Liz Truss vient d’être désignée Première ministre, succédant ainsi à Boris Johnson. Lors d’un vote interne au Parti conservateur, elle l’a emporté sur Rishi Sunak, ancien ministre des finances. Âgée de 47 ans, Liz Truss est la troisième femme à diriger le gouvernement britannique après Margaret Thatcher et Theresa May.
Marie-Claire Sparrow, Barrister et Conseillère des Français de l’étranger à Londres s’est entretenue avec l’équipe de l’ASFE, quelques jours après l’investiture officielle de la nouvelle Première ministre pour nous donner le ressenti des Français du Royaume-Uni sur ce changement à la tête du 10 Downing Street.
La nouvelle Première ministre, Liz Truss, arrive au pouvoir dans un moment particulièrement difficile pour le Royaume-Uni, en proie à une crise économique, sociale, énergétique et politique. Comment est-elle perçue ? Quelles sont les craintes et les espoirs liés à son élection ?
Je dois dire que nous avons beaucoup plus de craintes que d’espoirs pour plusieurs raisons. Tout d’abord l’élection de Liz Truss a surpris car elle n’était pas la favorite au départ. Elle est notre troisième Première ministre élue en période de grande crise tout comme Margaret Thatcher et Theresa May.
Le Royaume-Uni traverse une crise économique causée par la Covid, le Brexit et la guerre en Ukraine à laquelle il faut aussi ajouter les coûts de l’enterrement de la reine Elizabeth II et ceux de son jubilé.
Il s’agit d’un moment très dur. Le Royaume-Uni pleure sa reine et se concentre sur ses funérailles mais nous craignons que les mois à venir soient compliqués économiquement et politiquement.
Interrogée en août dernier lors d’une conférence de presse pour savoir si la France était un pays « ami ou ennemi », Liz Truss s’est montrée ambiguë. Quel sera, à votre avis, l’attitude de la nouvelle Première ministre envers la France ?
On pourrait utiliser exactement la même expression pour parler de notre nouvelle Première ministre : nous ne savons pas si l’Angleterre de Liz Truss sera une amie ou ennemie de la France. Pour reprendre la phrase de la Première ministre : « the jury is out » i.e. « le jury n’a pas encore délibéré ». Au Royaume-Uni, on se sert de ce terme pour marquer l’indécision. Il faut savoir qu’en droit anglais contrairement au droit français, le jury comprend 12 membres, qui délibèrent, sans le juge, pour l’acquittement ou la condamnation d’un accusé. Le juge intervient plus tard pour définir la peine : tout le monde attend les prochaines étapes à venir.
Le Brexit a eu des conséquences profondes sur la vie des Français du Royaume-Uni. Comment pensez-vous que la nouvelle Première ministre va gérer les relations avec l’Union européenne ?
Les Français du Royaume-Uni sont, en grand majorité, en faveur du « Remain ». Nous avons vécu le Brexit comme un deuil : le Royaume-Uni ne sera plus jamais pareil.
Sur ce point, je tiens à remercier notre Consulat et l’Ambassade de France au Royaume-Uni pour le miracle qu’ils ont accompli : informer les Français et mettre à jour tous les documents requis pour obtenir le « settled statuts » qui est devenu nécessaire pour rester au Royaume-Uni, sans compter la charge de travail liée au nombre important de demandes de nationalisation française.
Il est encourageant de savoir que les ressortissants français sont, selon les derniers chiffres, parmi les citoyens européens qui ont reçu le plus grand nombre de permis de résidence au Royaume-Uni, suivis des Allemands et des Italiens.
Selon vous, comment la nouvelle Première ministre va-t-elle gérer les dossiers avec l’UE?
Il est difficile d’anticiper les prochaines décisions concernant les relations avec l’Union européenne. Il ne faut pas oublier que Liz Truss avait fait campagne pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE en 2016 avant de changer d’avis et devenir eurosceptique.
Évidemment l’actualité anglaise est en ce moment tournée vers la famille royale.
Pour le moment ce que l’on sait est que la nouvelle Première ministre a nommé un gouvernement de fidèles et qu’elle a fait de la crise financière l’une des priorités de son mandat. Elle propose notamment de bloquer la facture sur l’énergie des ménages à 2500 livres en moyenne sur un an. L’engagement du Royaume-Uni pour soutenir l’Ukraine dans le conflit avec la Russie reste inchangé.
Je voudrais rappeler qu’il existe une véritable différence d’approche et de méthode de travail entre les dirigeants anglais et européens. L’esprit empirique des premiers se heurte à la logique cartésienne des européens ! Il y a des fortes chances pour que Liz Truss gère les dossiers post-Brexit au cas par cas, selon les sujets et l’urgence, sans une réelle vue d’ensemble.