Ukraine : conflit armé imminent ou simple guerre médiatique ?

Kiev

Depuis quelques semaines, l’Ukraine et plus précisément sa frontière nord-est est au coeur de l’actualité internationale. Depuis 2014, la Russie et l’Ukraine sont en conflit pour le territoire du Donbass et de la Crimée. Les accords de Minsk de 2015, censés mettre fin à cette guerre sont restés lettre morte et le cessez-le-feu convenu , est quotidiennement violé. Toutefois, c’est la volonté ukrainienne de rejoindre de rejoindre l’OTAN qui a entrainé l’intensification des manoeuvres militaires russes à la frontière et propulsé sur la scène médiatique, un conflit oublié, et avec lui, le risque annoncé d’une guerre totale en Europe. 

L’équipe de l’ASFE a eu l’occasion de s’entretenir avec une Ukrainienne francophone qui vit et travaille à Kiev.

Quelle est la situation sur place en Ukraine ?

La situation dépend de la région. À l’Est, les gens sont habitués à vivre en temps de guerre. C’est pourquoi ils sont plus pragmatiques et moins paniqués. 

En Ukraine centrale et à Kiev, l’inquiétude et la panique sont plus fortes. En raison d’informations confuses dans les médias et du manque de communication claire de la part des autorités nationales, chacun choisit lui-même comment réagir. 

Certains ont préparé des kits d’urgence pour pouvoir quitter la ville à tout moment. D’autres se sont déjà relogés dans l’ouest de l’Ukraine. Certains ont quitté le pays pendant plusieurs semaines ou mois pour attendre et voir comment la situation évolue. D’autres ont commencé des cours préparatoires de défense du territoire. 

La majorité des gens vit de façon habituelle, mais avec plus d’inquiétude et de peur. La guerre psychologique est bien en action. 

Ce qui est important, c’est la réaction des entreprises – de nombreux hommes d’affaires renommés ont annoncé publiquement que leurs familles restaient à Kiev et que la meilleure arme contre la guerre était de continuer à vivre sa vie. Pour beaucoup, c’était plus rassurant que les déclarations des autorités nationales.

Pourriez-vous revenir sur les origines du conflit avec la Russie ? Pourquoi la situation s’est-elle dégradée ces derniers mois ?

Je pense que la Russie ne peut pas laisser l’Ukraine être un exemple de pays qui réussit, car cela ébranlerait le régime en Russie. 

Et ils ont choisi d’intensifier le conflit à un moment où l’Ukraine n’est pas aussi consolidée qu’avant. Le président ukrainien perd le soutien de la société.

Historiquement, la Russie a fait du chantage à l’Ukraine en hiver à cause du gaz. La situation mondiale avec les fossiles pourrait également être une raison pour la Russie d’aller de l’avant cet hiver. 

Personnellement, je ne pense pas que l’escalade ait quelque chose à voir avec la défense réelle de la Russie contre l’OTAN.

La France n’appelle pas ses ressortissants à quitter le pays mais elle déconseille les voyages vers l’Ukraine et les zones frontalières : vos conditions de vie ont-elles changé ? Avez-vous des consignes à respecter ? 

Kiev continue de mener une vie normale.

Les aéroports fonctionnent malgré les récentes nouvelles sur l’annulation des vols, les restaurants et les bars sont ouverts, les affaires continuent. Hormis le sentiment d’anxiété ressenti par la population, rien n’a changé.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a appelé à cesser les déclarations alarmistes de certains dirigeants : comment jugez-vous le traitement de l’information à l’international sur ce sujet ? 

Les dirigeants étrangers et les médias internationaux ont fait leur travail en alarmant le monde et en empêchant la guerre. Ils ont été efficaces, même s’ils ont parfois réagi de manière excessive. Bien sûr, ces déclarations n’ont pas réconforté le peuple ukrainien et ont fait monter le niveau d’anxiété dans la société. 

Le président Zelensky n’a pas été efficace dans sa ligne de communication. Il est resté silencieux lorsque les gens ont demandé à entendre ce qui était réellement fait pour se préparer à la guerre, quelle était la situation réelle près des frontières. Lorsqu’il a commencé à parler, il a essayé de calmer les gens avec les mots « ne paniquez pas, tout est sous contrôle » – ce n’était pas suffisant à ce stade. 

En résumé, les dirigeants étrangers ont fait leur travail et les dirigeants ukrainiens auraient dû faire leur travail de communication.

Estimez-vous qu’un conflit armé imminent est possible ou bien qu’il s’agit plus d’une guerre psychologique et médiatique entre la Russie, les Etats-Unis et l’OTAN ?

Je pense que la Russie pourrait déclencher un nouveau conflit armé contre l’Ukraine si les autres pays ne faisaient pas pression sur elle. Grâce à la réponse unie de l’Ouest, cela reste pour l’instant une guerre médiatique et psychologique uniquement.

Un commentaire

  1. Merci pour ces éclaircissements. Cela est vraiment utile de lire ce témoignage qui est l’analyse la plus objective et compréhensible que j’ai eu et attendais.
    La situation vécue en Israël permet d’appréhender, ainsi certaines régions ont une approche plus pragmatique, et ici aussi la pression des pays extérieurs permet de rééquilibrer.

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