Et si on repensait vraiment notre système de retraite ?

Par Michel Lefrançois – Représentant ASFE au Portugal – Juin 2025

Face au vieillissement démographique, aux mutations du marché du travail et aux déséquilibres croissants d’un système de retraite trop dépendant des revenus du travail, la France se trouve à un tournant. Il est temps de repenser en profondeur le financement des retraites, avec une vision globale, transpartisane, et résolument européenne.

Un système à bout de souffle

Quelques chiffres en témoignent :

  • Le rapport actifs/retraités passera de 2,2 aujourd’hui à 1,7 en 2035 ;
  • Le besoin de financement supplémentaire est estimé à 20 milliards d’euros par an d’ici là ;
  • Plus de 85 % du financement actuel repose sur les prélèvements sur le travail, alors que plus de 60 % de la consommation française concerne des produits importés, non soumis à cotisations sociales.

Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en juin 2025, suggère un nouveau recul de l’âge de départ. Cette approche purement paramétrique a montré ses limites : elle nourrit les tensions sociales sans résoudre durablement les déséquilibres du système.

Repenser en profondeur : trois pistes concrètes

Citoyen concerné, je propose une voie alternative. Non pas une énième proposition, mais une refondation basée sur la justice sociale, la soutenabilité économique et l’inspiration européenne. Les propositions suivantes doivent être mises en œuvre de manière simultanée, dans le cadre d’un plan global, afin de garantir leur cohérence et leur efficacité.

1. Vers un système hybride de financement

Il faut compléter la taxation du travail par deux nouveaux piliers :

  • Une assiette élargie via une TVA sociale : en taxant modérément la consommation, notamment sur les produits importés (hors première nécessité), cette mesure permettrait :
    • de faire contribuer l’économie mondialisée au financement de notre protection sociale,
    • de baisser les cotisations sociales pesant sur les salaires (de 3 à 4 points),
    • de soutenir la compétitivité des entreprises et l’emploi.
  • Un fonds public de capitalisation : complémentaire au système par répartition, un tel fonds permettrait :
    • d’élargir les sources de financement,
    • d’assurer une meilleure résilience face aux crises démographiques ou économiques,
    • d’être moins dépendant d’un système économique dont les facteurs de croissance sont trop basés sur l’augmentation de la consommation immédiate.

2. Unifier les régimes et créer un système universel à points

La coexistence de plus de 40 régimes nuit à la lisibilité et à la justice du système. Il est urgent de construire :

  • Un régime unique pour tous les salariés (publics et privés), avec des règles de calcul harmonisées et des adaptations spécifiques pour certaines professions  (militaires, métiers pénibles, …)  et certaines situations ( Congé parental sans solde, aidants familiaux, handicap,…).
  • Un compte retraite universel à points, garant de transparence, de portabilité des droits entre secteurs et entre pays européens. Ce modèle est déjà en vigueur dans plusieurs pays européens, et certains syndicats y sont favorables.

Le cas des indépendants doit être traité avec la même logique d’équité : soit via un régime spécifique modernisé, soit par une intégration partielle et volontaire au système universel.

3. Adopter une ambition européenne

Les enjeux liés aux retraites – démographie, mobilité, soutenabilité – concernent toute l’Europe.
Des pays comme la Suède, la Finlande, les Pays-Bas ou l’Allemagne ont déjà :

  • instauré une TVA sociale,
  • mis en place des fonds publics de capitalisation,
  • unifié leurs régimes de retraite.

La France doit s’inspirer de ces exemples pour construire un système juste, lisible, et compatible avec l’intégration européenne.

Une vision à long terme, pas des ajustements de court terme

Une réforme réussie doit :

  • s’inscrire dans une vision à 10-15 ans ;
  • diversifier les sources de financement ;
  • garantir l’équité intergénérationnelle et entre les professions ;
  • s’ancrer dans une dynamique européenne.

C’est possible. D’autres pays l’ont fait. Il est temps que la France s’y engage pleinement.

Reste à savoir si les responsables politiques oseront sortir du rafistolage pour entrer dans une démarche de réforme courageuse, transparente et transpartisane, affranchie des réflexes idéologiques du passé devenus obsolètes.

Par Michel Lefrançois – Représentant ASFE au Portugal – Juin 2025

10 commentaires

  1. Ces propositions me semblent réalistes. Qu’est ce qui fait qu’il y a une crispation importante des qu’on aborde le sujet de la retraite en France?
    On a l’impression que personne ne souhaite un changement, peut-être qu’on voit ce sujet a trop court terme.

    1. Merci, effectivement on voit ce sujet profondément structurant dans une perspective court termiste et c’est un facteur de crispation car les réformes sont seulement paramétriques avec pour pour conséquences des reculs sociaux. La grande « grève Juppé de 1995 » est devenue un symbole de la résistance à toute réforme et un marqueur. L’Etat et les politiciens n’arrivent pas à sortir du cadre court termiste en imaginant de nouvelles sources de financement fondées sur d’autres bases que le coût du travail qui pénalise les entreprises, les salariés et freine la croissance économique. Je pense que tout le monde sait qu’un changement est nécessaire mais tout le monde se rend compte que des réformes visant à reculer l’âge de départ ou le niveau des pension sont vouées à être des impasses sociales. Pourtant, la CFDT, la CFTC, la CGC en autres sont d’accord pour une réforme mais une réforme qui s’incrive dans le long terme et dans un cadre de justice sociale. Et il faut agir car à horizon 2045, et malgré les effets de la réforme des retraites de 2023, la Cour des comptes prévoit un déficit de 30 milliards d’euros, ce déficit étant essentiellement concentré sur le régime général. L’élargissement de la base de financement à une tva sociale (avec des contreparties sociales) et une part de capitalisation sous forme de plan d’épargne retraire obligatoire sont des pistes à explorer. Il faut de l’ouverture d’esprit et du courage politique. Merci à vous.

  2. Va t’on enfin faire fi des réactions négatives de certains syndicats défendant une rhétorique d’une autre époque et nous inspirer des autres pays qui ont su passer le pas en supprimant ces multiples régimes coûteux et injustes. Que certains oublient les acquis et se plient à la règle générale. Arrêtons de nous plaindre et de dire que le système actuel ne fonctionne plus et quand quelqu’un propose de remettre tout en question, on veut le jeter aux lions.
    Regardons les choses en faces et acceptons les réformes inévitables.

    1. Cher Christian, certains syndicats sont conscients qu’il faut une réforme pas les moindres comme la CFDT, la CGC, Cftc,. Le front syndical n’est pas unis dans le refus d’une réforme. Mais l’Etat et les politiques doivent changer de vision et faire preuve d’imagination. Droite et gauche sont nuls à ce sujet. Ils ont une approche courtermiste et paramétrique qui fait peur aux gens. Mon article propose une autre façon de faire, plus globale er s’inscrivant dans le temps long. Mais il faut réfléchir et être courageux ! ce qui n’est pas le cas de nombreux politiciens qui ne font que de la com .. merci.

  3. Analyse juste et pertinente… mais, dans une société fragmentée, anxieuse voire enragée, comment trouver l »Egalité et la Fraternité pour « unifier les regimes de retraite » ?

    1. Merci, je suis d’accord avec vous, le corps social est passé de la méfiance au rejet systématique et à défiance. Je pense modestement qu’il faut totalement changer la stratégie gobale et le discours qu’eelle sous-tend en rassurant plutôt qu’en propageant la peur chez nos compatriotes. Les français ont besoin d’être rassurés autour d’une vision et d’un projet fondés sur la reconnaissance du mérite dans un cadre de justice sociale. Cest possible. Les fondamentaux de la France ne sont pas si mauvais et le pays est riche des compétences de ses habitants. Mais il faut une vision et un projet qui rassemblent en dépassant les limites imposéees par les idéologies du XIX et XX ème siècle. L’issue est donc à mon avis politique au sens noble du terme. Je vous remercie. ML.

  4. Bravo et merci, une proposition qui semble nous permettre de sortir de l’impasse.
    En espérant que cela puisse voir le jour, étant donné que les décisionnaires n’y ont aucun intérêt puisque le projet c’est la retraite par capitalisation privée pour alimenter les fonds de spéculation…

    1. Merci, c’est un vrai sujet. Une capitalation sous contrôle public est possible ou une combianson entre public et privé est envisageable. cela est à discuter.

  5. Personnellement je perçois une retraite complémentaire d’un fond de pension américain, pour lequel j’ai cotisé un peu plus de 5 ans à hauteur de 6% de mon salaire brut, augmente de 3% pour la participation entreprise US..(700$ mois)

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