« La progression de la myopie est grandissante dans le monde entier, dépister les enfants le plus tôt une nécessité !  » 

Céline Combrouze, Medical manager chez ZEISS à Abu Dhabi, partage son parcours professionnel et son engagement pour la santé visuelle des enfants.  

Arrivée en pleine pandémie de Covid en 2020, elle se mobilise pour sensibiliser à la myopie précoce, former les praticiens et rendre accessible des verres de correction abordables pour la région du Moyen-Orient et l’Afrique. Parallèlement, elle mène des actions caritatives, comme des dépistages gratuits dans les écoles, et des partenariats pour sensibiliser les enfants aux risques de la myopie. 

L’ASFE a eu le plaisir d’échanger avec elle pour revenir sur son parcours.  

Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours en tant qu’expatrié en quelques mots ? 

Je m’appelle Céline, j’ai 39 ans et je vis à Abu Dhabi depuis maintenant 3 ans et demi. Opticienne de formation, j’ai ouvert un magasin optique à Paris à 25 ans, une expérience enrichissante.  

J’ai ensuite travaillé chez Lafont, où j’ai appris beaucoup sur la fabrication des montures, puis chez Alcon où je promouvais des lentilles de contact et des lubrifiants pour la sècheresse oculaire. Ce fut mon dernier poste à Paris, avant de déménager à Abu Dhabi en pleine pandémie du Covid-19. 

A mon arrivée, espérant un changement significatif dans ma carrière professionnelle, je m’attendais à franchir une étape importante. Cependant, la situation sanitaire et ses conséquences sur le marché de l’emploi aux EAU ont considérablement réduit mes opportunités professionnelles et les déplacements entre Abu Dhabi et Dubaï pendant la pandémie étaient compliqués, la recherche d’emploi s’est avérée difficile.  

Pour m’occuper, je me suis alors inscrite à un MBA en marketing digital que je n’ai pas terminé parce que j’ai trouvé un emploi à l’Alliance française, où j’étais chargée des activités périscolaires. Ensuite, je suis devenue responsable marketing de l’Alliance française et des partenariats. 

Finalement, grâce à beaucoup de networking, j’ai été recontactée pour travailler chez ZEISS, un laboratoire allemand de renommée dans divers domaines dont l’ophtalmologie. Après une première expérience en tant que Responsable Grand Compte pour les magasins « ZEISS VISION CENTER » à Abu Dhabi, Dubaï et Doha. J’ai ensuite évolué en tant que responsable médicale d’un nouveau verre optique freinant la myopie chez les enfants. En contact étroit avec les médecins, nous avons été les premiers dans la région à introduire ce type de verre optique, un produit existant en Chine depuis plus de 20 ans et en Europe depuis 6-7 ans, mais inédit ici.  

En effet, plusieurs thérapies existent pour ralentir la myopie chez les enfants, telles que certains verres de lunettes, les lentilles de contact rigides et souples, et un traitement à base d’atropine. Aucun de ces traitements n’était disponible dans la région, et j’étais la seule à promouvoir une solution. 

Pourriez-vous expliquer en quoi consiste votre travail de sensibilisation à la myopie précoce chez les enfants et quelles sont vos principales actions dans ce domaine ?

Mon travail consiste à éduquer les professionnels de santé et les parents aux dangers de la myopie et à faire passer les messages de prévention. J’organise également des conférences pour former les ophtalmologistes et optométristes du Moyen-Orient et d’Afrique sur ces techniques. C’est un travail colossal sans concurrence, car le laboratoire ZEISS, en tant que fondation et non comme un business, se concentre sur le soin des personnes dans le besoin.

J’ai collaboré avec une éditrice pour un partenariat de deux livres pour enfants sur les dangers de la myopie et des écrans. Le laboratoire ZEISS a commandé 200 exemplaires que nous distribuons dans les hôpitaux, écoles et magasins de lunettes. Nous nous adressons aussi bien aux parents qu’aux praticiens pour assurer un suivi et un traitement adéquat pour les enfants myopes.

Aujourd’hui, nous travaillons avec le gouvernement pour sensibiliser à la myopie dans les écoles. Nous organisons des journées de dépistage directement dans les établissements scolaires, si les enfants ne vont pas voir les professionnels de santé, nous venons à eux.

Nous avons également un nouveau partenariat avec un ophtalmologiste pédiatrique en Arabie Saoudite qui transforme une partie de sa clinique en centre spécialisé de myopie sponsorise par ZEISS, il reçoit une centaine d’enfants par jour qui n’ont jusqu’alors aucune solution de freination de la myopie à disposition. Nous allons également fournir des verres gratuits pour les enfants défavorisés.

La myopie chez les enfants est devenue une préoccupation croissante à l’échelle mondiale. En France par exemple, en 2022, plus de 500 000 jeunes de 6 à 15 ans souffrent de myopie évolutive. Quelles sont selon vous les raisons de cette progression de la myopie chez les enfants ? 

La progression de la myopie est principalement liée au comportement des enfants. Un enfant passant six heures devant un écran dans sa chambre a un risque accru de développer une myopie sévère. En revanche, passer moins de temps devant les écrans et plus de deux heures à l’extérieur chaque après-midi réduit considérablement ce risque. Il est vivement recommandé, surtout pour les enfants non-myopes, de passer plus de temps à l’extérieur et de limiter l’utilisation des écrans pour prévenir la myopie.

Le climat peut également jouer un rôle. Dans des régions comme les Émirats arabes unis, où il fait très chaud, les enfants passent moins de temps à l’extérieur et davantage à l’intérieur sous la climatisation, ce qui encourage le travail de prêt et les écrans et la myopie. La pandémie de Covid-19 a aussi exacerbé le problème, avec l’augmentation de l’enseignement à distance et l’utilisation des tablettes par les enfants dès le CM2.

En tant que mère de deux enfants, je comprends qu’il est difficile de limiter l’utilisation des écrans.

Des études récentes montrent que d’ici 2050, 50% de la population pourrait être myope, ce qui souligne l’urgence d’agir dès maintenant.

Donc, outre l’environnement, les 4 facteurs qui contribuent à la myopie sont :

  • L’ethnicité : Les enfants d’origine asiatique ont un risque plus élevé de myopie que ceux d’origine caucasienne.
  • La génétique : Un enfant a plus de chances d’être myope si l’un ou les deux parents le sont.
  • L’activité extérieure : Moins de temps passé à l’extérieur augmente le risque de myopie.
  • Le temps passé en vision de près et sur les écrans.

Quelles sont les leçons les plus importantes que vous avez apprises en travaillant dans des environnements internationaux et multiculturels, et comment ces leçons influencent-elles votre approche professionnelle ?

C’est une question très intéressante ! Travailler dans des environnements internationaux et multiculturels m’a enseigné des leçons précieuses qui influencent grandement mon approche professionnelle. La diversité culturelle est l’une des leçons les plus enrichissantes que j’ai retenues. Dans notre bureau, nous avons des collègues de nationalité multiple, et cela contribue énormément à notre dynamique de travail. Nous avons des différences culturelles, mais nous nous entendons tous très bien.

Je trouve aussi que l’environnement multiculturel dans lequel je travaille, ici aux Émirats arabes unis, est beaucoup plus accueillant. Bien sûr, cela ne signifie pas que tout est facile. Il faut du soutien et de la persévérance pour se faire entendre dans cet environnement, mais il faut aussi avoir une grande capacité d’adaptation. Mais malgré ces défis, je trouve que cette diversité culturelle est une source de bonheur et de richesse dans mon quotidien professionnel.

En outre, la sécurité offerte aux Émirats arabes unis est un autre élément qui rend difficile mon retour en France. La tranquillité et la sécurité que je ressens ici avec ma famille sont des aspects essentiels à considérer.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres professionnels de la santé qui envisagent de travailler à l’étranger, en particulier dans des domaines liés à la sensibilisation et à la fourniture de soins de santé ?

Je leur dirai de beaucoup étudier le marché avant d’aller travailler à l’étranger ! D’un pays ou d’un secteur à l’autre, c’est différent. Par exemple, souvent des infirmières françaises souhaitent venir travailler aux EAU ou dans les pays du Golfe mais ici, nous avons des infirmières qui gagnent un demi-SMIC et qui sont tout à fait compétentes. Je leur recommanderais donc de ne venir que si elles sont prêtes à accepter certaines conditions.

D’un pays à un autre, les métiers de la santé ne sont pas du tout comme le schéma français. Aux Émirats arabes unis, par exemple, tout est axé sur le business, avec une forte compétition entre les médecins. Il est donc essentiel de prendre contact avec des homologues du pays, se renseigner auprès d’eux pour bien comprendre le fonctionnement avant de se lancer à l’aventure. 

Personnellement, je travaille beaucoup avec l’Union des Français de l’étranger, la Chambre de Commerce et d’Industrie France UAE, ou encore le German Emirati Joint Council. Toutes ces associations-là m’apportent des clés et un véritable soutien au quotidien dans mon travail aux Emirats. 

Avez-vous d’autres remarques à ajouter ? 

En dernier mot, je dirais aux parents : prenez soin de la vue de vos enfants et emmenez-les régulièrement chez un ophtalmologue ! En Chine, par exemple, la santé optique est une priorité nationale avec des objectifs gouvernementaux pour réduire la myopie. Nous devrions adopter une approche similaire partout. Les études montrent qu’une dégradation de 1 dioptrie seulement multiplie déjà amplement les risques de complications oculaires entrainant même jusqu’à la cécité.

De plus, une personne ayant une myopie de -6 dioptries toute sa vie dépense énormément pour soigner sa vue, ce qui a aussi un coût pour la société. Faire dépister son enfant et adopter une technique de ralentissement du développement de la myopie et lui donner plus de chance pour un futur heureux. C’est pourquoi il est crucial de surveiller et de prendre soin de la vue de vos enfants dès le plus jeune âge.

Céline Combrouze

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