Grêle, tornade, pluies torrentielles, canicules, incendies… L’Italie, à l’image d’une partie de l’Europe, a été frappé par des intempéries d’une ampleur exceptionnelle ces derniers mois. Le centre météorologique italien a relevé « la vague de chaleur la plus intense de l’été mais aussi une des plus intenses de tous les temps ». Carole de Blesson, Conseillère des Français à l’étranger à Rome a accepté de s’entretenir avec nous.
Pouvez-vous nous retracer les différents phénomènes météorologiques qui ont frappé le pays cet été ?
La dernière vague d’intempéries sur la Péninsule rend l’été 2023 de plus en plus cauchemardesque, marquée par une moyenne de 32 événements extrêmes par jour, parmi lesquels des tempêtes de grêle, des tornades, des canicules et des tempêtes, des rafales de vent, en augmentation de +57% par rapport à la même période de l’année dernière causant de lourds dégâts dans les villes et les campagnes.
L’Italie a été comme coupée en deux avec des phénomènes d’inondation, d’averse de pluie et de grêle au nord et des chaleurs extrêmes et des incendies au sud. Voici quelques dates saillantes :
L’Emilie-Romagne et le Nord des Marches ont été touchés par des inondations torrentielles et des tempêtes de grêle à la fin du printemps. Forlì-Cesena, Ravenne, Bologne, Rimini et Pesaro-Urbino ont subi de lourdes pertes humaines : 16 personnes décédées et des milliards d’euros de dégâts. Cela a entraîné des glissements de terrain et plus de 35 000 personnes ont dû être déplacées. Près de Milan des inondations ont également eu lieu cet été ainsi que des tempêtes de grêle (des grêlons de 19 cm de diamètre ont été constatés).Une tornade a également été observé localement.
Concomitamment, une vague de canicule a parcouru le pays et l’Europe. Il a fait plus de 40 degrés sur le continent et dans les îles une grande partie de l’été, ce qui a déclenché des incendies ravageurs, réclamant l’intervention des secours des pays européens.
Quelle est la situation actuellement ?
À Bardonecchia au nord de l’Italie un éboulement important a eu lieu il y a quelques jours. Bien que spectaculaire, il n’a heureusement pas fait de victimes mais les lignes ferroviares entre la France et l’Italie sont interrompues.
La situation globale semble plus calme mais des vents violents et des épisodes orageux et venteux sont à craindre. Les températures sont encore très élevées, notamment à Rome et dans le sud du pays. Ce sont les manifestations évidentes du changement climatique en Italie, où le caractère exceptionnel des événements atmosphériques est désormais la norme, avec une tendance à la tropicalisation. Nous devons nous attendre à une fréquence plus élevée de phénomènes violents, saisonniers, courts et intenses.
Stefano Bonaccini, président de la région d’Émilie-Romagne, a comparé les conséquences des inondations dans sa région à celles « d’un tremblement de terre » : connaissons-nous l’ampleur des répercussions des phénomènes de cet été pour le pays ?
Les dégâts sont difficilement chiffrables. Après la chaleur extrême enregistrée en juillet, les dernières tempêtes alourdissent encore la facture des dommages causés à l’agriculture et aux infrastructures rurales, qui dépassera les 6 milliards de l’an dernier. L’année est noire pour l’agriculture italienne : en raison du changement climatique, cette année, la production de blé a été réduite de 10 %, la production de raisins de 14 % et celle de poires de 63 %, tandis que la récolte de miel a chuté de 70 % par rapport à l’année dernière, selon Coldiretti, le syndicat des agriculteurs italiens.
D’autres productions de fruits et légumes sont endommagées, brûlées par la chaleur torride. Les infrastructures sont aussi endommagées comme les aéroports de Palerme et de Catane, les routes et les ponts impraticables… la saison touristique a été très impactée tout comme l’activité globale du pays.
En l’espace de 3 jours au mois de juillet, 31 000 hectares de végétation sont partis en fumée.
Le gouvernement italien mené par Giorgia Meloni a demandé la révision des objectifs européens sur le climat et l’énergie : quelle est la politique écologique italienne ?
La politique écologique et environnementale italienne a pris du retard par rapport aux enjeux actuels pour l’Italie et revient même sur certains accords et engagements de l’Italie au niveau européen. Le gouvernement italien a préféré une politique environnementale dite « conservatrice ». Seuls les secteurs de l’énergie et de l’agriculture sont concernés par des mesures limitées pour la lutte contre le changement climatique. Le plan de relance (PNR) proposé mise plutôt sur un renforcement de la souveraineté énergétique du pays avec le redéploiement du nucléaire – arrêté il y a 30 ans en Italie -, le forage d’hydrocarbures en mer Adriatique ou le développement du gaz et des renouvelables. Les orientations politiques récentes ne permettent pas au gouvernement italien de dépenser les 1,3 milliards d’euros prévus précédemment par le Plan national de reprise et de résilience (PNRR) dédié à la lutte contre les inondations, les glissements de terrain ou l’érosion côtière, ainsi que les 15 milliards supplémentaires issus du PNRR modifié par le ministre italien des Affaires européennes, Raffaele Fitto.
Des mesures particulières ont-elles été prises suite aux phénomènes de cet été ?
Plusieurs fois, l’état d’urgence a été décrété dans différentes régions de l’Italie, ce qui a permis de renforcer les moyens d’interventions et de secours, notamment venant de nos voisins européens. Mais aussi de pouvoir espérer des dédommagements de la part de l’Etat italien ou des régions. Les indemnisations des assurances privées sont souvent limitées pour les phénomènes climatiques, ou hors budget pour la plupart des professionnels.
Ces derniers mois, le gouvernement a déjà augmenté le recrutement de professionnels aux opérations de secours et les budgets liés aux véhicules et aux avions de la protection civile italienne.
Un grand plan de prévention hydrogéologique est aussi prévu afin de sécuriser le territoire à court et moyen terme.
Enfin, une enveloppe d’aide d’urgence de 24 millions d’euros sera allouée aux entreprises de la région d’Émilie-Romagne, des Marches et de Toscane touchées par les inondations de ces dernières semaines. et la possibilité d’accéder à une caisse spéciale de licenciement pour les salariés du secteur du bâtiment et de l’agriculture est en discussion.