« Les Chiliens sont un peuple extrêmement résilient »

Cette semaine, l’équipe de l’ASFE s’est entretenue avec Fanny Chauliac – représentante et candidate ASFE au Chili pour les prochaines élections des Conseillers des Français de l’étranger – sur la situation vaccinale et sanitaire du Chili.

Malgré son taux de vaccination le plus élevé du monde (plus de 6,4 millions de doses ont déjà été administrées, pour une population d’environ 19 millions d’habitants), le Chili se reconfine : comment l’expliquez-vous ? Est-ce un problème de vaccin utilisé qui ne serait pas assez efficace ? Quelles sont les raisons avancées ?

Le Chili a effectivement mis en place une stratégie de vaccination extrêmement efficace et cela de manière bien précoce : achat de 2% de l’offre mondiale de tous les vaccins disponibles sur le marché (chinois, américain, anglais …) ainsi que la mise en place de vaccinodromes, de système de vaccination dans les voitures, et avec priorité aux personnes âgées, au personnel médical et corps enseignant selon un calendrier communiqué par tranches d´âges et mis à jour régulièrement.

Mais cela n’a pas empêché la hausse du nombre de cas sur des personnes plus jeunes et moins fragiles depuis plusieurs semaines et qui a amené le gouvernement à décréter un nouveau confinement strict à partir du samedi 27 mars 2021.

Plusieurs raisons à cela : la propagation inévitables des nouveaux variants dans le pays, les grandes vacances en janvier/février ou les gens se sont relâchés et ont pu voyager avec un permis vacances (calendrier austral pour le Chili), un système de santé public quasiment inexistant. On peut aussi noter que le 8 mars a été une grande journée de manifestation dans les rues de Santiago dans le cadre de la journée mondiale de la femme et que cela a pu contribuer et augmenter le nombre de cas tout comme l’an dernier.

Le gouvernement du président Piñera est actuellement en train de travailler sur un projet de loi afin de pouvoir décaler les élections municipales aux alentours du 17 mai.

80% de la population est soumise à un nouveau confinement total. N’y a-t-il pas une forte lassitude de la part des Chiliens ? Existe-t-il des mouvements de contestation ?

Les Chiliens sont un peuple extrêmement résilient et absolument pas dans la revendication. Bien sûr qu’il y a une partie importante de la population qui risque de tout perdre d’un point de vue économique suite a cette situation car il y a énormément d’inégalités sociales dans ce pays et nombreux sont ceux qui doivent sortir travailler le jour pour pouvoir manger le soir sachant qu’il n’y a quasiment pas d’amortisseurs sociaux comme en France.

De manière générale les personnes rebondissent, se réinventent et retrouvent rapidement une activité professionnelle pour pouvoir faire face à la situation.

A mon niveau je n’ai pas noté de vague contestataire qui remettrait en cause les mesures de confinement décidées par le gouvernement. Les gens respectent le confinement et contrairement à l’an dernier il est désormais permis de sortir pour avoir une activité physique la semaine sans permis entre 7h et 8h30 et les week-end entre 6h et 9h30 ce qui permet de pouvoir prendre l´air avec masque ! la liste des activités essentielles et non essentielles a eu l’agrément de la population qui est assez craintive de ce virus.

En tant que Française vivant au Chili, comment avez-vous vécu l’année qui vient de s’écouler ?

L’année 2020 a été très éprouvante pour tous et particulièrement au Chili où le confinement a été très strict : écoles fermées pendant plus de 8 mois et sorties autorisées avec permis deux fois par semaine par personne, tout motifs confondus (promener le chien, aller à un rendez-vous médical, faire ses courses, pharmacie ou autre).

En tant que Française installée au Chili j’ai pu comparer les mesures radicales prises au Chili versus celles prises en France. Pour une famille avec enfants il a été très difficile de pouvoir concilier son travail avec le rythme imposé par l’enseignement à distance des établissements scolaire et de manière unanime les Français que je connais ici ont tous applaudi des deux mains le fait qu’en France les établissements scolaires aient été maintenus ouverts pendant la majorité de l’année 2020.

Personnellement j’ai du pas mal batailler pour que chacun de mes enfants ne décroche pas d’un point de vue scolaire car il fallu assurer le suivi de l’acquisition des connaissances et leur donner un rythme quotidien afin qu’ils conservent une routine identique à celle qu’ils avaient en temps normal et ne perdent pas leurs repères dans ce monde totalement bouleversé.

D’un point de vue professionnel mon entreprise a connu de grandes difficultés et a du faire appel a une restructuration drastique ainsi qu’à la réduction du temps de travail des employés restants. Mais cela a été le cas de nombreuses entreprises. L’Etat ne prenant en charge qu’une très petite partie du manque a gagner pour les salariés (rien à voir avec les dispositifs de chômage partiels mis en place dans l’Hexagone).

Pour les familles en général l’éloignement et la crainte de la contagion ont été des facteurs très lourds dans le moral des chiliens qui sont très habitués à se retrouver régulièrement ensemble.

Vous êtes candidate aux élections des Conseillers des Français de l’étranger, élection qui se tiendra du 21 au 26 mai sur internet et le 29 mai à l’urne. Quelles sont vos motivations pour représenter les Français du Chili ?

En tant que Française établie au Chili j’ai eu l’opportunité de découvrir le réseau des conseillers consulaires ainsi que leurs missions lorsque j’ai travaillé pendant un an et demi à l’Ambassade de France dans le service commun de gestion, mais sans cela je n’en n´aurai jamais entendu parler. La source d´information la plus efficace ici reste la page Facebook des Français installés au Chili. Ce que je trouve bien dommage car cela signifie qu´il y a une forte carence dans l’accompagnement et dans la structuration du réseau d’entraide des Français au Chili. La solidarité se fait de manière individuelle et pas de manière organisée.

J’aimerais pouvoir améliorer cela en mettant en place des réseaux formels d’entraide et de relation avec une plateforme dédiée.

Je pense qu´il y a également beaucoup de chose à faire pour améliorer l’accès à l’enseignement scolaire français qui est extrêmement onéreux au Chili (il faut compter 8000€ par enfant et par année) pour au final avoir un lien avec la culture française et une qualité qui a souvent fait défaut au moment du confinement de 2020. Pour cela nous avons l’ambition de pouvoir élargir l’assiette des bourses scolaires qui sont souvent sous utilisées et dont le niveau d’enveloppe diminue d’années en années.

Enfin, un autre axe de notre liste est celui de nous faire connaitre en tant que conseillers consulaires en partageant des comptes rendus de nos actions sur le terrain dans tous les domaines.

Quel est votre parcours et pourquoi avoir choisi le Chili pour vous y installer ?  

Parisienne d’origine, je suis diplômée d’un magistère Banque Finances à l’Université de Paris 2. Après avoir côtoyé le domaine des banques et des assurances, je suis partie en Nouvelle Calédonie pour travailler sur le projet de l’Usine du Nord où j’ai rencontré mon mari chilien en 2011.

Après 4 ans passés sur le caillou nous avons décidé de nous installer au Chili en 2015 afin de nous rapprocher de sa famille avec notre fille de 2 ans et moi enceinte de notre deuxième enfant né la même année. J’ai fait une pause professionnelle pour trouver mes marques dans ce nouveau pays d’adoption et également pour me consacrer aux enfants avant de retravailler un temps à l’Ambassade de France en contrat local puis finalement de renouer avec mon cœur de métier en devenant responsable du contrôle de gestion dans une entreprise française établie au Chili.

Ce que j’aime particulièrement dans mon pays d’accueil c’est la qualité de vie que j’y ai trouvé et le climat particulièrement agréable. J’y ai trouvé des valeurs qu’il me semblait avoir perdu de vue en vivant en France comme la famille, la valeur travail, le respect des institutions et de la hiérarchie, l’immense fierté du drapeau chilien

Quels conseils donneriez-vous aux Français voulant venir s’installer au Chili ?

Contrairement aux autres pays d’Amérique Latine, le Chili est très surprenant par sa modernité et son organisation administrative. Ceux qui partent avec une valise et pensent pouvoir se débrouiller facilement sur place sont assez surpris en arrivant. L’accès à un RUT : le sésame demandé pour chaque démarche administrative relève d’un véritable parcours du combattant !

Je pense que voyager est une chose mais venir en VIE ou PVT ou tout simplement s’installer de manière définitive exige de bien préparer son projet en amont. Le coût de la vie est aussi élevé que dans une grande ville française et la reconnaissance des diplômes est chronophage et onéreuse voire impossible.

Venir au Chili demande une bonne organisation et l’obtention d’un visa de résidence requiert des montagnes de patience. J’ai rencontré de nombreux Français qui ont été déçus de leurs expériences chiliennes car la réalité aura été aux antipodes des fantasmes véhiculés dans les médias, les films, les reportages et certainement dans l’imaginaire commun de l’Amérique Latine.

J’ai même entendu dire que le Chili est le 51e état des USA !!! J’adoucirai le propos en disant que le Chili regorge de merveilleux paysages extrêmement divers qui font la richesse inouïe de ce pays (de la Patagonie extrême au désert de l’Atacama en passant par la région des lacs).

Mon conseil est avant tout de bien se préparer d’un point de vue administratif et de s’armer de patience une fois sur place pour faire face a l’administration chilienne. D’où l’idée et la forte envie de créer une plateforme d’entraide pour les nouveaux arrivants.

Fanny Chauliac, Française résidant au Chili et candidate ASFE pour les élections des Conseillers des Français de la circonscription du Chili.

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