Situation économique et sociale au Liban

reflet, miroir

Après plus de trois mois de contestation, le Liban vient de nommer un nouveau gouvernement. La nouvelle équipe a été formée par un seul camp politique, celui du Hezbollah pro-iranien et ses alliés, majoritaires au Parlement. A l’annonce du nouveau gouvernement, des manifestants ont incendié des pneus et coupé plusieurs routes à travers le pays, notamment dans les villes majoritairement sunnites de Tripoli et Saïda. Dans ce contexte nous nous sommes entretenus avec Ghassan Ayoub, conseiller consulaire au Liban.

Pouvez-vous nous dire ce qu’il se passe au Liban depuis trois mois ?

A la suite de l’instauration d’une taxe sur la messagerie électronique WhastApp, décidée en conseil des ministres, des manifestations ont eu lieu près de la banque centrale dans le quartier de Hamra le 16 octobre 2019. Le lendemain, dans toutes les régions libanaises, du Nord au Sud, de Beyrouth à la Bekka, des mouvements de contestations ont bloqué les rues et les places publiques. Les manifestants réclamaient la démission du gouvernement. Après quelques jours de fermeture des artères principales, les Libanais ont occupé les places publiques dans les grandes villes.

Le gouvernement a démissionné fin octobre. Le pays a alors été paralysé, il n’y avait plus d’activités commerciales, les banques ont fermé leurs portes pour la première fois dans l’histoire du Liban moderne. La livre libanaise a perdu de sa valeur face au dollar. Les gens n’ont plus d’argent et les distributeurs sont vides, c’est le chaos.

La révolte s’amplifie, les établissements scolaires sont fermés, tous les Libanais descendent dans les rues. Ils réclament le départ de toute la classe politique corrompue qui dirige le Liban depuis trente ans. Une dette de plus de 100 milliards de dollars et toujours pas d’électricité, d’eau, d’infrastructures routières, une pollution suffocante…

Après 100 jours les dirigeants sont aux abonnés absents. Les manifestations pacifiques jusqu’à la semaine dernière se transforment en émeutes. Après le licenciement de 200.000 travailleurs, après la fermeture de plusieurs commerces et industries à quoi pouvait-on s’attendre ? L’escalade du week-end dernier était prévisible.

Quelles sont les racines de cette crise ?

D’abord économiques : la livre a chuté de 50%, une cherté de la vie invraisemblable, un pouvoir d’achat qui diminue de jour en jour, le doublement des prix des produits de première nécessité dans les supermarchés. Puis sociales : la pauvreté atteint des taux records, des salariés touchent des demi-salaires ou sont licenciés.

Que revendiquent les manifestants ? 

Le départ de tous les dirigeants, tous sans exception, et de rendre l’argent volé. Une corruption de 280 milliards de dollars volés par la classe politico-financière durant ces dernières années. Ils souhaitent des élections anticipées de l’Assemblée nationale et un gouvernement formé de ministres technocrates et surtout intégrés.

Expriment-ils les revendications de la plupart des Libanais ou seulement d’une partie de la population ? 

Malheureusement, une minorité de Libanais s’attache toujours au culte de la personne. Et il ne faut pas oublier non plus les gens du Hezbollah et leur obédience à l’Iran.

Quelles sont les conséquences de ces événements pour les Français du Liban ?

En ma qualité de conseiller consulaire je m’applique tous les jours à résoudre des problèmes divers concernant notre communauté : licenciement, baisse du pouvoir d’achat, bas  salaires qui ne suffisent plus à faire vivre les familles, demandes de bourses scolaires accrues.

Les virements bancaires sont interdits. Nos compatriotes ne peuvent plus transférer de l’argent, plus de devises. Ils ne peuvent plus payer la CFE. Plusieurs solutions sont à l’étude. Les services consulaires essaient de résoudre tous ces problèmes. Le système D et l’entraide fonctionne bien. Beaucoup de jeunes ménages sans travail veulent retourner en France.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Puisse ce calvaire se terminer le plus vite possible sinon on craint le pire.

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