« Il existe une véritable solidarité entre les acteurs économiques français »

Gérard Epelbaum, conseiller des Français de la circonscription consulaire de New York et à l’Assemblée des Français de l’étranger- et Polina Bogdanovitch – managing director à la chambre de commerce franco-américaine – livrent leur regard croisé sur la présence économique française aux États-Unis. Entre opportunités, réseaux d’entraide et défis récents, ils partagent leur expérience et leurs conseils aux Français souhaitant s’implanter outre-Atlantique.

Pouvez-vous présenter votre parcours et ce qui vous a conduit à vous expatrier aux États-Unis ?

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Je suis médecin stomatologiste français. Je suis venu aux États-Unis pour suivre un cycle d’études. À l’issue de ce cycle, la faculté dentaire de l’Université Columbia m’a proposé un poste d’enseignant et de praticien. J’exerce aujourd’hui en cabinet privé à Manhattan et j’enseigne à l’école dentaire de l’Université de New York (NYU). Je me suis rapidement impliqué dans le tissu associatif de la communauté française locale. J’ai été président de plusieurs associations françaises, dont actuellement l’Union des Français de l’Étranger de New York. Depuis 2014 nos compatriotes m’ont fait l’honneur de m’élire conseiller des Français de l’étranger. »

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « Je suis arrivée aux États-Unis en 2012 grâce à une bourse universitaire qui finançait entièrement mes études. J’ai toujours été attirée par le système universitaire américain, très pragmatique, axé sur l’apprentissage pratique, et mettant l’accent sur le développement personnel ainsi que les compétences comportementales. J’ai poursuivi mes études à Austin, au Texas, avant de m’installer à New York après mon diplôme. J’admets que je n’étais immédiatement impliquée dans la communauté franco-américaine locale, car j’ai d’abord rejoint un grand groupe britannique à New York. Ce n’est qu’en 2020 que j’ai intégré la Chambre en tant que responsable des relations membres, et j’ai été nommée Directrice Générale en janvier 2023. Je suis depuis deux ans devenue officiellement Franco-Américaine ! »

Comment percevez-vous la dynamique de la communauté d’affaires française aux États-Unis ?

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « La communauté d’affaires française est très dynamique et solidaire. Nous avons la chance de bénéficier d’un large écosystème public et privé, avec des associations dédiées aux grandes entreprises, aux start-ups, aux groupes sectoriels, aux communautés de femmes leaders, aux anciens élèves des écoles françaises, et même des groupes axés sur des régions spécifiques comme l’Occitanie et la Bretagne ! Il y a véritablement une place pour chacun. Cependant, les sociétés françaises qui réussissent et leurs dirigeants comprennent également l’importance de s’intégrer pleinement dans la communauté locale pour mieux appréhender le marché. »

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Je partage l’analyse de Polina : notre communauté d’affaires est forte, solidaire et riche de sa diversité. Notre tissu économique a toujours su faire preuve d’adaptabilité, une qualité encore plus cruciale aujourd’hui face à la multiplicité des incertitudes économiques, géostratégiques, énergétiques et politiques. »

Quels sont, selon vous, les atouts des entreprises françaises aux États-Unis ?

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « Les entreprises françaises bénéficient de nombreux atouts aux États-Unis, à commencer par la qualité de l’éducation, qui forme des talents hautement qualifiés, dotés d’une solide base technique et d’une vision stratégique. Par ailleurs, la France est un véritable centre d’innovation, particulièrement dans les secteurs de la technologie, de la mode, de l’automobile et de la gastronomie, où elle propose des solutions créatives et avant-gardistes. Enfin, les entreprises françaises sont reconnues pour leur sens de l’élégance et de la qualité, qu’il s’agisse de produits de luxe, de mode ou d’alimentation, elles ont acquis une réputation d’excellence dans la production de biens et services haut de gamme. »

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Encore une fois, leur capacité d’adaptation, leur créativité, ainsi que notre système éducatif, notamment universitaire, sont de véritables atouts. Le monde entier nous envie, entre autres, la qualité de nos ingénieurs. L’organisation et le succès des Jeux Olympiques de 2024 en France illustrent parfaitement notre savoir-faire et notre efficacité. Cet événement doit être un emblème de l’excellence française. Le programme V.I.E., porté par la Chambre de commerce franco-américaine et Business France, représente une formidable opportunité pour nos entreprises et nos jeunes talents. La société civile française, de plus en plus présente, joue également un rôle d’influence au niveau local et national, comme en témoigne la multiplication des programmes bilingues dans les écoles publiques. Enfin, notre réseau consulaire actif, les services culturels de l’ambassade et la fondation Albertine constituent également de précieux soutiens pour nos entreprises. »

Existe-t-il une solidarité ou un réseau actif entre les acteurs économiques français ? (ex. French Founders, CCI, Business France) Et plus largement, avec les acteurs économiques américains et internationaux ?

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « Oui, il existe une véritable solidarité et une collaboration active entre les acteurs économiques français. Nous avons tous une compréhension claire de nos domaines respectifs, ce qui nous permet de ne pas être en concurrence, mais plutôt de travailler main dans la main. Nous collaborons également étroitement avec les agences de développement locales, régionales et nationales aux États-Unis, telles que la NYC EDC et Empire State Development pour New York, ainsi que Select USA au niveau national. »

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Oui, il existe une véritable solidarité et de nombreux réseaux dynamiques entre tous les acteurs de la « French Team », dont la Chambre de commerce franco-américaine est l’un des principaux moteurs. Nous avons également la chance de compter l’une des plus importantes représentations des Conseillers du Commerce extérieur de la France dans le monde. Les grandes métropoles américaines, sont très francophiles, elles aiment la France et notre culture, ce qui constitue un atout supplémentaire. New York accueille aussi le siège des Nations Unies, où toutes les nations de la francophonie sont représentées et actives, faisant de New York un carrefour unique d’échanges culturels et de développement économique potentiel. »

Au regard des récentes annonces du président Trump en matière douanière et économique, quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises françaises implantées aux États-Unis ? Et comment appréhendez-vous leur évolution ?

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « La principale difficulté aujourd’hui réside dans l’évolution rapide de la situation et l’incertitude qui en découle. Les entreprises doivent constamment s’adapter, parfois sur une base hebdomadaire, ce qui rend difficile l’élaboration de prévisions et de stratégies à long terme. Toutefois, dans l’ensemble, les entreprises qui sont sérieuses à propos du marché américain voient les perspectives à long terme et sauront s’adapter à ces évolutions. »

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Je rejoins l’avis de Polina : l’adaptabilité, ainsi que la gestion de l’incertitude et des risques, ont toujours été des qualités indispensables pour nos entreprises à l’étranger — et cela l’est encore davantage aujourd’hui. »

Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur ou un professionnel français souhaitant s’installer aux États-Unis ?

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « Ne partez pas du principe que vous pouvez appliquer la même approche qu’en France ou autres marches étrangers ici – commencez sur une page blanche et apprenez à connaître les besoins locaux. Soyez flexible et prêt à vous adapter. Préparez-vous financièrement, car vos coûts aux États-Unis seront deux, trois fois plus élevés qu’en France, voire plus. Préparez-vous à investir dans les aspects juridiques, fiscaux, le personnel, et bien d’autres – une mauvaise préparation et un accompagnement inadapté vous coûtera cher à long terme. Enfin, apprenez la manière américaine de communiquer : allez droit au but et montrez clairement votre valeur. »

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Le travail de préparation en amont est primordial. Il est essentiel de s’appuyer sur l’expérience des entreprises françaises déjà implantées sur le territoire, et bien sûr, sur les services de la Chambre de commerce et de Business France. »

Selon vous, comment renforcer la présence et la compétitivité des entreprises françaises aux États-Unis ?

Polina Bogdanovitch (P.B.) : « Les bons réseaux et ressources sont disponibles et bien en place. Il est essentiel d’apprendre directement sur le terrain et de suivre les conseils mentionnés précédemment ! »

Gérard Epelbaum (G.E.) : « Par le travail, la persévérance et l’optimisme. Les élus ont également un rôle à jouer. À ce titre, nous avons pris contact avec le responsable du développement économique de la ville de New York lors de la visite de la sénatrice Renaud-Garabedian. Celui-ci a salué la proposition de loi de la sénatrice visant à reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l’étranger. Nous attendons désormais avec impatience le vote de cette loi au Parlement français. »

Polina Bogdanovitch – managing director à la chambre de commerce franco-américaine & Gérard Epelbaum, conseiller des Français de la circonscription consulaire de New York et à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Un commentaire

  1. Mon meilleur souvenir mon cher confrère! Voilà un beau parcours ,je suis fier de toi ,! Envoie moi par un moyen de ton choix tes coordonnées. Rendez vous à New York ou à Marrakech ou nous sommes installés depuis 11 ans

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