En Bolivie, la réélection contestée du président Evo Morales, le 20 octobre dernier a donné lieu à des manifestations violentes sans précédent. Le pays est plongé depuis le week-end dernier dans l’incertitude la plus totale, sans dirigeant après la démission du président. Celui-ci a immédiatement demandé l’asile au Mexique – qui lui a été accordé – craignant pour sa vie.
Jeanine Añez, deuxième vice-présidente du Sénat s’est proclamée vice-présidente par intérim avec l’intention de convoquer des nouvelles élections « dès que possible ».
Dans les rues de nombreuses villes, les partisans du président démissionnaire Evo Morales – auxquels se sont joints des pilleurs – commettent des violences et des saccages. La police s’est dite « dépassée » par la situation et a demandé l’aide de l’armée bolivienne, qui a acceptée.
Dans ce contexte de nombreux Français présents sur le groupe Facebook des Français en Bolivie ont témoigné des difficultés qu’ils rencontrent actuellement. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Laura Le Leur, française, qui vient de créer une page Facebook destinée à expliquer les faits. Selon elle, ce soulèvement populaire n’est pas un coup d’état. Sur cette question, on trouve deux versions des faits totalement différentes, avec des points de vue largement irréconciliables.
Un pays à l’arrêt
« Certains Français ont récemment reçu un message de l’ambassade leur précisant que la période actuelle n’était plus propice au tourisme. Il est préférable – selon eux – de reporter tout voyage en Bolivie.
La situation s’est en effet très fortement dégradée depuis 48h (10 novembre), elle est très évolutive et tend vers une complication croissante des manifestations. Il est impossible de prévoir les mécontentements de la population, et de prévenir les actes malfaisants ville par ville.
Des manifestations, parfois accompagnées d’affrontements, ont lieu dans de nombreuses villes du pays et provoquent des blocages et des difficultés de circulation.
La plupart des institutions sont à l’arrêt (centres des impôts, Palais de justice, douane, immigration…). Ceci rend toute démarche éventuelle impossible.
Certains axes nationaux ont également été coupés, entre Potosi, Sucre, Tarija, Cochabamba, Oruro, La Paz, Copacabana et Santa Cruz, mais aussi dans d’autres régions. Les postes-frontières vers l’Argentine et le Brésil sont bloqués par intermittence et les passages sont lents et difficiles.
Un appel à fermer les postes-frontières de Tambo Quemado (vers le Chili) et Desaguadero (vers le Pérou) a également été lancé et semble effectif.
Aujourd’hui les téléphériques sont en grève – selon certains – à La Paz et presque tout est fermé. Le service est suspendu jusqu’à nouvel ordre, par sécurité…
L’aéroport de Sucre est fermé depuis hier après-midi (12 novembre). À La Paz, les taxis ne veulent plus monter à l’aéroport et il n’y a plus de circulation ni mini bus, ni bus et très peu de taxis. La ville est déserte. Selon certains Français il est inutile de venir à Sucre pour l’instant. Tout est bloqué.
Les Français sur place justifient l’abandon de tous les services communs par la venue des forces armées, celles-ci ayant précisé qu’ils apporteraient leur aide à la police alors même qu’ils avaient déclaré qu’ils n’agiraient pas. »
Une triche de grande ampleur ?
Selon une autre Française sur place, la fraude quant à l’élection présidence est prouvée par l’OEA (Organisation des Etats américains). Cependant à l’échelle internationale les preuves de cette fraude sont tues et les médias – du moins en France – font passer les contestations des Boliviens comme un coup d’état afin de « victimiser » Evo Morales sans tenir compte des antécédents : d’une part, le non-respect de la constitution, et d’autre part les répressions violentes, incitées par « Evo Morales», face aux manifestations pacifiques.
En effet, selon les médias, un rapport a été rédigé sur la base d’un audit de l’élection et n’a pas permis d’en vérifier le résultat. « Les manipulations du système informatique sont d’une grande ampleur ». L’OEA a jugé statistiquement peu probable qu’Evo Morales ait obtenu la marge de dix points de pourcentage nécessaire pour être élu dès le 1er tour.
Un troisième français nous indique que : « La fraude est prouvée mais il est nécessaire d’être attentif afin de ne pas se faire avoir trop facilement. D’où viennent les enquêteurs ? Sont-ils vraiment neutres ? ». « Beaucoup de monde avait intérêt à ce qu’Evo s’en aille. Et d’un autre côté, ils disent qu’il y a eu manipulation. Mais de la part de qui ? De la part d’Evo, de ses partisans ou de ses détracteurs ? Evo Morales avait prédit le « coup d’état » en cas de victoire quelques semaines avant les élections. »
« Je ne dis pas qu’Evo n’a pas triché mais je dis de faire attention aux informations. Il y énormément d’enjeux et d’intérêts économiques en Amérique latine et il y a beaucoup de multinationales et les pays occidentaux sont très impliqués politiquement en Amérique du sud pour défendre leurs intérêts. N’oubliez pas le plan Condor, plan des américains pour déstabiliser l’Amérique du sud et y installer des dictatures de droite. Je ne dis pas qu’il se poursuit toujours mais en regardant dans les parages on y voit que des moyens plus ou moins grands sont utilisés – notamment la diffamation – pour déstabiliser la gauche que ce soit au Venezuela, au Brésilienne ou en Argentine. »