Tout le monde pense au « jour d’après »

Mercredi 15 janvier 2025, après plus d’un an de blocage diplomatique, un cessez-le-feu a enfin été conclu entre Israël et le Hamas. Cet accord, longtemps espéré, a enfin vu le jour après de longues négociations indirectes survenues à Doha (Qatar). Ces dernières se sont accélérées à l’approche du départ de la Maison Blanche de Joe Biden, qui vient d’être remplacé lundi par Donald Trump. L’équipe de l’ASFE s’est entretenue avec son représentant à Tel Aviv, M. Johan Habib, pour en savoir davantage sur le cessez-le-feu.

Les négociations à Doha ont débouché, mercredi 15 janvier dernier, sur l’officialisation d’un accord prévoyant un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et la libération d’otages, après plus de quinze mois de guerre entre Israël et le Hamas provoquant la mort de milliers de morts. Quelle est la situation actuelle en Israël ? Quelle fut la réaction de la communauté israélienne ?

En Israël, le peuple entier a retenu son souffle lorsqu’on a vu les images en direct des trois filles otages  sortir de l’enfer du Hamas. Je peux dire qu’à ce moment le pays entier s’est arrêté littéralement et la douleur des mois passés a commencé à peine à s’apaiser. Mais cette libération au compte goutte est un supplice national. Il y a un très large consensus pour reconnaître que la libération des otages est une priorité absolue. La question de savoir à quel prix est en revanche soumise à débat entre ceux qui estiment qu’elle doit se faire à tout prix et une fraction minoritaire de la population estimant que libérer des prisonniers, condamnés à perpétuité pour des crimes terroristes, servira à la création de « bombes à retardement ». Les Israéliens ne sont pas dupes. Ils savent que tant que le Hamas contrôlera la bande de Gaza, la menace perdurera, et la question n’est pas de savoir s’ils retenteront un « 7 octobre » mais quand seront-ils en mesure de le faire.

Cette nouvelle a été saluée par la communauté internationale. Un cessez-le-feu est-il synonyme de commencement d’une paix durable dans cette région ? A l’inverse, pensez-vous que cette trêve reste extrêmement fragile et que tout peut basculer à tout moment ?

Le problème est qu’il n’y a que méfiance face à une population gazaouie qui a presque lynché les 3 otages sortant des griffes du Hamas en rentrant dans les véhicules de la Croix Rouge. N’oublions pas que deux des trois filles comme tant d’autres étaient séquestrées par des familles.

Cette trêve est très fragile parce que le Hamas joue à fond la guerre psychologique en ne délivrant que tardivement les noms des otages libérables, en retardant leur remise, ou les humiliant devant les caméras. On s’attend encore à de nombreuses provocations avant la fin de cette phase pour pousser Israël à la faute. Par ailleurs, paradoxalement, l’organisation terroriste s’est enrichie considérablement (1 milliard de dollars) par la contrebande de l’aide humanitaire à la population donc a plutôt intérêt à un statu quo.

Enfin, il est d’avis général que tant que l’Iran jouera ce rôle néfaste de protecteur de ces organisations : Hezbollah, Hamas, Houtis au Yemen ou milices en Irak, aucune paix ne sera possible.

La première des trois phases prévues par l’accord a été enclenchée, dimanche matin. Elle prévoit la libération de 33 otages israéliens contre un échange de détenus palestiniens et de l’augmentation de l’aide humanitaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur la composition de l’accord de cessez-le-feu divisé en trois phases ?

On n’a pas beaucoup d’information sur le contenu de la 2e phase car elle doit être négociée à partir du 16e jour de l’accord. Le Hamas a demandé la fin définitive et sans réserve de la présence israélienne dans Gaza. En outre elle prévoit l’injection de plusieurs milliards de dollars de l’étranger. Par ailleurs la demande de libération du Hamas concernera apparemment des détenus condamnés à de très lourdes peines comme Marwann Barghouti ou Hasan Salamé chacun condamné à plusieurs dizaines de peines de prison à perpétuité ce qui peut conduire à un no go de la part des autorités israéliennes.

Le Hamas « ne gouvernera plus jamais à Gaza », assure le futur conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump. Comment voyez-vous la suite des événements avec l’arrivée de Donal Trump à la Maison Blanche ?

Il faut faire preuve de réalisme. Afin de présenter une alternative crédible au Hamas ce ne sont pas de grands slogans qui feront l’affaire. Le rôle de la nouvelle administration américaine serait de faire pression sur les pays de la région – Égypte, Qatar, Émirats, Arabie Saoudite – pour coordonner la mise en place d’une force régionale administrant Gaza et mettant fin à la mainmise du Hamas sur elle.

Avez-vous autre chose à ajouter ?

Même si la population israélienne est fébrile concernant le sort des otages encore séquestrés, tout le monde pense à juste titre au « jour d’après ». Comment faire pour que cela ne se reproduise pas ? A Gaza, la haine d’Israël et des juifs a été ancrée notamment dés l’enfance dans les manuels scolaires saisis  dans les écoles de gaza. Il faudra une génération pour désapprendre à haïr l’autre. Du côté d’Israël, les responsables gouvernementaux et militaires devront rendre des comptes au pays pour ce qui restera le pire pogrom depuis la 2e guerre mondiale et la pire défaillance sécuritaire depuis la création de l’Etat d’Israël.

Johann Habib, représentant de l’ASFE pour Israël, circonscription de Tel-Aviv.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *