Tandis que la France passe au niveau le plus élevé du plan Vigipirate, « urgence attentat », à l’approche des fêtes de fin d’année et quelques jours après l’attaque terroriste ayant entraîné la mort de 5 personnes et causé onze blessés sur le marché de Noël de Strasbourg, l’heure est à la polémique parmi certains politiques.
Marine Le Pen et Laurent Wauquiez, suivis par Nicolas Dupont-Aignant et Valérie Pécresse, n’ont pas tardé à relancer le débat sur ce qu’adviennent les fichés S. puisque Chérif Chekatt 29 ans, auteur de la fusillade en faisait partie. Par ailleurs, il avait 27 mentions dans son casier judiciaire. Une perquisition a eu lieu le matin même du drame à son domicile mais il avait déjà pris la fuite. Certains voudraient interner les fichés S, les isoler ou encore les déchoir de leur nationalité.
Le fichage n’est pas nouveau puisque c’est en 1969 qu’est créé le FPR Fichier pour les personnes recherchés. Ce dernier possède des signalements sur environ 580 000 personnes et comporte 29 973 personnes dotées d’une fiche S selon un article paru dans Le Monde.
La lettre S renvoie à la sûreté de l’Etat. Le FPR comporte de nombreuses catégories de fiches parmi lesquelles : « IT » (interdiction du territoire) ;« R » (opposition à résidence en France) ; « TE » (opposition à l’entrée en France) ; « AL » (aliénés) ; « M » (mineurs fugueurs) ; « V » (évadés) ; « S » (sûreté de l’État) ; « J » et « PJ » (recherches de police judiciaire) ; « T » (débiteurs envers le Trésor).
La fiche S est un moyen d’investigation à faible coût humain et non un outil de suivi de la radicalisation. Seul le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste créée en 2015 assure cette fonction. Selon des chiffres issus du Monde, sur les 20 560 individus dans ce fichier, 9 762 font l’objet d’une fiche « active » affectée à un service de renseignement. Les deux tiers des personnes ayant une fiche « S » sont fichées pour radicalisation ou en raison de leurs relations.
La fiche S n’est qu’un outil utile dans la poursuite d’une enquête et ne figure à aucun endroit dans le Code Pénal. La détention d’une simple fiche S par les services de renseignement ne peut par conséquent entraîner une quelconque mis en examen ou poursuite judiciaire si aucun passage à l’acte ou éventuel délit n’est établi. Pourtant dans une tribune parue dans Libération, l’écrivain Thomas Dietrich affirme qu’elle empêcherait tacitement l’accès aux concours de la fonction publique, un poste dans l’administration et ralentirait aussi la délivrance de papiers d’identité. Il appelle à l’instar de la juriste Mireille Delmas-Marty, à ce que la puissance publique repense les motivations et critères qui permettent l’établissement de la fiche S, qu’une plus grande rigueur des services du renseignement évite des fichages abusifs et qu’il soit possible de la contester.