PREMIER TOUR DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN UKRAINE

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Les Ukrainiens sont allés voter dimanche pour le premier tour de l’élection présidentielle. On apprends que Kiev a interdit aux observateurs russes de faire partie du dispositif de supervision et a fermé ses bureaux de vote en Russie, une décision qui prive potentiellement de scrutin au moins 2,5 millions de citoyens ukrainiens résidant dans ce pays. A l’occasion du premier tour nous avons pu nous entretenir avec trois ukrainiens, dont deux directrices d’associations – Mariya Sergenyukde chez Idées sans frontières et Anna Garmash de chez Ukraine Action – qui ont pour but de défendre les valeurs ukrainiennes à travers le monde. La troisième personne travaille actuellement chez Ukrsibbank en Ukraine.

AUTOUR DE LA CAMPAGNE

« Autant la campagne était « trash », autant le déroulement du 1er tour est plutôt positif. Le taux de participation est en hausse cette année. Les observateurs ont constaté moins de fraudes que les années précédentes et malgré les craintes, les interférences russes n’ont pas été flagrantes.Du côté des électeurs, on remarque qu’ils tournent désormais – tous ou presque – le dos aux candidats pro-russes à l’affiche.

Au cours des 4 dernières années les sondages montraient en effet bien la progression constante des valeurs/aspirations occidentales de la part de la population.Pour autant, les Ukrainiens n’ont pas «acheté» la campagne pourtant très nationaliste du président actuel, Petro Porochenko. Les Ukrainiens sanctionnent clairement ses résultats insuffisants, en matière de lutte contre la corruption, quitte à accepter les risques liés à l’impréparation totale du candidat Volodymyr Zelenski. Bref l’inconnu plutôt que l’immobilisme.

Volodymyr Zelenski a accepté un débat avec le président ukrainien. Ses qualités de showman reconnues sont sans aucun doute un atout infaillible et cela lui permettra d’obtenir de la part des électeurs: «un temps pour apprendre».

Tout va ensuite se jouer autour de l’équipe qu’il constituera et selon le résultat des élections parlementaires. Les premières personnes de son équipe se trouvent être les déçus de Petro Porochenko.Les battus du 1er tour vont maintenant se manifester. A voir si Volodymyr Zelenski saura faire le tri.

Volodymyr Zelenski n’a actuellement aucun parti derrière lui. Aucune chance que la lutte contre la corruption avance. Mon scénario optimiste aujourd’hui, c’est que la société civile se mobilise au lendemain du second tour et investisse le parlement. Mais on part de très loin et pour le moment les milieux d’affaires étaient derrière Petro Porochenko et son parti Le Bloc Petro Porochenko « Solidarité ». »

Mariya: «Je participe actuellement au bureau électoral du comité en charge des élections présidentielle, rattaché au ministère des Affaires étrangères ukrainien. Alors que le bureau de vote ukrainien était fermé en Russie, les médias russes ont pour autant eu le droit de venir. Nous étions désolés que ce bureau de vote ait été fermé, mais toute la population ukrainienne a tout à fait compris cette décision. Aucune manifestation n’a été déclarée, même si les ambassades avaient pris des précautions afin de mettre en garde la population contre de potentiels débordements.»

Anna: «Il faut comprendre que les deux candidats qui se sont retrouvés au second tour (Volodymyr Zelensky et Petro Porochenko) polarisent l’opinion publique en Ukraine, ce qui provoque d’importants débats sur les réseaux sociaux. Le président actuel a été élu en mai 2014 à la suite de la révolution de Maïdan dont le point culminant était la fuite de son prédécesseur et la mort d’une centaine de manifestants en pleine place publique.

Il a donc été élu alors qu’une exigence de changement caractérisait la société ukrainienne. Le bilan de Petro Porochenko n’est pas blanc ou noir mais il n’est clairement pas à la hauteur des attentes exprimées par la population lorsqu’il a été élu, ce qui explique une tendance anti-système, ainsi que les vifs débats, assez polarisants. Nous avons donc un candidat – président sortant avec de l’expérience, dont on attendait beaucoup, mais avec un bilan mitigé – et un autre candidat très connu, mais sans programme précis et dont nous ne pouvons pas savoir la profondeur de la réflexion politique.

En d’autres mots le vote Zelensky ne représente pas une conviction et un partage des valeurs qu’il défend, mais une contestation du président sortant et de la classe politique toute entière ayant déçu les espoirs de Maïdan.»

L’ETAT DE GUERRE EN UKRAINE

Mariya: «L’Etat met tout en œuvre afin de régler ce conflit meurtrier, notamment en développant l’armée du pays. En 2014, l’armée ukrainienne n’existait presque plus. Aujourd’hui il est vrai que la reconstitution d’une armée est très compliquée à entreprendre et les moyens financiers sont limités.

Anna: «La guerre à l’Est de l’Ukraine continue toujours, depuis 5 ans déjà. La population ukrainienne en a pleinement conscience et même si elle ne fait pas la une des journaux tous les jours, les nouvelles du front ne disparaissent pas des médias et des réseaux sociaux. Étant donnée la durée de cette guerre et l’absence jusqu’ici d’instruments politiques efficaces pour l’arrêter, elle est devenue un fond quotidien de la vie du pays: à la fois la vie doit continuer, car la zone occupée par les républiques autoproclamées fait seulement 3% du territoire du pays, mais elle ne peut être oubliée.L’attitude générale vis-à-vis de la guerre reste inchangée: bien évidemment qu’au sein de la population il y a un souhait qu’elle s’arrête, cependant, pas à n’importe quel prix.

Il y a une conscience généralisée qu’un arrangement avec le Kremlin permettant d’arrêter les combats et de libérer les territoires occupés impliquerait nécessairement un abandon de la souveraineté politique du pays. Une telle solution n’est donc pas envisageable pour la plupart des Ukrainiens. Cependant, lorsque l’on parle de territoires occupés, il ne faut jamais oublier qu’au-delà de la guerre dans le Donbass, la Crimée reste sous occupation russe et que son annexion reste toujours non reconnue par la communauté internationale.

L’état des droits de l’Homme y reste catastrophique et l’accès au territoire pour les défenseurs des droits est souvent très compliqué, voire impossible. »

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