Considérée comme la « mère » de toutes les réformes, sera-t-elle aussi la « mère » de toutes les batailles ? Je veux, bien sûr, parler de la réforme des retraites, aussi difficile à mener pour le pouvoir exécutif que propre à enflammer les esprits dans l’opinion publique. Inscrite au programme d’Emmanuel Macron, elle est aujourd’hui au cœur de l’Acte II du quinquennat.
Sur le papier, cette réforme avait tout pour plaire. D’abord, elle ne prévoyait pas de report de l’âge légal de départ à la retraite, comme toutes celles qui l’avaient précédée. Ensuite, elle consistait à réunir en un seul régime, dit « universel », les 42 régimes de retraite existant en France : l’objectif affiché était de tendre vers plus de justice et d’égalité entre tous les cotisants.
Dans la réalité, cette ambition est dure à tenir car chaque catégorie professionnelle est attachée à ses avantages et droits acquis – ainsi en est-il des agents des transports publics – ou soucieuse, comme les avocats ou les cadres supérieurs qui ont bien géré leur caisse respective, de ne pas voir ses réserves financières combler les déficits des autres.
Résultat, depuis deux ans et demi, le chef de l’Etat et le gouvernement cherchent par tous les moyens à rassurer les Français en imaginant des compensations au régime universel pour tout le monde. J’en viens donc personnellement à m’interroger : le nouveau système, qui devait être plus simple, ne sera-t-il pas, au bout du compte, plus compliqué que celui mis au point après la Libération ? Ne va-t-il pas coûter plus cher à financer ? Sera-t-il, à terme, vraiment plus efficace et plus juste ?
La seule réponse que j’entrevois, à la lumière des récentes déclarations du président de la République, c’est que le nouveau dispositif n’entrera en vigueur que dans de nombreuses années et, sans doute, seulement pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. Cela reviendrait donc à constituer deux catégories de Français face à la retraite : ceux qui seraient éligibles à l’actuel système et ceux – les plus jeunes – éligibles au système futur, dont on ne connaît pas encore tous les contours.
Cette réforme, qui concerne tous les Français, sera-t-elle bouclée d’ici à la fin du quinquennat ? J’en doute : les résistances sont grandes ; le pouvoir reste craintif, après l’épisode des Gilets jaunes ; enfin, le mécanisme n’apparaît pas encore très clair. Si les grands principes généraux pourraient être votés d’ici à 2022, il est à parier que les détails – et chacun sait que le diable se cache dans les détails ! – ne pourraient l’être qu’après.
Le suspense demeure…
Jean-Pierre Bansard