Il faut toujours se méfier des effets d’annonce car trop souvent, y compris en politique, les montagnes accouchent de souris. C’est donc avec un mélange d’enthousiasme teinté de circonspection que j’attends avec impatience la grande réforme de notre système d’apprentissage. Elle devrait être bouclée fin janvier.
En ouvrant ce chantier il y a quelques jours, le gouvernement a promis de procéder à « une révolution copernicienne ». Je m’en réjouis ! L’emploi se porterait certainement moins mal en France si notre dispositif était plus performant. Les chiffres parlent en effet d’eux-mêmes : notre pays compte 400 000 apprentis, soit seulement 7% des jeunes âgés de 16 à 25 ans. C’est deux fois moins qu’en Allemagne ou en Suisse, où le chômage est au plus bas, ce qui ne doit rien au hasard.
Je reste toutefois prudent car cette réforme risque d’être délicate à conduire tant le nombre de parties prenantes est important. Outre quatre ministères, celui du Travail, de l’Agriculture, de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, les partenaires sociaux, les régions et les chambres consulaires sont aussi concernés. Les rivalités de pouvoir et d’argent entre ces différents acteurs sont un des motifs du peu de succès de l’apprentissage en France. Une filière à laquelle nous consacrons pourtant 8,2 milliards d’euros par an, une enveloppe financée à hauteur de 4 milliards d’euros par les entreprises, le reste étant partagé entre l’Etat et les régions.
Une clarification des rôles de chacun est absolument nécessaire. Il serait également pertinent que les secteurs professionnels, qui connaissent leurs besoins mieux que personne, aient davantage leur mot à dire. Je souhaite vivement qu’ils soient placés au cœur du nouveau système. Il n’est pas normal en effet que l’Education nationale ait seule la main sur les diplômes jugés, souvent à juste titre, comme trop théoriques par les employeurs.
Une barrière psychologique doit être levée car l’apprentissage conduit plus sûrement à un emploi qu’un cursus général mené tant bien que mal. Dans l’esprit des Français, il n’est que trop souvent perçu, à tort, comme l’ultime recours en cas d’échec scolaire et comme synonyme de déclassement social. La révolution appelée de ses vœux par le gouvernement ne sera donc possible que si, dans les têtes, l’image de l’apprentissage est revalorisée. J’en profite enfin pour souligner que cette filière est absente des écoles françaises à l’étranger. A la faveur du projet de réforme en cours, il serait souhaitable que les choses changent également à ce niveau pour faciliter l’accès à l’apprentissage à nos jeunes compatriotes expatriés.