciers. Selon cette enquête, environ 42 % des personnes interrogées qui prévoient de passer leurs vacances en Autriche durant l’hiver 2021-22 prendront leur décision en fonction de la situation de l’infection. De leur côté, 20 % ne voyageront pas si la vaccination devient obligatoire à cette fin – la règle 2-G actuellement adoptée pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est très proche d’une telle obligation de vaccination. En outre, il a été supposé que le nombre d’infections diminuera de manière significative à partir de Noël (avec des effets de compensation sur la demande touristique à partir de janvier 2022) et qu’aucune nouvelle fermeture d’entreprise ou restriction des voyages internationaux induite par la pandémie ne sera appliquée.

Mise à jour du 19 Novembre 2021

Un confinement national dès le 22 Novembre

Le Chancelier fédéral, M. Schallenberg, a déclaré que la décision avait été difficile à prendre, mais qu’elle était soutenue par tous les États fédéraux ainsi que par le Parti populaire autrichien (ÖVP), les Verts et les sociaux-démocrates (SPÖ). Parmi les intervenants à la conférence de presse figuraient M. Schallenberg, le ministre de la santé Wolfgang Mückstein (Verts), le gouverneur du Tyrol Günther Platter (ÖVP) et le maire de Vienne Michael Ludwig (SPÖ).

Lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce matin, les représentants du gouvernement ont annoncé que le confinement général durera jusqu’au 12 décembre au plus tard pour les personnes vaccinées, mais les progrès seront examinés après 10 jours, selon le chancelier fédéral Alexander Schallenberg (Parti populaire autrichien, ÖVP). A l’issue du confinement général, la règle dite des 2-G reviendra en vigueur dans la plupart des espaces publics, et les personnes non vaccinées devront rester confinées.

Les entreprises touchées par le confinement pourront bénéficier d’une aide financière, comme ce fût le cas lors des confinements précédents. Le ministre des finances doit présenter plus d’informations à ce sujet dans la journée.

Les écoles resteront ouvertes, mais les parents sont priés de garder leurs enfants à la maison si possible. Les décisions concernant les écoles sont parmi les plus difficiles, a déclaré M. Schallenberg, car toute décision crée un défi pour les familles. Il a fait remarquer que, bien que le taux d’incidence soit extrêmement élevé chez les écoliers, des procédures de test régulières permettent de contrôler les chiffres.

En ce qui concerne le confinement et l’obligation de vaccination à venir, M. Schallenberg a déclaré que les mesures prises au niveau fédéral, notamment le confinement pour les personnes non vaccinées, étaient efficaces mais pas assez rapides. « Pendant longtemps », a-t-il dit, « nous avons convenu que nous ne voulions pas d’un mandat de vaccination. Pendant longtemps, peut-être trop longtemps, le gouvernement a pensé qu’il pouvait convaincre les gens de se faire vacciner volontairement pour se protéger et protéger leurs proches“.

« Nous devons regarder la réalité en face », a-t-il déclaré, critiquant les « forces politiques » qui ont faussement convaincu les gens que les vaccins étaient dangereux. Le résultat a été « des stations intensives surchargées et une énorme souffrance humaine ».

Il a fait remarquer qu’un processus de consultation juridique inclusif est prévu avant la mise en application du mandat de vaccination.

Voici les principales informations partagées par les autorités à cette heure :

  • Un mandat de vaccination entrera en vigueur en février 2022, à l’issue d’un processus consultatif auquel participeront la société civile et des experts juridiques.
  • Des rappels de vaccins sont recommandés et disponibles pour tous quatre mois après la dernière injection.
  • Un verrouillage de 24 heures commence lundi 22 Novembre dans tout le pays pour toutes les personnes, quel que soit leur statut vaccinal. Il se poursuivra jusqu’au 12 décembre au plus tard.
  • Les seules raisons de quitter son domicile sont les soins médicaux (y compris les vaccinations), l’achat de produits de première nécessité, les parcours bureaucratiques inévitables, les raisons éducatives ou les promenades pour la santé physique et mentale.
  • Les écoles et les jardins d’enfants resteront en principe ouverts. 
  • Les entreprises touchées recevront une aide financière, comme lors des précédents confinements.
  • Il est recommandé de travailler à domicile dans la mesure du possible.
  • Le port de masques FFP2 est obligatoire dans tous les espaces fermés et sur les lieux de travail.
Yoann Longuestre, représentant ASFE pour l’Autriche, Slovénie et Slovaquie

[1] A la date du 17 novembre

[2] Source: ORF – https://orf.at/stories/3236830/

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