Un sujet enflamme la presse américaine depuis maintenant quelques semaines : la Cour suprême préparerait une décision sur la fin du droit constitutionnel à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). L’application éventuelle de cette décision remettant en cause le droit à l’avortement renverrait les États-Unis cinquante ans en arrière. Chaque État serait alors libre d’autoriser ou non l’IVG. L’équipe de l’ASFE s’est entretenue avec Penda Ndeye, Conseillère des Français de l’étranger ASFE pour la circonscription d’Atlanta, sur ce sujet.
Le 22 janvier 1973, la promulgation de l’arrêt Roe v. Wade accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays. Un droit que la plus haute juridiction du pays s’apprête à modifier. Pourquoi ?
C’est extrêmement grave. Il s’agit de la suppression d’un droit fondamental pour les femmes. Je pense qu’ils se rendent compte à quel point les femmes deviennent puissantes dans ce monde et ils veulent que « l’on reste à notre place ». Quand je dis ILS, je parle de ces hommes de plus de 60 ans qui sont au pouvoir et qui essaient de dicter de manière très politique le choix d’une femme. Un homme ne peut pas avoir d’enfant, donc une femme est la seule personne au monde qui peut en avoir un et, ironiquement, les hommes au pouvoir décident pour elles puisqu’ils sont majoritaires. C’est leur façon de supprimer la transgression des femmes et de les frapper au plus profond de leur cœur. Ces décideurs politiques les empêchent de prendre une décision sur leur propre corps.
Contrairement à d’autres pays démocratiques occidentalisés, les Etats-Unis n’ont jamais vu disparaître l’opposition à l’avortement après sa légalisation. A l’image du Texas qui a adopté l’année dernière une loi l’interdisant au-delà de 6 semaines de grossesse ou de l’Oklahoma qui vient de l’imiter. Comment expliquez-vous cela ?
Cette volonté de supprimer ce droit provient d’une frange minoritaire traditionnaliste de la population américaine. La Cour suprême, influencée et bercée par des idées conservatrices, est sur le point de commettre une véritable erreur : donner à chaque État le pouvoir de prendre sa propre décision sur l’avortement. Ainsi, le Texas, l’Oklahoma, l’Alabama et la Géorgie commencent à exposer le véritable pouvoir conservateur qui gouverne les États-Unis… J’ai très peur que ce ne soit que le début et que davantage d’États du Sud suivent l’exemple de ces grands États conservateurs comme le Texas.
De plus en plus d’entreprises américaines prennent actuellement position sur le droit à l’avortement. Pensez-vous que cela puisse influencer les décideurs politiques ?
Nous rentrons dans une ère où nous voyons que certaines grandes sociétés (comme celles du GAFAM) possèdent un PIB plus important que certains pays. Je pense sincèrement que si les entreprises continuent de parler, elles peuvent changer les choses. Le gouvernement a un œil attentif sur les compagnies qui ont déjà adopté le mouvement et les valeurs de tout droit des femmes. Plus les entreprises, de petites ou grandes tailles, peuvent prendre position sur cette question, plus elles peuvent influencer les décisions finales des politiques publiques concernant le droit des femmes et notamment celui de l’avortement.
La remise en question du droit à l’avortement par la Cour suprême a-t-elle provoqué des vagues de contestations populaires dans tout le pays ?
Il y a eu des protestations des deux côtés : ceux qui croient au droit indéfectible des femmes et ceux qui le contestent. Il y a des problèmes plus profonds auxquels les femmes seront confrontées si la Cour suprême décide d’annuler Roe Vs Wade, comme la généralisation de l’égalité salariale, et bien d’autres droits acquis depuis des décennies. Quelle sera la limite après cela ? Quels sont les autres droits pour lesquels les femmes se sont battues que la Cour suprême ou les représentants de ces États conservateurs vont chercher à renverser ? Vont-ils ensuite s’attaquer au mariage homosexuel ? Resteront-ils inactifs et apathiques face à l’émergence de la condition féminine ? Ce sont des moments très effrayants pour l’histoire américaine.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Ce qui fait la grandeur de l’Amérique, c’est la capacité des citoyens à exprimer leurs opinions librement sur des questions comme celle-ci. Après ce combat contre cet anachronisme législatif, la voix des femmes ne sera que plus forte.
Il faut bien comprendre que contrairement à ce que certains medias rapportent, seul le droit fédéral est mis en cause et non pas les droits dans chaque état, sauf, si bien sûr un état décide de le remettre en cause.
Personnellement je suis contre l’implication des entreprises, surtout les GAFA dans la politique. Voir la catastrophe du wokisme.