Installé à Casablanca au Maroc et Lauréat du Trophée Éducation 2025, Pascal Jousse est professeur des écoles et maître-formateur d’enseignants. Passionné de théâtre, il est devenu scénariste pour la télévision marocaine avant de se lancer dans plusieurs projets vidéos à destination des élèves.
Pascal Jousse, vous vivez à Casablanca (Maroc) depuis 1997, où vous avez exercé comme professeur des écoles. Cette année, vous avez reçu le prix Éducation des Trophées des Français à l’étranger. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Instituteur de formation, puis professeur des écoles, je suis devenu formateur en 1997 et la même année j’ai obtenu mon poste à Casablanca. À partir de là, j’ai partagé mon temps entre l’enseignement en classe et la formation des professeurs français et marocains, notamment avec l’Institut français. J’ai pu, entre autres, encadrer des formations continues, organiser sept années durant un grand prix de littérature jeunesse et faire de la recherche-action autour de la lecture compréhension avec le professeur Alain Bentolila et l’Université Paris V, et la Sorbonne. J’ai continué ce travail deux années durant sur l’île de Mayotte avant de revenir au Maroc. Là, j’ai continué à former les enseignants en parallèle de la gestion de mes différentes classes jusqu’à ma retraite en 2014.
Passionné de théâtre, j’ai créé au Maroc la compagnie du 1er degré avec laquelle j’ai monté de nombreuses pièces pour le jeune public et quelques pièces pour adultes également en partenariat avec la FOL (Fédération des Œuvres Laïques) de Casablanca.
En 2006, j’ai eu l’opportunité de devenir scénariste pour la télévision marocaine après ma rencontre avec le célèbre humoriste Hassan el Fad. J’ai écrit plusieurs séries à succès diffusées pendant le mois de Ramadan. J’ai également écrit deux longs métrages dont le dernier « Take my Breath », qui a représenté la Tunisie aux Oscars 2025.
À partir de 2011, j’ai commencé à réaliser des courts métrages avec mes propres élèves puis, face à l’énorme succès rencontré, j’ai lancé ma chaîne Youtube avec une web série « Scènes de Classe ». À ce jour, la chaîne compte plus de 100 films et a dépassé les 120 millions de vues pour 238 000 abonnés.
Votre rencontre avec l’humoriste marocain Hassan El Fad en 2006 a marqué vos débuts dans l’écriture audiovisuelle. Qu’est ce qui a enrichi votre pratique pédagogique, et en quoi l’écriture scénaristique a-t-elle transformé votre manière d’enseigner ?
J’ai toujours travaillé avec mes classes en me basant sur la pédagogie du projet. Curieusement, ce n’est pas l’Éducation nationale qui m’a initié à cette manière d’enseigner. Je l’ai découverte lors d’un stage de formation pour être directeur de centre de vacances !
J’ai également été fortement influencé par la pédagogie Freinet et à la pédagogie coopérative initiée par l’OCCE (Office Central de la Coopération à l’école).
J’ai monté des projets autour du théâtre, de l’écriture de nouvelles, de voyages éducatifs un peu hors normes…
Ma rencontre avec Hassan el Fad a juste déclenché l’envie de monter des projets autour de l’écriture scénaristique et la réalisation de courts métrages avec mes élèves. Fondamentalement, ça n’a pas changé ma manière d’enseigner, cela m’a juste apporté de nouveaux horizons.
En 2011, vous avez lancé le projet “Brèves de Classe”, une série de sketches éducatifs réalisés avec des élèves, qui a connu un succès viral avec plus de 120 millions de vues. Quelles ont été les étapes de ce projet, et comment expliquez-vous l’engouement qu’il a suscité auprès d’un large public ?
J’ai commencé avec mes propres élèves de CM2 à l’école Molière à Casablanca pour ce qui n’était à la base qu’un projet pédagogique. Tout s’est emballé suite à la diffusion du court métrage « Scènes de Classe » qui a été récompensé dans le monde entier et vu plus de 15 millions de fois.
L’idée m’est alors venu de partager le concept sous forme de websérie avec d’autres classes au Maroc et en France, mais uniquement avec des collègues que je connaissais déjà. Le succès a été immédiat.
Pourquoi cette réussite ? Je pense que la toile ne propose que peu de programmes courts et drôles ciblant directement les enfants, encore moins des élèves et leur professeur en classe ! Du coup je rencontre peu de concurrence ! L’autre atout est que les parents sont rassurés de savoir que leurs enfants ont accès à un programme positif, sain et adapté à leur âge et à leur culture.

Vous avez mené des projets audiovisuels éducatifs non seulement au Maroc, mais aussi à Madagascar et en France, en collaborant avec des élèves et des enseignants locaux. Comment adaptez-vous vos méthodes pédagogiques aux différents contextes, et quels sont les défis rencontrés dans ces environnements variés ?
Ce sont plutôt les enseignants qui s’adaptent à mes méthodes pédagogiques ! Car je reste un formateur dans l’âme et j’initie de fait mes collègues à la pédagogie du projet via les films.
L’écriture scénaristique part toujours des élèves et je les aide à finaliser un scénario digne de ce nom.
Le tournage reste un moment de partage fort pendant lequel les enfants se rendent compte que la rigueur et la discipline sont indispensables à la réussite du projet, même quand il s’agit de faire rire le spectateur.
La récompense c’est de voir leur fierté quand ils découvrent, mis en images, des personnages qui leur ressemblent, des histoires drôles basées sur leur quotidien, qu’ils auront en plus contribué à écrire.

Avec une communauté de plus de 238 000 abonnés sur votre chaîne YouTube, vous avez su créer un espace d’échange et de partage autour de l’éducation et de la créativité. Comment les personnes intéressées peuvent-elles soutenir vos projets, et quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent initier des démarches similaires ?
Je suis ouvert personnellement à toute forme de partenariat, dans le monde entier, à condition que la démarche soit sincère.
Il ne faut pas hésiter à partager mes films, ils sont faits pour être vus.
Quant aux personnes qui voudraient se lancer dans une telle aventure, je dirais de faire très attention à ne jamais mettre un enfant en difficulté, de ne jamais obliger un élève à se mettre devant la caméra s’il n’en a pas envie.
Un tel projet doit avoir l’adhésion de toute l’équipe éducative, y compris des parents qui doivent bien évidemment donner leur autorisation.
