La crise sanitaire que nous traversons a mis à rude épreuve les systèmes de santé de nombreux pays. Certains ont mieux tenu que d’autres. L’heure est maintenant au retour d’expérience. En France, le gouvernement s’apprête à lancer un « Ségur de la santé » – référence à l’avenue parisienne où siège le ministère -, comme il y eut, par le passé, les accords de Grenelle, après 1968, sur les conditions de travail. Ce plan viserait, selon Olivier Véran, à augmenter les rémunérations des personnels hospitaliers et à créer un cadre beaucoup plus souple du temps de travail.
Il est incontestable qu’une réforme doit être engagée car notre système de santé souffre de nombreuses plaies. Le coronavirus les a mises une nouvelle fois à vif. Tout le monde en convient – Martine Aubry elle-même -, l’introduction des 35 heures au tournant des années 2000 a beaucoup désorganisé les services. Mais au-delà, c’est tout une structure qu’il convient de rebâtir. La liste des travaux est connue. Il faut revaloriser les salaires, souvent trop modestes ; rendre l’hôpital plus attractif, pour un meilleur recrutement ; réajuster le nombre de lits, tâche à accorder en fonction du développement de la médecine ambulatoire ; débureaucratiser le secteur, souvent labyrinthique dans son fonctionnement ; améliorer les relations entre hôpitaux publics et cliniques privées ; harmoniser les missions hospitalières et celles de la médecine de ville… Bref, c’est un chantier de titan qui doit être ouvert.
La question des moyens mis sur la table pour le conduire sera, à n’en pas douter, un sujet de friction. Néanmoins, l’argent ne permet pas de tout résoudre. L’exemple du système allemand est, à cet égard, fort instructif. Face au coronavirus, il a opposé une belle résistance, supérieure à celle de la France. Le nombre de cas déclarés et le nombre de morts sont parmi les plus faibles du monde occidental. Les deux pays consacrent pourtant, à peu de choses près et proportionnellement à leur population, le même budget à la santé : d’après l’OCDE, 11,25% du PIB outre-Rhin contre 11,3% en France. La ressource étant comparable, c’est dans l’organisation qu’il faut rechercher les causes de la performance germanique.
Selon le député Jean-Louis Thiériot, qui connaît bien nos voisins, « la principale raison est la gestion du système de santé et de la carte hospitalière par les Länder. Le ministère fédéral est en charge des règles générales régissant l’assurance maladie et les grandes orientations de santé publique. Mais c’est au niveau local, du ministre-président du Land et de son ministre des affaires sociales que se prennent les décisions concrètes d’investissement et d’allocations des moyens. L’ouverture ou la fermeture d’un établissement hospitalier est directement du ressort de l’échelon de proximité. Le maillage territorial en tire grand avantage. » Ce circuit décisionnel court réduit le poids de la technostructure, ajoutait-il dans un entretien qu’il a accordé récemment au Figaro.
« En Allemagne, il n’y a que 24,3% des personnels hospitaliers à assumer des missions administratives, contre 35,2% en France. Sur une fonction publique hospitalière française, forte de 1,2 million d’agents, ces 9 points de différence représenterait 100000 soignants de plus ».La démonstration mérite attention. La France, jacobine par nature, n’a pas la même culture. Mais nombre d’élus, de toutes sensibilités, appellent aujourd’hui de leurs vœux un nouveau souffle décentralisateur. Sans doute celui-ci devrait-il aussi porter sur la réforme de notre système de santé…
L’équipe de l’ASFE