Les mesures de protection : un instrument important dans la lutte contre les violences conjugales dans le monde

L’ordonnance de protection permet d’assurer dans l’urgence la protection de victimes de violences conjugales. L’ASFE fait le point sur le dispositif français de l’ordonnance de protection et vous explique quel type de mesures de protection existent à l’étranger.

L’ordonnance de protection

Le dispositif de l’ordonnance de protection a été instauré par la loi n°2010-769 de 2010 et renforcé progressivement en 2019 et 2020. Il s’agit d’un mécanisme créé pour permettre à toute personne victime de violences au sein d’un couple actuel ou ancien, mariée, pacsée ou en vie maritale, d’obtenir, dans les meilleurs délais, des mesures visant à éviter la réitération des violences.

Une ordonnance de protection peut aussi être accordée lorsqu’une personne majeure est menacée de mariage forcé.

La requête pour la délivrance d’une ordonnance de protection doit être introduite auprès du juge aux affaires familiales (JAF).

Quelle est la procédure ?

La victime et le procureur de la République qui aura recueilli l’accord de la victime peuvent saisir le juge aux affaires familiales. La saisine du JAF se fait par requête, remise ou adressée au greffe.

La procédure est à caractère urgent : l’ordonnance de protection est délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience.

Lors de l’audience les parties peuvent être entendues ensemble ou séparément (à la demande de l’une d’entre elles). Il n’est pas nécessaire de se faire assister par un avocat pendant la procédure. Il est possible de faire appel de l’ordonnance de protection dans un délai de 15 jours (l’ordonnance est alors exécutoire à titre provisoire).

Les conditions pour obtenir une ordonnance de protection

La vraisemblance des violences et d’un danger actuel et concret

Le juge aux affaires familiales délivre l’ordonnance s’il considère comme vraisemblable les faits de violence allégués et le danger auquel la partie demanderesse ou ses enfants sont exposés.

Il est à noter qu’il appartient à la victime d’apporter la preuve des violences et de « l’urgence ». Plusieurs pièces peuvent accompagner la requête pour démontrer la vraisemblance des faits allégués.

Par exemple :

  • plaintes,
  • main-courantes,
  • procès-verbaux de renseignements judiciaires,
  • témoignages de proches ou de témoins,
  • certificats médicaux,
  • messages électroniques ou vocaux,
  • photographies des blessures, etc.

Un dépôt de plainte préalable n’est pas obligatoire pour obtenir une ordonnance de protection.

Le type de violence

Différents types de violence peuvent être visée par une ordonnance de protection, comme :

  • Les violences physiques (coups et blessures)
  • Les violences psychologiques (harcèlement moral, insultes, menaces)
  • Les violences sexuelles (viol, attouchements)
  • Les violences économiques (privation de ressources financières et maintien dans la dépendance).

Quelles mesures peuvent être prises dans une ordonnance de protection ?

Le juge peut rendre une ordonnance de protection pour une durée maximale de 6 mois (une prolongation est possible dans certains cas).

Différentes mesures peuvent être prises par le JAF dans une ordonnance de protection, notamment :

  • Autoriser la victime à dissimuler son adresse (domicile ou résidence) : élire domicile chez son avocat ou chez une personne morale qualifiée tel qu’une association de lutte contre les violences conjugales.
  • Interdire à l’auteur des violences de rentrer en contact, de quelque façon que ce soit, avec certaines personnes désignées.
  • Interdire à l’auteur des violences de se rendre dans des lieux dans lesquels se trouve de façon habituelle la victime.
  • Interdire à l’auteur des violences de se rapprocher de la victime d’une certaine distance assortie de l’obligation de porter un bracelet anti-rapprochement.
  • Statuer sur l’exercice de l’autorité parentale.
  • Statuer sur la résidence séparée des deux conjoints en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement commun.
  • Statuer sur les obligations financières.

Si l’auteur des violences ne respecte pas les interdictions prévues par l’ordonnance de protection, il risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Le juge aux affaires familiales territorialement compétent

Les règles de compétence territoriale du JAF sont déterminées par l’article 1070 du code civil.

Le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :

  • Le juge du lieu de la résidence habituelle de famille,
  • Le juge du lieu de la résidence habituelle de l’enfant (ou du parent qui exerce l’autorité parentale)
  • Dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris l’initiative de la procédure.

L’ordonnance de protection et les Français de l’étranger

Les Français de l’étranger victime de violences intra-familiales peuvent bénéficier du dispositif de l’ordonnance de protection, sous certaines conditions et dans des modalités qui diffèrent selon leur lieu de résidence.

Un JAF français pourra se prononcer sur la délivrance d’une ordonnance de protection uniquement s’il est compétent sur l’affaire en question. Différents critères sont pris en considération pour déterminer la compétence d’un juge à connaitre d’un « litige » qui présente des éléments « d’extranéité » (par exemple dans le cas d’un couple français ou mixte résidant à l’étranger). Il s’agit de règles de droit international privé, qui varient selon le cas d’espèce.

Les éléments les plus souvent retenus pour fonder la compétence du juge français sont la nationalité française du requérant et les critères énoncés par l’article 1070 du code civil susvisé.

Le droit européen et certaines conventions internationales (bilatérales et multilatérales) facilitent la délivrance et la reconnaissance de mesures de protection pour les victimes de violences conjugales qui résident ou se trouvent à l’étranger.

La reconnaissance mutuelle des décisions de protection dans l’UE

Afin d’offrir une protection uniforme aux victimes de violences conjugales et harcèlement au sein de l’UE, le législateur européen a mis en place un mécanisme de reconnaissance mutuelle des mesures de protection délivrées pas les juridictions d’un état membre.

  • La Directive 2011/99/UE relative à la décision de protection européenne crée un mécanisme permettant la reconnaissance, entre les États membres, des décisions de protection rendues à titre de mesure de droit pénal.

Une procédure simplifiée et accélérée est mise en place pour l’adoption d’une nouvelle mesure de protection dans l’État membre dans lequel la victime se rendra ou s’établira.

  • Le Règlement (UE) n° 606/2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile, établit un mécanisme permettant la reconnaissance directe, entre les États membres, des décisions de protection rendues à titre de mesure de droit civil.

Dés lors, une victime bénéficiaire d’une décision de protection de droit civil rendue dans l’État membre où elle réside, peut l’invoquer directement dans un autre État membre. Il faut, au préalable, obtenir un certificat de la juridiction qui a délivré la mesure. Ce document sera ensuite transmis aux autorités de l’autre État membre compétentes pour connaitre de la situation.

L’ordonnance de protection délivré par le JAF français est un dispositif de protection de droit civil et rentre donc dans le champ d’application de ce règlement. Un exemple du formulaire pour demander le certificat nécessaire à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile se trouve à l’Annexe I du Règlement en question.

La Convention d’Istanbul et la lutte contre les violences conjugales

La convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est un traité international du Conseil de l’Europe, adopté le 7 avril 2011. Il établit un cadre juridique contraignant au niveau pan-européen visant à amener les États partie à prendre des mesures pour la prévention des violences sur le genre, à protéger les victimes et à sanctionner les auteurs.

L’article 52 de la Convention établit l’obligation aux États parties de garantir la protection des victimes de violences domestiques, notamment en contraignant l’auteur, sur la base d’une ordonnance d’urgence d’interdiction, à quitter et à rester éloigné du domicile de la victime ou de la personne en danger et à ne pas entrer en contact avec elle.

Les Françaises victimes de violences conjugales qui résident dans l’un des Etats signataires de la Convention (liste complète ici), peuvent donc prétendre à la délivrance d’une mesure de protection similaire à l’ordonnance de protection en France. Le juge compétent pour l’octroi de cette mesure est le juge du pays de résidence de la personne victime.

Les mesures de protection à l’international

La question de l’établissement de régimes d’ordonnances civiles de protection des victimes de violences domestiques suscite une forte attention à l’échelle internationale. À l’heure actuelle il n’existe pas de mécanisme multilatéral international garantissant la reconnaissance des mesures de protection à grande échelle.   

Toutefois, plusieurs pays disposent d’un cadre juridique national pour la protection des victimes de violences conjugales, à différents degrés.

Il est à noter que la France est partie à différentes conventions bilatérales et multilatérales définissant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice civile. Selon le cas d’espèce les Français de l’étranger peuvent y avoir recours.

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