La décision unilatérale de Donald Trump de lâcher les Kurdes ne pouvait qu’ouvrir la voie à une offensive turque. Ankara redoute par-dessus tout que ces derniers prennent toujours plus leur autonomie pour, un jour, constituer un Etat indépendant. Face aux troupes d’Erdogan, les Kurdes, militairement beaucoup plus faibles, se sont donc tournés, en début de semaine, vers le régime de Damas, soutenu par Moscou et Téhéran.
Trois effets immédiats sont déjà perceptibles.
Le premier est la recrudescence du terrorisme islamiste à travers la planète. Avec l’appui des Américains, les Kurdes ont été les principaux artisans de la chute de Daech en Syrie et en Irak. Les milliers de prisonniers djihadistes qu’ils retenaient jusque-là sont désormais pour la plupart dans la nature avec la volte-face de Washington. Parmi eux, près d’un millier sont d’origine européenne, française notamment. Ils cherchent à fuir la zone et évidemment à revenir vers l’Europe où ils seront autant de « bombes vivantes » potentielles.
Le deuxième est le chantage que ne manque pas d’exercer le régime de Recep Tayyip Erdogan. Le président turc s’était engagé, moyennant un gros chèque de l’Union européenne, à retenir sur son territoire les milliers de réfugiés irakiens et syriens – près de deux millions d’individus –
Le troisième effet est l’extension de la zone d’influence iranienne. Comme chacun le sait, Téhéran tient le régime de Damas de Bachar el Assad – les alaouites étant une branche du chiisme –, et soutient le Hezbollah au Liban. En se rapprochant de Damas, les Kurdes se placent donc sous parapluie iranien. Face à l’Arabie saoudite sunnite, la puissance ennemie dans la région, l’arc chiite gagne dangereusement du terrain. Jamais la tension n’a été aussi forte au Moyen Orient entre Ryad et Téhéran.
Cette situation m’inspire deux remarques. D’abord, en ne voulant plus jouer les gendarmes du monde et en optant pour la ligne « America first », la politique de Donald Trump met sérieusement en danger ses alliés traditionnels et la relation transatlantique. Les Etats-Unis et l’Europe ont, de mon point de vue, tout à perdre à ce jeu égoïste de Washington. Ensuite, il est urgent que l’Europe se fasse entendre pour rester maître de son avenir. Il faut pour cela qu’elle reste unie et qu’elle se donne les moyens d’une puissance incontestable. C’est encore malheureusement loin d’être le cas…
Jean-Pierre Bansard
Président de l’ASFE
Pourquoi la France et autres pays de l’Union Europenne n’envoient-elles pas des troupes au Nord de la Syrie? Pourquoi toujours les Etats-Unis? Quand l’Amerique envoie des troupes, elle est accusee d’imperialisme. Quand l’armee s’en va, l’Amerique est accusee de creer de nouvelles difficultes…
Entièrement d’accord avec l’analyse. Dans le monde qui vient, et la crise kurde n’en est qu’un signal faible, il faudrait avoir le courage d’augmenter très fortement (pour arriver à 3% du PIB) le budget de la défense, en taillant drastiquement les budgets sociaux. Le « peuple » est capable de comprendre des grands choix stratégiques, mème douloureux, et d’y adhérer, quand il ne comprend pas les bricolages comptables de chaque loi de finance. Il faut contraindre le peuple à prendre de la hauteur pour éviter la giletjaunisation de la politique.
En politique comme en musique il faut attaquer un problème/une note par le haut, sinon on chante faux.