La question de la dette des Etats d’Afrique subsaharienne face à la Covid-19

Petit rappel de l’histoire de la dette 

C’est dans les années 70’ (de 1968-1973) que la dette des pays Africains se creuse lourdement. La flexibilité avec laquelle sont accordés les prêts, et le manque de vérification concernant les capacités de remboursement, n’améliorent pas la situation. A noter également la diminution du prix des matières premières, occasionnée par la détérioration des conditions de solvabilité de ces prêts. La politique monétaire américaine, en augmentant les taux d’intérêt, a rendu ces mêmes conditions de remboursement plus complexes. 

Rappelons que dans les années 1960 à 1990, l’Afrique constituait plus un enjeu politique qu’économique aux yeux des présidents américains Kennedy puis Johnson. La stratégie consistait à ce que certains pays africains (Libéria et Kenya par exemple) s’ouvrent aux capitaux américains. Il était également question de gagner la course aux matières premières dans le contexte de la guerre géopolitique et économique contre la Russie. Avec la mondialisation, les différents acteurs présents sur la scène internationale ont multiplié les stratégies d’investissement  afin d’assurer leur approvisionnement en ressources naturelles. 

Naturellement des défauts de paiements s’en sont suivis, telles que la crise des ciseaux (1982). En réaction à cette situation, les institutions ont prôné des rééchelonnements des dettes des pays les plus en difficultés et mis en place des plans d’ajustement structurel (PAS). Le FMI et la Banque mondiale ont développé au cours des années 2000 un certain nombre de systèmes afin d’examiner les possibilités d’alléger les dettes de certains pays selon ces principes. Comme le dispositif d’analyse du cadre de viabilité de la dette (CVD). L’article “Brève histoire de la dette africaine” nous offre notamment davantage de visibilités sur le sujet. 

Des créanciers multiples pour la dette privée 

La forte croissance que les Etats africains ont connu ces dix dernières années a attiré divers créanciers publics tels que la Chine, l’Inde ou encore le Brésil. Actuellement, plus de 40% de la dette publique des pays d’Afrique Subsaharienne (ASS) est détenue par des créanciers privés. L’article de RFI “Dettes des pays africains: les grands créanciers tombent d’accord sur un moratoire” nous éclaire sur le profil divers des créanciers. 

Des économies fortement perturbées par la Covid-19

Les mesures prises par le FMI et la Banque mondiale suite au covid-19 ont fortement perturbé les marchés des capitaux en freinant notamment la hausse des rendements. 

Les prévisions sont particulièrement inquiétantes si l’on en croit le rapport Africa’s Pulse 2020-Évaluation de l’impact du Covid-19 et des réponses politiques en Afrique subsaharienne

De ce fait, les spécialistes justifient leur inquiétude en rappelant que l’économie de ces pays repose majoritairement sur les marchés extérieurs. L’on reporte une chute de 60% du cours des matières premières, et la Banque mondiale annonce même une chute de la croissance économique de 2,4% (2019) à entre -2,1% et -5,1% en 2020. Le Sénégal, l’Afrique du Sud et le Kenya, seront les économies plus touchées par cette crise. 

Plus encore, même les pays avec une économie diversifiée comme la Côte d’Ivoire, le Ghana ou encore le Sénégal, ne devraient obtenir qu’une reprise partielle et timide de leur économie. Le ralentissement de la demande extérieure a occasionné une réelle perturbation des économies fortement intégrées dans les chaînes de valeurs mondiales telles que l’Ethiopie ou le Kenya. 

Un plaidoyer pour annuler  la dette 

L’appel pour annuler la dette des pays d’Afrique Subsaharienne avait été lancé par le président sénégalais Macky Sall. Même si la question fait débat, les pays émergents et développées avaient marqué le désir de trouver un consensus lors du G20 du 15 avril dernier. Emmanuel Macron ainsi que ses homologues européens avaient également plaidé pour une telle mesure. Les ministres des finances africains ont alors demandé une aide de 100 miliards de dollars, dont  44 seraient affectés au remboursement de la dette et un quart serait affecté en priorité à la lutte du coronavirus. Le FMI a annoncé prioriser d’abord pour vingt-cinq des pays les plus pauvres. Cependant, de nombreux spécialistes démeurent sceptiques quant à la tournure des négociations. 

Concernant l’annulation de la dette pour l’ensemble des créanciers, cela avait déjà eu lieu en 1996 avec le plan PPTE. Ensuite, du point de vue des créanciers bilatéraux, le seul moyen de ne pas accroître le scepticisme déjà bien ancré des créanciers est de coordonner l’ensemble des mesures prises. Il serait également possible de généraliser les fonds d’amortissement des pays endettés afin de minimiser les risques de défaut de paiement des pays endettés. 

Source 

  • Dette africaine : là où le Covid-19 va encore faire mal ici 
  • COVID-19 : le FMI anticipe une forte hausse de la dette publique mondiale ici
  • Covid-19 : l’idée d’une « annulation » de la dette des pays africains, portée par le Sénégal, fait son chemin ici
  • Brève histoire de la dette des pays d’Afrique Subsaharienne ici 
  • La dette des Etats d’Afrique subsaharienne à l’épreuve du Covid-19, La Conversation ici 
  • Politique budgétaire et inflation en Afrique subsaharienne ici 
  • Géoéconomie de l’Afrique subsaharienne ici 

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