Cette année 2019 se termine. Elle restera, de mon point de vue, comme une date charnière dans l’actualité nationale et internationale. Sans doute plus que d’autres. Non parce qu’elle marque des ruptures par rapport aux années antérieures, mais parce qu’elle est venue confirmer, ou accélérer, les bouleversements qui secouent la planète et notre pays depuis deux décennies.
Faut-il parler d’un nouveau désordre mondial ? Je me méfie des expressions toutes faites, mais il est certain qu’une nouvelle donne est en marche. Nous passons peu à peu de l’ère du multilatéralisme, où la solidarité et la défense des droits de l’homme étaient des notions cardinales, à l’ère de la méfiance.
D’abord, entre les Etats eux-mêmes qui jouent de moins en moins la carte du dialogue pour se replier sur leurs propres intérêts. Ainsi en va-t-il des Etats-Unis, beaucoup moins disposés à protéger l’espace occidental, avec un Donald Trump aussi imprévisible que déstabilisant. Ainsi de la Chine de Xi Jinping, timonier intraitable, dont les ambitions commerciales sont dévorantes sur les Routes de la soie. Ainsi du Royaume-Uni, dont la sortie de l’Union européenne est maintenant une certitude et qui est lui-même menacé dans son unité par les revendications indépendantistes de l’Ecosse. Ainsi de l’Union européenne elle-même, fracturée entre les pays de l’Est et ceux de la « vieille Europe ; les premiers souhaitent s’affranchir des règles communautaires et se recroqueviller dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’illibéralisme » quand les seconds peinent toujours à s’entendre. Dans cet univers fragmenté, les grandes nations sont évidemment incapables de trouver des terrains d’accord sur le front du réchauffement climatique, comme l’a montré le récent sommet de la Cop 25 à Madrid.
Cette méfiance entre les Etats se double ensuite d’une méfiance entre les peuples et leurs élites. La France connaît cette crise depuis un an avec le mouvement des Gilets jaunes. Le conflit social né de la réforme des retraites est d’une autre nature, mais il traduit également une absence de confiance dans la politique conduite par le gouvernement. Ce divorce est désormais perceptible sur tous les continents, du Chili au Liban, de l’Algérie au Venezuela. L’autorité des gouvernants est partout remise en question. Les procès en corruption et incompétence traversent les frontières et les cultures. Ces fièvres, qualifiées de « populistes », n’ont pas toutes les mêmes ressorts. Je remarque néanmoins qu’elles ont, à chaque fois, bien du mal à se donner des leaders, ce qui ne manque pas de susciter mon inquiétude face aux risques de chaos ici ou là. La revanche des peuples a-t-elle sonné ? Souvent la foule trahit le peuple, disait Victor Hugo…
Observer les changements qui bousculent la planète n’empêche pas de constater les progrès, immenses, qui nous permettent de vivre toujours plus longtemps et dans de meilleures conditions de confort, où que l’on soit. La mondialisation n’a pas que des défauts, il faut le répéter, il nous reste simplement à mieux l’apprivoiser. J’ai cet espoir chevillé au corps.
Avant de vous retrouver dans les premiers jours de 2020 à ce même endroit de lecture, je vous souhaite à tous de très belles et joyeuses fêtes de fin d’année, en compagnie de vos familles et de tous ceux qui vous sont chers.
Jean-Pierre Bansard
Fondateur de l’ASFE