L’Ambassadeur de France pour le Sport fait partie des Ambassadeurs dits « thématiques ». Diplomate de carrière, il ne s’agit pas de votre première responsabilité diplomatique. Pouvez-vous retracer pour nous les grandes lignes de votre parcours au Quai d’Orsay ?
En effet, je suis diplomate de formation et j’ai (presque) réalisé l’intégralité de ma carrière au sein du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (MEAE), mais je n’ai évidemment pas toujours travaillé sur les enjeux de diplomatie sportive. J’ai commencé mon parcours à la représentation permanente de la France auprès de l’UE, dans le cadre de la présidence du Conseil de l’UE en 2008.
J’étais alors chargé des relations avec le parlement européen. C’est à la suite de cette expérience que j’ai fait le choix de « faire carrière » au Quai d’Orsay, et j’ai alors rejoint la Direction de l’UE à Paris.
Après plusieurs années, j’ai souhaité diversifier mes compétences en rejoignant une autre région du monde et me frotter aux enjeux bilatéraux. Après trois ans à Doha comme conseiller politique … et référent sport auprès de l’ambassade de France au Qatar, j’ai souhaité me spécialiser davantage sur ces enjeux de sport et relations internationales. La mobilisation considérable du Qatar sur ces dossiers à l’approche de la coupe du monde de football et les perspectives d’accueil des grands événements sportifs internationaux en France m’ont donné le sentiment qu’il était pertinent d’investir du temps dans ce domaine stratégique.
C’est pour cette raison que j’ai fait le choix de partir vers l’extrême Orient, en tant que conseiller sport, attaché olympique et paralympique auprès de notre ambassade au Japon, dans la perspective non seulement des Jeux de Tokyo 2020, mais également de la Coupe du monde de Rugby 2019. Deux événements qu’il reviendrait à la France d’organiser ensuite, en 2023 et 2024. J’ai passé plus de trois années passionnantes (entre 2018 et 2021) au service du mouvement sportif français et du renforcement de la relation bilatérale franco-japonaise grâce au sport.
Evidemment, tout l’enjeu résidait dans la capacité à mettre à profit cette expertise à mon retour en France dans le cadre de la préparation de ces deux grands événements sportifs internationaux. C’est pour cette raison que j’ai rejoint l’équipe des relations internationales de Paris 2024, en tant que manager protocole en charge des programmes des dignitaires.
Un an après, le 18 janvier 2023, j’ai eu l’honneur d’être nommé ambassadeur pour le Sport et de succéder à Laurence Fischer. C’est ainsi que j’ai retrouvé le Quai d’Orsay dans mes fonctions actuelles.
Comment vous est venu l’intérêt pour les questions sportives ? En quoi consiste votre mission actuelle ?
Mon intérêt pour les questions sportives est venu progressivement. Comme je viens de le laisser entendre, mon expérience au Qatar m’a profondément marqué. J’ai eu l’occasion de fréquenter de très nombreuses délégations sportives françaises étrangères au Qatar, soit dans le cadre de grandes compétitions internationales (mondiaux de boxe, de para-athlétisme ou de cyclisme, tour du Qatar, étapes variées de coupe du monde) mais aussi dans le cadre de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux de 2024.
J’ai pris la mesure de ce qu’une ambassade pouvait apporter au mouvement sportif, au sens large du terme, qu’il s’agisse de l’appui aux athlètes sur place pour les aider à les mettre dans les meilleures conditions, valoriser leur performances et le travail de leur encadrement, mobiliser la communauté française autour du sport, nos établissements scolaires, sans oublier les enjeux d’influence, d’accompagnement de nos entreprises expertes dans le domaine du sport, et bien sûr le renforcement de nos liens bilatéraux grâce au sport.
Ma mission actuelle est encore plus diverse puisqu’elle s’articule d’abord autour de la mobilisation du MEAE dans le cadre des grands événements sportifs internationaux dont nous avons la charge. Sur le plan consulaire (mise en place d’un consulat olympique), protocolaire (accueil des chefs d’Etats et de gouvernement), ou encore de la communication (interactions avec les journalistes étrangers, le MEAE se mobilise intégralement pour accueillir le monde dans les meilleurs conditions.
Il y a ensuite la coordination et l’animation du réseau diplomatique autour du sport, pour continuer d’en faire un vecteur toujours plus fort de rapprochement avec de nombreux pays à travers le monde, qu’il s’agisse de coopérations institutionnelles ou de la constitution de partenariats de développement par le sport. Le MEAE met à disposition toute sa palette d’outils pour que le sport soit plus que jamais un axe fort de notre politique extérieur.
Nos ambassades, nos 170 référents sport répartis dans le réseau, nos opérateurs, sans oublier les Françaises et Français de l’étranger font preuve d’un véritable engouement pour accompagner cette dynamique.
Enfin, je veille avec mon équipe à ce que le sport puisse également être un vecteur d’influence et d’attractivité de la France à l’international, qu’il s’agisse d’accompagnement de nos entreprises expertes, en lien avec la filière sport, de la place de la France comme destination de tourisme sportif, de la place de la langue française ou encore de notre présence dans les institutions internationales.
En quoi consiste la « diplomatie sportive française » ? La France a t-elle une doctrine élaborée en la matière ?
Je dirais que c’est ce triptyque qui constitue la diplomatie sportive française.
Une volonté de rayonner à travers le monde grâce au savoir-faire de notre pays, notre audace, notre capacité à organiser les plus grands événements sportifs internationaux sans omettre notre ambition de créer de nouveaux marqueurs, plus responsables, plus sobres dans une logique de durabilité ; Accompagner un écosystème à l’international grâce à la force et à la mobilisation de nos ambassades et consulats généraux et de notre réseau sur les cinq continents, réseau que nous renforçons et diversifions chaque jour davantage grâce au sport ; Enfin préserver notre exigence de solidarité, notre volonté de rapprocher les peuples, tout ceci grâce au sport dont l’impact en matière de développement sociétal et économique a été clairement rappelé par le Président de la République, ouvrant la voie à de nouvelles formes de partenariats.
Il s’agit d’une stratégie complète, équilibrée, et qu’il conviendra évidemment de préserver et même renforcer à l’issue des Jeux.
Comment travaillez-vous avec P24, avec le COJOP ?
Bien entendu, ce que je viens de décrire se fait dans le cadre d’une action commune, concertée avec l’ensemble des parties prenantes. Le MEAE dispose du leadership naturel pour ce qui est de l’action de l’Etat à l’international mais il n’est pas pour autant le seul acteur. Aussi, le rôle de l’ambassadeur pour le Sport est d’être justement l‘interface du Quai d’Orsay pour le mouvement sportif français dans ses projets à l’international. Je pense raisonnablement que la plupart de nos interlocuteurs (fédérations, comités nationaux, membres de la société civile, athlètes, entreprises etc.) savent qu’ils peuvent compter sur nous pour les accompagner dans leurs projets.
Nous participons d’ailleurs activement à l’ensemble des groupes de travail visant à renforcer l’influence de notre pays dans le monde, à l’instar de la French Sport Touch, qui se réunit régulièrement autour de la ministre des Sports et des JOP. Ce comité rassemble des acteurs tels que le MSJOP, la délégation interministérielle aux grands événements sportifs, Business France, le groupement d’intérêt économique France Sport Expertise, ou encore le comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 afin de faciliter le partage d’information et mieux coordonner notre action.
S’agissant des Jeux, le MEAE participe activement aux enceintes de coordination liées à la « livraison » de l’événement, du Conseil d’administration du COJOP aux réunions de coordination convoquées par le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques.
Il faut enfin rappeler que depuis la phase de candidature, la coopération entre le MEAE et les équipes de la coopération internationale de Paris 2024 nous aurons permis de mettre en place de formidables projets, à commencer par le déploiement à l’international du label Terre de Jeux 2024. Un label qui concerne aujourd’hui plus de 140 ambassades françaises à travers le monde, soit plus de 80% de notre réseau diplomatique.
Vous qui voyagez en permanence, comment les autres nations nous perçoivent-elles vis-à-vis des pratiques sportives ? Faisons-nous partie des grandes nations du sport ?
Lors de mes déplacements à travers le monde, je suis frappé par l’enthousiasme que suscite la France lorsqu’il s’agit de sport ou de l’organisation de grands événements internationaux.
Pour ne prendre que l’exemple des Jeux olympiques et paralympiques, la dimension spectaculaire des Jeux de Paris 2024, une dimension qui figure au cœur de l’ADN du projet, marque profondément nos partenaires étrangers. La cérémonie d’ouverture des JO sur la Seine, l’équitation à Versailles, le cécifoot au pied de la Tour Eiffel, l’audace d’intégrer le Break comme discipline olympique sont autant d’exemples régulièrement cités par mes interlocuteurs lorsque je me déplace à l’étranger. Le tout avec un sentiment commun : l’envie de faire partie de ce moment historique.
Il y a en effet dans le contexte international tendu que nous traversons, une véritable envie de se retrouver autour de valeurs fortes, d’amitié, de respect, d’excellence. Et je pense que la France, que les Jeux de Paris peuvent apporter ce moment tant attendu, dès le 26 juillet prochain.
Bien qu’une bonne partie du monde olympique et paralympique se réunira à Paris cet été, je suis pleinement conscient que beaucoup ne pourront se rendre en France pour l’occasion. Je sais pouvoir compter sur notre réseau diplomatique pour faire vivre ce moment unique aux quatre coins du monde, et contribuer plus que jamais, à « ouvrir grand les Jeux ».
Monsieur l’Ambassadeur dit « thématique ». J’espère que depuis votre nomination dans ce placard, vous arrivez un trouver un sens à votre brillante et éminente carrière diplomatique qui n’a pas fini d’interpeller le contribuable que je suis.
La France dans sa générosité complice avec ses hauts fonctionnaires, sait les protéger dans des placards, quelques fois dorés, en les laissant ainsi respirer à toute fin utile…!
Monsieur l’Ambassadeur je vous souhaite longue vie, la France compte sur vous.