L’équipe de l’ASFE s’est entretenu avec Domitille Marchal Lemoine, directrice générale de Friends of Fondation de France, une ONG basée à New York. Son rôle consiste à renforcer le soutien à la Fondation de France, à accompagner les donateurs américains souhaitant effectuer des dons à des projets français ou européens. Avec son expérience en communication et sa connaissance approfondie du secteur non lucratif, elle a remporté le Trophée caritatif/humanitaire des Français de l’étranger remis par la la Caisse des Français de l’étranger (CFE).
Pourriez-vous vous présenter brièvement et nous donner quelques informations sur votre projet ?
Friends of Fondation de France a été créé en 2000 pour faciliter la philanthropie transatlantique, en permettant aux résidents américains d’effectuer des dons à des organisations d’intérêt général en France tout en bénéficiant d’une déduction fiscale.
Friends of Fondation de France est à la fois le représentant aux Etats-Unis de la Fondation de France, la plus grande organisation philanthropique de notre pays, et la porte d’entrée de nombreuses organisations françaises aux Etats-Unis, liées ou non à la Fondation de France en France. En agissant comme sponsor fiscal, nous permettons à plus de 150 projets français ou européens de lever des fonds auprès des contribuables américains.
Je suis Directrice Exécutive de Friends of Fondation de France depuis janvier 2022, et cela fera 10 ans cette année que je vis à New York.
Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre le secteur humanitaire ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
J’ai toujours été très inspirée par tous les actes de générosité que je pouvais voir autour de moi, les initiatives de ceux qui se lèvent pour protéger les plus fragiles, les efforts déployés pour protéger notre patrimoine ou l’environnement… Je suis ravie de contribuer à la mission de la Fondation de France dans le pays qui a inspiré sa création : elle est née de la volonté du général de Gaulle et de son ministre de la Culture, André Malraux, de créer un outil pour mobiliser la générosité privée au service de l’intérêt général. Un pays attire alors leur attention : les États-Unis, qui comptent à l’époque 15 000 fondations, contre 250 en France. Après avoir observé le modèle des community foundations qui, à la différence des associations, se mobilisent sur plusieurs causes à l’échelle d’un territoire ou d’une communauté, ils décident de créer la Fondation de France, officialisée par décret le 9 janvier 1969. Ce sont les premières bases de la construction d’une philanthropie « à la française », développée depuis plus de 50 ans. C’est-à-dire une philanthropie qui ne se limite pas à l’engagement de quelques grands mécènes, mais qui réunit des milliers de donateurs, fondateurs, bénévoles, acteurs de terrain, décidés à prendre leur part d’intérêt général. Ce modèle original et cette histoire font que la mission de Friends of Fondation de France va bien au-delà de la levée de fonds pour les programmes de la Fondation de France et s’inscrit dans la promotion globale de la philanthropie française.
Quels sont les principaux profils de donateurs ou de partenaires que vous cherchez à attirer ou à développer pour soutenir les initiatives de Friends of Fondation de France?
Notre portefeuille de projets étant extrêmement varié, nous avons des profils divers. Les projets que nous soutenons peuvent être financés par des donateurs individuels francophiles qui sont heureux de soutenir ainsi des causes culturelles, par exemple. Mais nous avons aussi de grandes fondations américaines qui donnent des subventions pour des projets de recherche médicale ou scientifique. Nous avons des lycéens américains qui organisent des fundraisers dans le cadre de leurs cours de français et qui nous reversent les fonds… Récemment, nous avons eu un très généreux donateur qui nous a mandatés pour effectuer un don de près d’un million de dollars à des organisations en France.
Nous cherchons à faciliter tous ces dons, et bien sûr à accroître le nombre de dons individuels. Nous avons des procédures très rigoureuses de sélection des projets, avec ainsi l’assurance pour le donateur que son don va à une cause fiable et sûre. La Fondation de France a une présence internationale croissante : outre l’appartenance au réseau européen TGE, elle a un bureau à Hong Kong, et bientôt des représentations au Royaume-Uni et au Canada. Ceci permet à nos bénéficiaires de s’inscrire dans un environnement mondial de la philanthropie, de faire connaître leurs projets et de lever des fonds au-delà des frontières françaises ou européennes. Nous essayons de les accompagner tout en leur permettant de bénéficier de notre expertise et de notre expérience locale. Nous sélectionnons les projets sur leur fiabilité et la sécurité de leur structure, et nous les soutenons ensuite pour leur permettre de valoriser leur action dans les régions où nous sommes implantés, chacune ayant des spécificités fortes en termes de législation fiscale mais aussi de dons, tradition philanthropique ou histoire avec notre pays…
Quels sont les types de projets qui suscitent le plus d’intérêt et qui attirent le plus de dons?
Le don résulte toujours d’une décision individuelle, et souvent même affective, il est donc difficile d’établir des généralités. J’observe une très grande variété de profils de donateurs et une très grande diversité de projets soutenus. Si vous souhaitez toutefois quelques données plus précises, les dons les plus importants reçus en 2024 l’ont été pour des projets de recherche médicale ou scientifique, ou pour des projets culturels. Les campagnes d’urgence que nous avons lancées à la suite des séismes en Turquie et Syrie, puis au Maroc, mais également pour venir en aide à la population ukrainienne, ont également reçu un très grand soutien aux Etats Unis, la réputation et la fiabilité de la Fondation de France pour gérer localement ces urgences incitant aux dons.
Les très grands mécènes américains ont une tradition de soutien à la France, qui remonte aux années 1920 avec les dons de la famille Rockefeller pour sauver le Château de Versailles et la Cathédrale de Reims notamment. Cette histoire ne s’est pas démentie récemment et les dons américains pour soutenir la reconstruction de Notre Dame de Paris ont encore une fois prouvé leur générosité. Les Français établis à l’étranger et payant l’IFI peuvent aussi transformer cet impôt en acte de générosité en choisissant la cause qui leur tient à cœur et en effectuant un don, déductible du montant de l’IFI.
Quelle est votre stratégie pour sensibiliser de nouveaux profils de donateurs ou de partenaires potentiels?
Nous cherchons à la fois à accroître le soutien des donateurs individuels et celui des grandes fondations.
Les donateurs individuels aux Etats-Unis sont extrêmement généreux : plus de 60% des ménages effectuent un don chaque année. Les montants des dons font parfois rêver les Français : 499 milliards de dollars en 2022, soit 55 fois ce qui est levé en France, alors que la population française représente seulement 1/5e de la population américaine. En raison des spécificités de la société américaine, ces dons restent néanmoins essentiellement locaux : on soutient son district scolaire, sa bibliothèque, son lieu de culte ou les banques alimentaires locales. 80% des dons sont affectés à moins de 5km du domicile. Le don à l’étranger est donc très rare et il faut se positionner correctement pour être en mesure de le susciter. Accroître la visibilité de nos projets est donc essentiel ! Si les grands mécènes francophiles des mégalopoles américaines connaissent la plupart de nos causes, ce n’est pas toujours le cas ailleurs. Il faut donc mener des campagnes de communication pour mettre en valeur les aspects originaux des programmes.
En ce qui concerne les fondations, qui sont la seconde source de financement des non-profits aux Etats Unis, il faut également avoir une stratégie pour nous faire connaître et prouver le sérieux et la fiabilité de nos projets, établir une relation de confiance qui permettra de construire une collaboration durable. Travailler en partenariat avec des fondations américaines sur certains projets permet d’avancer efficacement sur certaines causes qui ne sont pas nationales et ont tout à gagner d’un travail commun !
Nous avons la chance de bénéficier d’un soutien fort du réseau diplomatique français aux Etats Unis, ce qui nous aide beaucoup en termes de visibilité et accroît la confiance des donateurs américains.
Comment voyez vous le futur de l’ONG dans quelques années?
J’espère que Friends of Fondation de France sera perçu toujours davantage comme un acteur incontournable de la philanthropie aux Etats Unis, l’interlocuteur privilégié des donateurs américains pour effectuer un don transatlantique. Et que nous aurons pu faciliter ainsi le financement de centaines de projets en France ! Nous avons doublé le nombre de projets soutenus en 2 ans, je souhaite continuer sur cette lancée ! Soutenir une cause à l’étranger, c’est œuvrer pour le bien commun à l’échelle mondiale, en favorisant la collaboration entre les pays et en travaillant ensemble à trouver des solutions pérennes. J’aimerais que nous soyons un pilier de plus en plus solide de cette collaboration ! Nos bénéficiaires en France ont besoin de ces fonds pour financer leurs actions, et notre mission est de les accompagner efficacement en ce sens !
Avez-vous autre chose à ajouter que vous souhaiteriez transmettre aux lecteurs?
Je vous remercie de mettre ainsi en valeur la philanthropie, qui est essentielle depuis l’antiquité. S’intéresser aux projets, contribuer à les financer permet de faire avancer notre société. La Croix Rouge n’aurait pas existé sans l’idée, certainement perçue un peu folle à l’époque, d’Henry Dunant ! La philanthropie française s’est inscrite dans la tradition héritée des philosophes des Lumières, avec la volonté de faire avancer la société, la recherche scientifique et de participer au débat public. La France a toujours été à l’avant-garde des innovations philanthropiques, et a donné naissance à des organisations exceptionnelles comme la Fondation de France bien sûr, mais aussi Médecins Sans Frontières, Reporters sans Frontières etc. Nous devons en être fiers et je suis particulièrement honorée de représenter cette histoire aux Etats Unis.
Domitille Marchal-Lemoine – Directrice générale de Friends of Fondation de France