Un an et demi après sa prise de fonction, Pedro Castillo, président de gauche du Pérou a été démis de ses fonctions par le Congrès pour « incapacité morale ». Une mesure approuvée par 101 des 130 parlementaires, dont 80 se situent dans l’opposition. À la suite de cette annonce, l’ancien président a tout de suite été arrêté et placé en détention. Il est accusé de tentative de coup d’Etat, après avoir annoncé la dissolution du Parlement.
Depuis, c’est la vice-présidente Dina Boluarte, qui a été investie à la tête de l’Etat, ce qui ne semble pas apaiser les tensions au sein de la société péruvienne. L’ASFE s’est entretenue avec Pierre Berthier, Conseiller des Français du Pérou, sur ce sujet.
Pouvez-vous nous expliquer en détails ce qui s’est passé le mercredi 7 décembre au Pérou ?
Il existe au Pérou une grande opposition au nouveau gouvernement, en particulier dans les régions les plus rurales du pays où toutes sortes de rumeurs circulent au sujet de Pedro Castillo (certains avancent qu’il aurait été drogué lors de son discours annonçant la dissolution, qu’il aurait été manipulé ou qu’il n’était pas vraiment conscient lors de son discours).
Destitué par le Congrès alors qu’il n’aura exercé que dix-sept mois à la tête du Pérou, Pedro Castillo est le sixième chef d’État du pays à être démis en six ans par le Parlement. Comment expliquez-vous cette fragilité démocratique ?
Je crois que cette fragilité est liée à l’obligation qu’ont les Péruviens de voter, ce qui amène certains politiques à utiliser des méthodes de corruption pour obtenir leur vote. C’est malheureux à dire mais c’est la triste réalité.
La vice-présidente péruvienne Dina Boluarte a pris la place de son prédécesseur, promettant de « réorienter le destin de son pays ». Comment le peuple péruvien a-t-il réagi à cette nouvelle ?
Les Péruviens des territoires les plus reculés ne reconnaissent pas sa légitimité. Pour manifester leur colère, ces populations vont jusqu’à brûler et détruire certaines infrastructures, y compris des commerces. Les manifestants bloquent également la plupart des grandes routes du pays.
Il ne sera resté qu’un an et demi à la tête de l’Etat. Que retiendrez-vous du mandat de Pedro Castillo ?
Le mandat a été émaillé de plusieurs suspicions de corruption au plus haut sommet de l’état. Bien heureusement les nominations de personnes jugées largement incompétentes n’eurent que des conséquences limitées sur la conjoncture économique du pays tant l’économie péruvienne s’est révélée auto-entretenue.
Deux personnes sont mortes et au moins cinq autres ont été blessées, dimanche 11 décembre, lors de manifestations contre la nouvelle présidente du pays Dina Boluarte et contre l’arrestation de l’ancien président Pedro Castillo. Ce regain de tensions au Pérou et cette crise politique qui frappe le pays affectent-ils directement ou indirectement le quotidien des Français établis ici ?
Oui, plusieurs Français sont bloqués dans certaines villes. En tant que chef d’îlot de sécurité je tiendrai une réunion d’urgence pour les cellules de Lima. L’ambassade a recommandé d’éviter tout voyage non nécessaire. Les aéroports de Cusco et Arequipa ont été bloqués par des manifestants qui réclament la démission de la nouvelle présidente. Les aéroports sont aujourd’hui de nouveau sous le contrôle des forces de l’ordre.
Comment envisagez-vous la suite des événements avec Dina Boluarte à la tête du pays ? Etes-vous optimiste pour la suite ?
La tenue d’une nouvelle élection paraît indispensable pour retrouver le calme. Dina Boluarte n’a pas d’autre choix que d’organiser une élection anticipée. La nouvelle présidente n’a aujourd’hui aucune légitimité dans la mesure où l’électorat de Pedro Castillo ne reconnaît pas son mandat.
Avez-vous autre chose à ajouter ?
Les Péruviens ne sont normalement jamais violents. Je suspecte que toutes ces manifestations soient fomentées par des puissances ayant intérêt à déstabiliser le fragile pouvoir en place.