L’Equateur est le premier pays d’Amérique du Sud à être directement touché par le coronavirus. Malheureusement, la crise sanitaire a rapidement tourné à l’horreur. Les services publics et en particulier hospitaliers sont débordés. Le manque de moyens conduit à une situation catastrophique. En particulier dans la ville de Guayaquil où des cadavres « débordent dans les rues ». Le président Lenin Moreno a évoqué la possibilité que « des dizaines de milliers de personnes » puissent être contaminées. Nous avons voulu interroger Lucie, habitante de Quito, sur cette question.
1/ Quelle est la situation actuelle en Equateur ? Comment les Equatoriens s’organisent-ils pour endiguer l’épidémie ?
J’habite à Quito depuis 10 ans et je suis propriétaire et gérante d’un restaurant dans le centre historique. Le 16 mars, le gouvernement a annoncé le confinement, la fermeture des restaurants et hôtels, le couvre-feu, la restriction circulatoire pour les véhicules, le port du masque obligatoire… Depuis, tout vit au ralenti et les rues sont plutôt désertes ici à Quito.
Je pense que le gouvernement a réagi assez vite et a pris des mesures drastiques pour lutter contre la pandémie. Cependant, cela commence à changer depuis hier (mardi 14 avril 2020). Les Equatoriens sont des personnes qui vivent au jour le jour. Le concept de faire des économies n’existe que très peu. Un mois de confinement – qui a été généralement bien respecté par les habitants de la capitale- cela commence à faire long pour les familles qui n’ont aucune rentrée d’argent. Ils ont besoin de sortir, de voir comment ils peuvent continuer à manger chaque jour. Moi qui ai la chance de pouvoir rouler en voiture tous les jours afin de livrer des fruits et légumes et des plats préparés, je commence à voir le changement. Le gouvernement s’efforce de publier des mesures de lutte contre le désastre économique et social qui se prépare mais rien tellement de concret. Il a surtout adopté une position pointant du doigt la responsabilité des anciens dirigeants, accusés d’avoir laissé les caisses de l’Etat vide. La situation est d’autant plus grave qu’en octobre nous avons vécu de grandes manifestations de plus de 10 jours qui ont laissé le pays dans un chaos total. C’est un double coup dur pour le pays, ses habitants et son économie…
2/ Les consignes de sécurité sanitaire et de distanciation sociale ont-elles bien été communiquées ? Est-ce qu’elles sont respectées par les Equatoriens ?
L’effort de la police pour faire respecter les restrictions est remarquable (à Quito). La communication est fluide et les consignes appliquées. Mais cela est vrai pour ce premier mois. Il semblerait que la situation soit en train de changer, les Equatoriens commencent à sortir. Les personnes issues des classes sociales moyennes, moyennes basses et toutes les personnes vivant dans la pauvreté manquent de liquidité pour subvenir aux besoins élémentaires de leur famille.
3/ La presse retransmet des images de cadavres gisant dans les rues de Guayaquil. Ces images sont-elles toujours d’actualité ?
Vivant a Quito, c’est très difficile de me prononcer sur le sujet. Je sais juste que le gouvernement a toujours essayé de minimiser les chiffres de victimes (que ça soit pour le tremblement de terre, pour les manifestions, et en ce moment pour le COVD-19) et que la situation est très sûrement bien pire de celle annoncée.
4/ L’Equateur, connait-il comme en Europe et aux Etats-Unis, une pénurie de matériel médical, notamment de masques et de respirateurs artificiels ?
Non, les masques et les gants se trouvent en vente dans plusieurs points de la ville, ils coûtent $0,50. Ce sont des vendeurs informels qui les vendent aux alentours des magasins puisque pour entrer le port du masque et des gants est obligatoire ou bien aux feux rouges.
5/ Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter ?
Je suis très préoccupée pour l’avenir des milliers d’Equatoriens qui vivent d’un travail informel, tous ceux qui vivent au jour le jour ; comme les vendeurs ambulants, les petits magasins, l’avenir des enfants qui ne vont plus à l’école, l’accumulation des dettes des plus pauvres, la situation précaire des loyers impayés, le temps que mettra l’Equateur à s’en remettre… Et bien sur préoccupée par toutes ces victimes de ce virus et l’état du secteur de la santé.
Comme l’Equateur, les pays d’Amérique du sud, d’Afrique et d’Asie du sud risquent de connaître un véritable désastre humanitaire.
La seule chose que nous savons, pour l’instant, c’est que les masques et les gants en premier lieu, les charlottes ou calottes pour protéger la tête et les cheveux, les protège pieds ou simple sachets en plastique noués aux chaussures ou sandales ou aux pieds nus en un deuxième et les visières en plastique transparent et enfin les combinaisons étanches sont les seuls moyens, faute d’eau courante, pour se protéger et protéger les autres.
Or les capacités artisanales des populations de ces régions sont extraordinaires et peuvent, si on leur donne des moyens simples (tissus appropriés, rouleaux de films plastiques souples et feuillards de plastique semi-rigide, ciseaux, fils, aiguilles, rubans adhesifs, etc.) ou des indications pour la récupération de certains tissus et sachets plastiques (en oubliant pour un peu de temps la pollution) représenter les matières premières pour que des moyens de protection soient élaborés pour protéger des pans entier de la population.