Covid-19 : une remise en question de la solidarité européenne

La crise du coronavirus met l’Union européenne à très rude épreuve. Nombre de responsables politiques et d’observateurs se demandent même si elle pourra la surmonter tellement les égoïsmes nationaux resurgissent à cette occasion. L’Italie – pays jusqu’ici le plus touché – en veut terriblement à ses voisins de l’avoir bien peu soutenue au début. La presse transalpine rapportait, il y a peu, que les autorités tchèques avaient récupéré un stock de masques envoyé par Pékin à destination de Rome. Et cela n’est qu’un exemple parmi d’autres… La possibilité de lancer des « eurobonds », titres de garantie qui permettraient de partager le fardeau de la dette financière née de cette catastrophe sanitaire, a également été écartée. Cette question, déjà envisagée il y a dix ans, montre que les vingt-sept membres de l’Union sont très loin de marcher d’un même pas. De vouloir mutualiser leurs efforts et leurs sacrifices.

Le week-end dernier, Jacques Delors, un ancien président de la Commission européenne qui restera dans l’histoire, est même sorti de son silence pour s’indigner ! « Le climat qui semble régner entre les chefs d’Etat et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l’Union européenne », prévenait-il. Une voix forte et autorisée pour un message en forme d’avertissement sérieux.
Certes, les questions sanitaires ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne. Les traités ne le prévoient pas et renvoient cette question aux souverainetés nationales. Aucun plan, aucun dispositif n’a été réfléchi à l’échelle des vingt-sept Etats membres. On pourrait donc se reposer sur ce choix. L’expérience actuelle montre pourtant que l’Europe doit changer son fusil d’épaule. Pour deux raisons.

La première tient à une solidarité de bon aloi. L’Europe a été créé pour assurer la paix entre ses membres après la seconde guerre mondiale. Louable objectif et belle ambition. Alors, puisque nous sommes aujourd’hui tous engagés dans une même guerre – contre un virus !–, le moindre des réflexes serait que nous restions unis dans l’adversité ; que nous nous portions mutuellement secours par la mise à disposition de matériel médical et par l’accueil réciproque de malades en cas de saturation des hôpitaux.

La deuxième raison tient à la mondialisation. Si l’Europe veut exister en tant que force respectée dans le concert international, elle ne doit pas dépendre du bon vouloir des grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine. Elle doit pouvoir ne compter que sur elle-même. Sa recherche scientifique, la qualité de ses laboratoires, l’excellence de son corps médical, son tissu industriel dans les registres de pointe sont largement à la hauteur, voire supérieurs, à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Reste la volonté de partage des compétences qui n’existe pas.

Il est inquiétant de constater qu’à chaque crise planétaire, l’Union européenne vacille. Elle n’en est jamais la cause, mais elle en paye toujours chèrement les pots cassés. En 2008, la crise financière est partie des Etats-Unis avec l’affaire des « subprimes ». Si les Américains se sont vite relevés de cet épisode, les Européens se sont divisés comme rarement, entre pays du nord et du sud notamment. En 2020, le coronavirus est né en Chine. Si l’Asie paraît commencer à s’en sortir, l’Europe est une nouvelle fois frappée de plein fouet, humainement et économiquement. Allons-nous continuer à subir notre destin, à ne pas maîtriser notre avenir ? La place de l’Union européenne est au centre du monde, pas à sa périphérie, dans la position d’une victime collatérale.

L’équipe de l’ASFE

8 commentaires

  1. L’Europe n’est que la somme des pays members et elle est gouvernée par l’ensemble des chefs d’états. Si la santé n’est pas dans ses compétences c’est que ceux ci en ont décidé ainsi. La solidarité c’est très beau et souhaitable mais cela pose problème quand c’est toujours dans le même sens.
    Pourquoi certains pays sont ils mieux équipés, n’est ce pas parce qu’ils ont du à un moment faire des choix que d’autres n’ont pas voulu faire ? On demande une gestion commune de la crise, pourquoi pas mais les mêmes décisions sont elles applicables partout. Dans certains pays le confinement n’a pas besoin d’être appliqué d’en haut les citoyens (il y a toujours des exceptions peuvent appliquer les mesures nécessaires en toute responsabilité. Le virus est le même partout, les risques les mêmes en fonction de la santé de chacun, pourtant la plupart des pays ne connaissent pas le droit de retrait, basé sur la peur, qui handicapé encore plus l’économie. Heureusement que tous n’y font pas appel car qui signerait, nettoierait, livrerai…. Solidarité oui tout mettre en commun pourquoi pas mais à condition d’être tous au même régime (fiscalité, retraite….) les pays qui vont le mieux ont fait des efforts( le blocage des salaires pendant dix ans en Allemagne à fait baisse le niveau des retraites d’environ 20%).
    Espérons sortir avec le moins de dégâts possible et le plus rapidement possible.

  2. Bonjour
    Il est inutile d esperer un avenir pour l Europe comme elle a été constitué, il faut toujours rappeler le referendum :
    Référendum français sur le traité établissant une constitution pour l’Europe 29 mai 2005. résultat NON à 55 %.
    exactement 54,68 %
    La decision du Peuple n a pas été respecté. Rien d autre à dire.
    Retrouvons notre souveraineté !
    Cordialement

  3. A part la « piraterie » des tchèques (sans provisions, si j’ose dire) et le dernier coup que viennent de nous faire les américains, en nous « piquant » 2 millions de masques en faisant miroiter des liasses de billets verts à des chinois immoraux comme on ne peut pas (et plus) se permettre de l’être, doit faire réfléchir les dirigeants européens en se posant ces simples questions :
    – Sommes nous destinés ou voués à courber de plus en plus l’échine devant des « super-nations » aussi immorales que brutales sous prétexte qu’ils ont une avance technologique ou sous la menace permanente d’une puissance de frappe dont la finalité, personne n’est dupe, est d’asservir l’humanité et la « confiner » dans une vision planétaire aussi étriquée qu’étouffante ?
    – Sommes nous incapables de booster nos connaissances pour proposer pour l’Union Européenne des technologies animées d’une philosophie fédérative et destinées à une meilleure gestion économique, écologique et sociale au profit des peuples et nations qui la compose ?
    – Sommes nous incapable de créer une armée fédérale redoutable qui amènerait à nos adversaire, quelque soit leur taille, à réfléchir à deux fois avant de se frotter à l’U.E. ?
    Et enfin ;
    Sommes nous capables de renoncer à nos « égos » nationaux et laisser finalement le Parlement Européen diriger l’U.E. comme il se doit, sous l’égide d’une Présidence commune, c’est à dire comme une solide fédération de peuples et non une union bancale de nations déchirées par des appétits limités ?

    1. Étant Français, naturalisé et né à l’étranger (ex-YU), je mesure la fragilité de l’édifice européen.
      L’esprit d’équipe du Traité de Rome a totalement disparu.
      Les joueurs étaient d’un autre niveau. La grande classe politique et culturelle.
      Il est vrai c’était un autre temps
      Les successeurs successifs se sont illustrés par leur laisser aller de plus en plus visible, par la non gestion des problèmes historiques, et par l’acquisition de mercenaires.
      Aujourd’hui ils ont atteint le degré suprême de l’égoïsme et de l’incohérence et d’un manque total d’adaptation.
      En tant que médecin retraité, je suis attristé de notre statut de victime collatérale.
      J’ai postulé comme réserviste sanitaire, mais exclu géographiquement, et non inclus dans la liste actuelle des besoins, je scrute l’horizon comme dans le Désert des Tatares…

    2. Bonsoir: permettez-moi de répondre, en toute humilité, à votre proposition de création d´une armée U.E. assez puissante pour pouvoir se faire respecter:
      Comme dit plus bas dans mon commentaire:

       » Donc je pense avoir pendant si longtemps apprécié et bien compris « la facon de voir les choses » des Américains. Eux ont un avantage crucial: Ils sont une Nation fédérale et ils pensent d´une facon trés large, trés généreuse et trés internationale (ce qui n´est peut-être pas bien compris par les Membres de l´U.E.)
      Donc il me semble urgent que l´U.E. devrait immédiatement devenir une FEDERATION Européenne. Ou au moins une confédération (l´exemple trés réussi de nos voisins Suisses est bien là).
      Quant à une suggestion exprimée ci-dessus, de bâtir une Armée Européenne, là j´adhérerais volontiers à cette proposition MAIS: ne pas oublier que depuis le Brexit, l`U.E. n´a plus qu´une seule nation à puissance dissuasive: La France.
      Vu les multiples différences de langues parlées en U.E. comment construire une Armée homogène? Certains diront, à raison, il n´y aurait qu´à parler anglais dans toute la future Armée U.E. Cela serait une solution, mais , en tant que diplomé en LEA, je pense que la connaissance d´une langue étrangère – au niveau de connaissance de niveau de langue plus les idiomes et expressions issues de sensibilités nationales/culturelles différentes etc… Bref, Ce n´est pas demain ni aprés-demain, que chaque habitant de l´U.E. pourra trés clairement communiquer avec son voisin européen  » . Donc, comment pouvoir créer une armée homogène et efficace dans une telle situation ???
      Cordialement
      Serge

      1. Bonsoir Serge,
        Vous avez raison quant à l’unité européenne, on a vu dernièrement que la crise de coronavirus aura exacerbé les divisions, ce malgré l’entorse à ses règles budgétaires sur le principe des déficits pour sauver les économies européennes.
        En effet et sans entrer ici dans les détails, il s’avère que des pays comme l’Allemagne refusent d’être solidaires de la dette de pays comme l’Italie ou la France.
        Mais ce n’est pas notre sujet, si je souhaite une « union militaire », je pense qu’elle peut déjà se faire d’ores et déjà et à titre d’exemple, au niveau de la « cyberdéfense » ou le langage informatique spécifique de cette branche peut être compris entre les spécialistes des nations européennes.
        A cet effet, et pour évaluer quels sont les nouveaux risques auquel notre pays et les pays européens dans leur ensemble pourront être confrontés dans un futur proche, je vous suggère de télécharger le document mis à la disposition du public : « REVUE STRATÉGIQUE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE 2017 » à partir du site du journal « la Croix » (https://www.la-croix.com/France/Securite/Defense-France-sadapte-face-nouvelles-menaces-2017-10-13-1200884094).
        Hormis le cas spécifique de la France qui reste la seule puissance nucléaire européenne, comme vous le dites si bien, l’armée européenne, si elle devait être mise sur pied, aurait les mêmes objectifs prioritaires que la nôtre, à savoir :
        – la prévention des crises,
        – l’innovation technologique,
        – le renforcement des moyens défensifs et offensifs, notamment ceux inhérents à la menace cyber, et
        – les investissements dans les « moyens de logistique, de matériel, de renforcement des capacités de l’infanterie, du développement des drônes, de renseignement et de commandement ».
        Or la France, seule, n’a pas les effectifs et le budjet nécessaires pour obtenir la capacité de durer sur un ou plusieurs terrains d’engagement si un conflit ou des crises multiples devraient éclater en plusieurs points sur la planète. Mon idée est de grouper les forces existantes et de les moduler en fonction de la menace, les moyens pour y arriver ne sont pas si insurmontables que ça, si on élimine les « égos surdimensionnés »…

  4. Il est facile de parler « d’égoïsme européen » quand on a été totalement incapable d’équilibrer le moindre budget pendant 45 ans. Égoïsme il y a , vis à vis des générations futures!
    Beaucoup de pays ont des finances saines; la crise va coûter très très cher mais ne sera pas une catastrophe absolue en termes de dettes.
    Ce n’est pas le cas du groupe Grèce, France, Italie ou Espagne.
    Si on veut plus d’Europe, si on veut que des Coronabonds soient efficaces et pérennes, il faut effectivement lui donner plus de pouvoirs, en matière de santé, de défense …mais aussi de contraintes financières pour éviter de futures dérives financières.
    Imagine-t-on les Français accepter qu’un Néerlandais retoque un jour leur budget?
    Chiche?

  5. Bonsoir,
    étant citoyen francais vivant en Allemagne depuis 1974, j´ai, peut-être, une vision de la situation de L´Union Europèenne ( U. E.) un tantinet particulière pour 2 raisons majeures:
    1. Le fait d´être en permanence en Allemagne (alors appelée la République Féderale / Allemagne de l´Ouest) depuis 1974
    et
    2. Le fait , que par un hazard inoui, j´ai eu le grand privilège de faire la connaissance, sur territoire allemand, des Forces Armées américaines (U.S. Army Europe). J´ai travaillé jusqu´au niveau de référent d´Etat-Major pendant plusieurs décennies pour les Américains (soit dit au passage, des gens absolument sensationnels qui donnent à toute personne motivée les meilleures chances de progression possible – et je ne sais pas si celà serait la même chose en Europe !!!.
    Donc je pense avoir pendant si longtemps apprécié et bien compris « la facon de voir les choses » des Américains. Eux ont un avantage crucial: Ils sont une Nation Fédérale et ils pensent d´une facon trés large, trés généreuse et trés internationale (ce qui n´est peut-être pas bien compris par les Membres de l´U.E.)
    Donc il me semble urgent que l´U.E. devrait immédiatement devenir une FEDERATION Européenne. Ou au moins une confédération (l´exemple trés réussi de nos voisins Suisses est bien là).
    Quant à une suggestion exprimée ci-dessus, de bâtir une Armée Européenne, là j´adhérerais volontiers à cette proposition MAIS: ne pas oublier que depuis le Brexit l`U.E. n´a plus qu´une nation à puissance désuasive: La France.
    Vu les multiples différences de langues parlées en U.E. comment construire une Armée homogène. Certains diront, à raison, il n´y aurait qu´á parler anglais dans toute la future Armée U.E. Cela serait une solution, mais , en tant que diplomé univ. en LEA, je pense que la connaissance – au niveau de connaissance de niveau de langue plus les idiomes et expressions issues de sensibilités nationales/culturelles différentes: Bref, Ce n´est pas demain ni aprés-demain, que chaque habitant de l´U.E. pourra trés clairement communiquer avec son voisin européen même au sein de la même Armée..
    Serge

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