Agnès Varda : disparition d’une icône du cinéma français

 » Soyez curieux, soyez émus et osez faire un film. » déclarait Agnès Varda dans une interview.

C’est à l’âge de 90 ans, des suites d’un cancer, que s’est éteinte, dans la nuit du 28 au 29 mars, la photographe, réalisatrice et artiste visuelle Agnès Varda, surnommée affectueusement  » Mamita Punk » par ses petits enfants à cause de sa coupe au bol décolorée.

Naissance d’une artiste

Née en 1928, Arlette, née en Belgique, d’un père grec et d’une mère française, grandit à Sète, plage du sud de la France, laquelle sera un thème récurrent dans son oeuvre.

Après avoir étudié à Paris la photographie à l’Ecole des beaux-arts et l’histoire de l’art à l’Ecole du Louvre, rien ne la prédestinait à tourner des films. Elle commença comme photographe, entre autres, au festival d’Avignon pour Jean Vilar et au TNP de Villeurbanne dirigé par le même homme. Elle signa son premier long-métrage en 1955 : La Pointe courte.

Des films éclectiques, plusieurs fois récompensés

En 1962, Cléo de 5 à 7 remporta un grand succès.

Fin 1962, c’est à Cuba qu’elle pose ses valises deux mois, afin de réaliser des clichés exposés au Musée Georges Pompidou fin 2015/ début 2016, compilés plus tôt sous forme de documentaire Salut les cubains (1963) en référence à Salut les copains. Cette pionnière de la Nouvelle Vague fût l’une des rares réalisatrices du cinéma français des années 50-60. En 1964, elle reçut le prix Louis Valluc pour le film Le Bonheur, bonheur d’un homme marié rencontrant l’amour avec sa maîtresse.

C’est à son mari Jacques Demy – mort en 1990 – avec qui elle partageait cette passion du cinéma, a qui elle dédia un film Jacquot de Nantes en 1991. Elle vécut avec lui un temps aux Etats-Unis. Elle tourna sur place Documenteur et Murs murs en 1981, à LA ainsi qu’un court métrage sur les Black Panthers (1968).

Avec Sans toit ni loi (1985), elle offre à Sandrine Bonnaire son premier rôle et c’est grâce à elle que la carrière de cette dernière décollera : celui d’une sans abri. Elle est récompensée par un Lion d’or à Venise.

Avec Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), documentaire traitant du gaspillage alimentaire, on retrouve sa fibre sociale, son rôle d’artiste engagé.

Kung-Fu Master et Jane B. par Agnès V. (1988) fruits de sa rencontre avec Jane Birkin ou encore Visages Villages avec celle de l’artiste et photographe JR sont le reflet de son éclectisme et talent. 

Avec 13 films en sélection officielle au Festival de Cannes à son actif, elle reçut de nombreux prix dont la Palme d’honneur du Festival de Cannes en 2015 et un Oscar d’honneur pour récompenser l’intégralité de son oeuvre en 2017. Elle fût la première réalisatrice à accéder à une telle reconnaissance.

Une artiste visuelle à 70 ans passés

A plus de 70 ans, elle se lança dans une activité d’artiste visuelle (visual artist – et non plasticienne car elle ne « fabrique pas du plastique »), proposant des installations destinées à des expositions d’art contemporain dont la première sur les pommes de terre de la Glâneuse, une autre composée d’objets de récupération avec les bobines de ses films rassemblées pour constituer une cabane, une sur le plastique. Elle s’apprêtait à inaugurer la dernière sur la nature avec des mains à Chaumont-sur-Loire, vendredi. Ses mains, leur vieillissement, elle les avait filmé, dès l’apparition du numérique.

Une féministe engagée

Cette mère de deux enfants (Rosalie et Mathieu), artiste plurielle et engagée, n’en était pas moins une grande féministe. Ainsi avait-elle signée le « Manifeste des 343 » en 1971 dans lequel elle affirmait avoir eu recours à un avortement à l’époque où la loi l’interdisait pourtant. En 1976, sa comédie musicale traitait de l’émancipation des femmes au tournant des années 60-70, L’une chante, l’autre pas. « Je crois qu’on peut être féministe de façon intelligente et harmonieuse mais il faut tout le temps le dire, le redire et agir » déclarait-elle en 1995. En 2006, elle tourna le documentaire Les Veuves de Noirmoutiers pour l’Exposition de la Fondation Cartier d’art contemporain intitulée Agnès Varda, l’île et elle.

Dix ans plus tard, elle ne manqua pas de s’exprimer au moment de l’Affaire Harvey Weinstein en novembre 2017 tandis qu’elle s’apprêtait à recevoir une récompense des mains d’Angelina Jolie: « Dans les rapports sexués, l’humiliation est toujours du côté des femmes. Ça ne changera que si on fait bouger les opinions des hommes. On peut crier mais il faut convaincre, cela commence par l’éducation, l’école, les mères… Je suis d’une nature révoltée et radicale. Sans cela, il n’y a guère de salut {…} Les féministes ont raison de gueuler. Tant qu’il y aura des femmes en colère, cela bougera tout doucement dans la société. » Elle avait lancé une marche des femmes pour l’égalité avec l’actrice Cate Blanchett au dernier festival de Cannes.

A l’affiche du Festival de Cannes

C’est donc en toute logique que ce même Festival a tenu, cette année, a lui rendre hommage en la choisissant comme tête d’affiche pour sa prochaine édition. Connue au delà des frontières l’Hexagone, Agnès Varda réalisa pas moins d’une cinquantaine de courts et longs métrages au total. Dans Varda par Agnès, son dernier documentaire, autobiographique, en deux parties, diffusé récemment sur Arte, elle conclue par : « Je disparais dans le flou. Je vous quitte ».

SOURCES :

Le Monde (voir ici)

Le Point (voir ici)

Le Huffington Post (voir ici)

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