A l’aune des élections présidentielles du 18 avril 2019 en Algérie, les manifestations se multiplient contre un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Si l’Algérie a été peu concernée par les Printemps arabes, serait-on à l’aube d’une relance des mouvements citoyens dans le Maghreb ?
Un enjeu important pour les binationaux
L’enjeu des élections algériennes a de fortes répercussions en France, de par l’histoire commune et les liens économiques et culturels, mais aussi le nombre de citoyens binationaux. En effet, on estime à près de 815 000 le nombre d’électeurs algériens inscrits en France (de nationalité algérienne ou binationaux franco-algériens) tandis que de nombreux franco-algériens habitent en Algérie (41 212 Français inscrits dans les trois consulats répartis à Alger, Annaba et Oran, mais de fait le nombre de binationaux habitant dans le pays serait supérieur).
Manifestations en Algérie et en France
L’ampleur des manifestations en Algérie est inédite, des centaines de milliers de manifestants ayant exprimé leur hostilité à une nouvelle candidature de Bouteflika à la tête de l’état. Ces manifestations se sont déroulées globalement pacifiquement, très peu de heurts sont à signaler.
En France, la diaspora algérienne et les sympathisants se sont également mobilisés. A Paris, place de la République, la manifestation a réuni plus de 6000 personnes, tandis que 1500 manifestants se sont rassemblés à Marseille. Les slogans scandés par la foule sont particulièrement virulents : « Bouteflika dégage, dégage » « Pouvoir assassin », « Ça suffit, on veut un nouveau président », « Voleurs ! Vous avez pillé le pays ! » ou encore « non à la gérontocratie ».
Bouteflika : un président très affaibli mais favori face à la faiblesse de l’opposition
Ces manifestations d’une envergure inattendue créent une situation délicate pour le régime. Le président élu a présenté sa candidature avant la date limite de dépôt, le 3 mars, par le biais de son directeur de campagne, Abdelghani Zaalane, tandis que les manifestations se poursuivent tous les jours, notamment dans les universités.
Bouteflika a toutefois fait des concessions aux manifestants : il s’est engagé, s’il était élu le 18 avril, à ne pas aller au bout de son mandat et à se retirer à l’issue d’une présidentielle anticipée, fixée après une conférence nationale. Le chef d’état algérien, en fonction depuis près de 20 ans est très affaibli depuis son accident vasculaire cérébral de 2013. Lors de l’élection présidentielle de 2014, remportée par plus de 80% de voix dès le premier tour, Abdelaziz Bouteflika ne participe à aucun meeting électoral et vote en fauteuil roulant. Toujours hospitalisé en Suisse et qualifié de « président fantôme », le chef de l’état reste le grand favori du scrutin d’avril, face à une opposition divisée et sans figure majeure.