Visite du Président Chinois : la diplomatie française mise à l’épreuve

Contexte 

Cinq ans après avoir été reçu par François Hollande à Versailles, un an après la visite d’Emmanuel Macron en Chine et à l’occasion du 55ème anniversaire des relations bilatérales entre la France et la Chine, le président chinois Xi Jinping est venu en France du 24 au 26 mars. 

Sur fond d’inquiétudes européennes, après la signature d’un protocole d’accord avec Rome sur les « nouvelles routes de la soie » ( Belt and Road Initiative) – sans concertation mettant ainsi à mal l’unité européenne, Xi Jinping était en mini-tournée européenne pour soutenir son programme de gigantesques infrastructures reliant son continent avec l’Europe, lancé en 2013. Cette visite fût également l’opportunité de rendre officielle la signature de plusieurs contrats. 

Une visite stratégique

Après une visite du président chinois à Monaco, dimanche 24 mars, les couples présidentiels chinois et français ont dîné sur la Côte d’Azur, dans la villa Kérylos, près de Nice. Une traduction de Confucius en français, grimoire datant du XVIIème siècle a été offerte au Chef d’Etat chinois. Le président français a reçu un vase conçu pour l’occasion. 

Le lendemain, une séance de travail avait lieu entre les deux présidents à l’Elysée, suivie d’une cérémonie à l’Arc de Triomphe dans l’après-midi et d’un dîner d’Etat. 

Mardi 26 mars, Angela Merkel, chancelière allemande, Jean-Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, Xi Jinping et Emmanuel Macron se sont réunis, dans un format inédit. 

Les relations sino-françaises, sino-européennes et des questions d’ordre internationale ont été abordées pendant cette visite. Plus particulièrement, cette réunion en présence de la chef du gouvernement allemand et du président de la Commission avait pour but de trouver des points de convergence avec la Chine en matière de multilatéralisme, réforme de l’OMC et de mise en oeuvre des accords de Paris. Paris, Berlin et Bruxelles souhaitaient se montrer solidaires, afficher une fermeté et une position coordonnée notamment concernant le projet de « nouvelles routes de la soie », immenses infrastructures terrestres et maritimes entre l’Asie et d’autres continents. 

L’épineuse question des Droits de l’Homme

La visite du dirigeant chinois fût accompagnée de manifestations place du Trocadéro en faveur du respect et de la défense des droits de l’homme, notamment s’agissant de la population tibétaine et ouïgour. Le sujet des Droits de l’homme est une pierre d’achoppement depuis longtemps. La situation des ouïgours, minorité musulmane turcophone est pour le moins alarmante selon les ONG de défense des Droits de l’homme. La « question du respect des droits fondamentaux en Chine et plusieurs cas individuels ont été abordés » selon l’Elysée. Le président français a aussi été sollicité par l’épouse de l’ancien président d’Interpol, Meng Hongwei, pour intervenir en la faveur de son mari.  

Une visite aux multiples enjeux

Etablir un bilan sur la feuille de route actée en janvier 2018 sur les relations sino-françaises et fixer de nouvelles étapes étaient parmi les principales raisons de la visite du président chinois. La mise en oeuvre de l’EPR de Taïshan, le lancement d’un satellite franco-chinois et la levée de l’embargo sur le boeuf français (imposé suite à la crise de la vache folle) font partie de ce bilan qualifié de « satisfaisant  » par Paris. 

Plusieurs annonces ont été faites et des signatures de contrats rendues publiques : 

  • l’ouverture d’un Centre Pompidou dès l’automne à Shanghaï a été confirmée
  • l’achat par la Chine de 300 Airbus 290 Airbus A320 et 10 A350 à près de 31,8 milliards d’euros. Ce contrat est plus important que le pré-accord signé un an plus tôt annonçant la vente de 184 Airbus A320. Parallèlement, Boeing, grand rival d’Airbus traverse une phase difficile avec l’immobilisation de son moyen-courrier 737 MAX après deux accidents.
  • l’armateur CMA-CGM et China State Shipbulding Corporation ont signé un accord-cadre de coopération globale et un contrat de construction de 10 porte-conteneurs, dont le montant est estimé à 1,2 milliard.
  • EDF va se positionner dans l’éolien en mer en Chine pour construire et exploiter deux fermes éoliennes offshore. 
  • la Chine a accepté de lever son embargo sur les volailles françaises imposé lors de l’épidémie de grippe aviaire
  • l’Afrique a fait l’objet d’un volet particulier avec une coopération dans plusieurs domaines dont l’éducation
  • la création d’un fonds de plus d’1 milliard d’euros a été annoncée par China Investment Corporation, Eurazeo et BNP Paribas pour aider les entreprises de taille intermédiaire et PME à se déployer en Chine
  • plusieurs accords de coopération ont été réaffirmés dans le nucléaire et spatial
  • Quadran, filiale de Direct Énergie, et Bpifrance ont signé avec Sus Environement, spécialiste chinois du traitement des déchets, un protocole d’accord sur le développement des énergies renouvelables. 
  • Schneider Electric va moderniser les sites de Power Construction Corporation (PCC), entreprise chinoise de construction (jusqu’à 6 milliards de contrats). 

Cependant, la construction par Orano (ex-Areva) d’une usine de retraitement des combustibles usés des centrales nucléaires chinoises envisagée dès 2007, demeure en suspend. 

Une approche européenne coordonnée ? 

Jeudi et vendredi derniers à Bruxelles, des discussions entre les 28 dirigeants de l’UE avaient lieu au sujet de la Chine. Les acquisitions chinoises d’entreprises ou d’infrastructures stratégiques sur le continent européen en inquiètent certains. La Chine présentée comme un  » rival systémique » et « concurrent stratégique » par la Commission européenne – dans un texte publié il y a une dizaine de jours – n’en demeure pas moins la deuxième puissance mondiale et un allié. Dans un discours le 21 mars, Macron déclarait que « le temps de la naïveté européenne est révolu ». Equilibre et réciprocité dans les relations avec la Chine paraissent être privilégiés.  

La montée en puissance chinoise a, néanmoins, donné lieu à l’adoption en février par le parlement européen d’un outil de filtrage des investissements dans les secteurs stratégiques. Les Etats membres se sont aussi attelés à la mise au point d’un instrument capable d’assurer une réciprocité d’accès aux marchés publics. La Chine continue d’investir dans des secteurs stratégiques comme les ports italiens de Trieste et Gênes. 

Le projet des routes de la soie ne laisse pas indifférent les européens et la question de savoir s’il s’agit là d’un fer de lance de l’expansionnisme chinois se pose. Emmanuel Macron avait déjà évoqué les conditions à réunir pour que la France y participe : qu’il repose sur une coopération équilibrée et ne se traduise pas par une nouvelle hégémonie qui viendrait mettre en état de vassalité les pays traversés. Plusieurs pays de l’UE dont la Croatie, la Hongrie, la Grèce, le Portugal, la Pologne, la République tchèque et Malte ont déjà conclu des protocoles d’accords, rejoints samedi par l’Italie, au regret de la France tandis que la relation entre Paris et Rome   s’était déjà refroidie. 

S’agissant de la 5G, l’UE estime aussi qu’une approche commune s’impose. Huawei – soupçonné d’espionnage pour le compte du renseignement chinois fait l’objet d’un boycott par les Etats-Unis. 

Adopter une position commune face à la Chine interroge sur l’avenir que l’on souhaite donner au  projet européen, enjeu des européennes. Le sommet UE-Chine le 9 avril permettra peut-être d’aider à esquisser les contours de la ligne de conduite à adopter. 

SOURCES : 

France 24 (voir ici)

Challenges (voir ici)

Le Figaro (voir ici

Les Echos (voir ici)

Le Monde (voir ici)

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