Meilleure handballeuse mondiale de l’année 2009 puis championne du monde en 2017, Allison Pineau est aussi conférencière auprès d’entreprises sur les thématiques de la gagne, l’esprit d’équipe, la résilience, le leadership. Ambassadrice AFM Téléthon, elle œuvre pour la promotion du sport féminin et l’accès au sport des jeunes femmes.
Vous avez vécu en Roumanie, en Macédoine du Nord, au Monténégro et vous êtes actuellement installée en Slovénie. Quel regard portez-vous sur la pratique du sport, au féminin, dans ces différents pays ?
La Roumanie est un pays qui adore le handball. La pratique sportive en générale y est plus élevée qu’en France. J’ai la sensation que là-bas, il est plus naturel pour les filles de faire du sport après l’adolescence et de faire perdurer sa pratique. Au Monténégro et en Macédoine, c’est plus complexe. Ce sont des pays beaucoup plus petits que la Roumanie et la France.
En Macédoine, il y a 10 ans de cela, c’était compliqué. Je n’avais pas la sensation qu’il y avait énormément de filles qui pratiquaient un sport. Certaines se rendaient à la salle de musculation mais on pouvait les compter sur les doigts d’une main. À la grande époque, il y avait bien un grand club de handball, mais je n’ai pas le sentiment qu’il y avait une vraie place pour que les filles s’expriment au travers du sport.
Au Monténégro, c’était similaire. Le pays a néanmoins réussi à se faire une place dans un sport très spécifique comme le handball. Je pense que c’est beaucoup plus difficile dans les autres sports.
Vous êtes engagée en faveur du rayonnement du sport au féminin et de l’accès au sport des jeunes filles. Depuis vos débuts en tant que sportive professionnelle, avez-vous pu observer des évolutions sur ce point ?
C’est important de noter qu’il y a de plus en plus de filles qui font du sport, qui y vont naturellement. On s’en rend compte notamment dans les sports collectifs. Le football féminin, par exemple, a pris une belle ampleur depuis quelques années. C’est pareil avec le handball, même si le covid a fait beaucoup de mal à cette discipline. On commence à voir les filles revenir et on espère que nos bons résultats les encouragent à croire qu’elles peuvent faire aussi bien que leurs aînés.
Ce sujet me tient à cœur car, souvent, les jeunes filles évoluent dans un contexte familial difficile. Le sport est pour elles un exutoire, il leur permet de sortir du cadre familial. C’est important pour les filles de faire du sport, de pouvoir s’exprimer, partager.
Le partage est une valeur essentielle dans notre société. C’est un combat que j’aime mener, en parlant avec des jeunes filles qui peut-être, à l’adolescence, abandonneront le sport pour se tourner complètement vers leurs études. Il a été démontré que c’est vers ces âges là que les filles abandonnent la pratique sportive. L’adolescence, c’est le moment où le corps se transforme. Cela peut être compliqué pour certaines jeunes filles pour des questions de pudeur. Ce sont des sujets tabous qu’on n’évoque pas assez je trouve. On devrait expliquer aux jeunes filles que tout cela est normal et qu’elles peuvent continuer à faire du sport. Ce n’est pas simple mais il faut les accompagner et les aider à briser ces barrières.
Vous intervenez également en tant que conférencière auprès d’entreprises sur les thématiques de la gagne, l’esprit d’équipe, la résilience, le leadership. Comment transposez-vous ces valeurs que vous incarnez dans le sport, au monde de l’entreprise ?
L’entreprise, c’est avant tout un groupe d’individus qui doivent fonctionner ensemble pour dégager le plus de productivité possible. Cela passe par du leadership de la part des employés, du président et du dirigeant de l’entreprise. Remettre l’humain au centre est quelque chose qui me parait fondamental.
Le leadership est un point d’ancrage important car on a toujours des leadeurs et des suiveurs dans une entreprise ou une équipe de sport. Il y a des personnes avec plus ou moins de caractère, il y a aussi des catalyseurs, des personnes intermédiaires. Il faut de tout pour faire une équipe. Chacun s’exprime différemment, c’est important de le comprendre. C’est cela le leadership : comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas et trouver des solutions pour faire fonctionner la machine et tirer le meilleur de chacun.
On passe tous par des échecs, qu’ils soient personnels ou professionnels. La résilience, c’est apprendre à faire preuve de courage et de persévérance. C’est aussi comprendre les raisons de l’échec pour pouvoir avancer et aller plus loin. On en a besoin dans le sport mais également dans notre vie de tous les jours.
J’ai personnellement remporté le plus gros défi que je m’étais fixée en devenant championne Olympique avec mon équipe, après avoir buté pendant des années sur le dernier carré. Il y a eu plusieurs déceptions avant d’atteindre cette médaille d’or. Si nous sommes parvenues à le faire, c’est parce qu’on s’est remis en question, on a compris ce qui n’avait pas fonctionné et on a mis en place un plan pour réussir 4 ans plus tard.
L’esprit de la gagne, c’est la volonté de gagner, de repousser ses limites, de se donner à fond pour ne rien regretter à la fin. Cette culture de la gagne est une transmission puisque personne n’est éternel dans une équipe. Il faut donc la transmettre de génération en génération. C’est d’autant plus fondamental de transmettre cet esprit que l’équilibre à trouver est extrêmement fragile.
Un seul titre manque à votre palmarès, celui de vainqueur de la Champions League. Dans quelles dispositions êtes-vous face à ce défi et comment vous y préparez-vous ?
Je cours après ce titre depuis tellement d’années ! J’ai appris à prendre du recul par rapport à cela, contrairement aux JO qui étaient une obsession. Obtenir ce titre n’est pas une obsession mais un désir fort. L’objectif n’est pas de pouvoir dire que j’ai tout gagné mais de me dire que j’aurais réussi à accomplir quelque chose en club, sur la scène européenne. C’est un défi difficile, qui me parait parfois inaccessible. Et puis à d’autres moments, la flamme revient et je me dis que tout est possible.
Le meilleur moyen pour moi d’y faire face c’est d’y aller étape par étape. On est qualifié pour les 8e de finale, on va prendre les matchs les uns après les autres. Je pense que c’est la meilleure manière de faire. Cela m’évite de trop me projeter et d’être trop déçue si jamais cela se passait mal. Mais je mets tout en œuvre pour que cela n’arrive pas. C’est probablement ma dernière chance de jouer dans cette ligue des champions, j’aimerais donc en finir de la plus belle des manières.
Comment voyez-vous votre avenir après les JO de Paris 2024 ?
Je le vois plutôt rayonnant ! J’ai beaucoup de projets en tête et je travaille déjà, depuis plusieurs années, sur mon après carrière de sportive. Je suis accompagnée en ce sens et bien entourée.
Je fais des études de finances à l’Edhec, avec la volonté d’obtenir mon diplôme et d’aller vers un MBA, soit à la Wharton School de Pennsylvanie soit à l’Insead. C’est un défi personnel que j’ai à cœur de mener à bien. Il ne me reste plus qu’à concrétiser tout cela. C’est la partie la plus difficile, mais je ne suis pas très inquiète. Je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin.
« Je courre après ce titre depuis tellement d’années ! »… et je cours ne vous plaît pas ?
Merci Huguette !!
C’est changé 😉