Les banques commerciales européennes sont tenues de stocker auprès de la Banque Centrale Européenne (BCE) une part de leurs liquidités, appelée le taux de réserves obligatoires. C’est grâce à ces comptes bancaires que la BCE met en place la politique monétaire. Ainsi plus le taux de réserves obligatoires est faible, plus les banques pourront accorder des crédits aux particuliers car elles disposent de plus de liquidités. En plus du taux de réserves obligatoires, les banques peuvent confier leurs liquidités excédentaires à la Banque centrale européenne. La BCE applique un taux de dépôt négatif sur ces liquidités excédentaires car elle veut dissuader ces dépôts et ainsi inciter les banques à prêter aux ménages et aux entreprises pour doper l’économie en zone euro.
L’annonce par la BCE, le 12 septembre dernier, de l’abaissement du taux de dépôt des liquidités excédentaires des banques à -0,5 % et du maintien à de faible niveau de son principal taux directeur (conduisant à de faibles taux d’intérêt pour les emprunteurs) va dans ce sens et souligne combien la confiance des parties prenantes de l’économie est entamée. Ce pessimisme est partagé par l’OCDE qui vient de publier des prévisions alarmistes pour les prochaines années : les taux de croissance mondiaux seraient les plus bas depuis la crise de 2008 et connaîtraient une longue stagnation sans relance espérée.
Face à ce scénario-choc, des mesures sont prises afin de stimuler l’économie et éviter que l’argent « dorme ». Si l’on voit bien que l’intention initiale d’appliquer des taux négatifs aux banques commerciales et de maintenir des taux d’intérêt faible pour encourager l’investissement dans l’économie réelle était louable, les conséquences ne sont pas à négliger.
En premier lieu, les banques commerciales pourraient répercuter ces taux négatifs à leurs clients emprunteurs, particuliers et entreprises. En effet la politique de taux négatif et les taux d’intérêt très bas qui l’accompagnent vont finir par ruiner les banques commerciales dont les activités d’intermédiation bancaires deviennent non rentables. Toutefois le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau a annoncé « qu’aucune banque française n’applique aujourd’hui de taux négatifs à ses déposants particuliers habituels ou à ses PME, et nous comptons bien que cela demeure en l’état ».
Par ailleurs, si l’objectif est d’inciter les agents économiques –ménages comme entreprises- à moins épargner, à consommer et investir, la politique de faible taux d’intérêt envoie paradoxalement un signal inquiétant quant aux anticipations futures et pousse les épargnants vers des supports liquides des fonds d’investissements privés, ou bien des investissements immobiliers, favorisant l’apparition de bulles comme en témoignent les prix de l’immobiliers dans la capitale.
Cette politique dite « expansionniste » permet à l’Etat de se financer à moindre frais en économisant des centaines de millions d’euros mais également de rembourser des emprunts déjà engagés. D’aucuns suggèrent ainsi de s’endetter pour financer les secteurs d’avenir afin de donner un vrai coup de fouet économique au pays ou bien de financer des réformes structurelles telles que la transition énergétique. Mais cela n’est pas sans danger. Comme pouvait le dire durant les rencontres économiques d’Aix de cet été, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire : « au niveau des Etats, faisons attention, parce que ces taux d’intérêt négatifs ne doivent pas devenir une espèce de drogue qui nous empêche de voir certaines réalités économiques ». Les faibles taux permettent, certes, de se désendetter rapidement mais les pays très endettés, qui dans cette période, voient leur taux d’endettement augmenter, risquent de se retrouver insolvables le jour où la politique de taux négatifs sera devenue intenable.