Vues de Jupiter, de Mars ou de la Lune, la planète Terre et l’espèce humaine – qui prétend régir sa destinée – doivent sembler sombrer dans l’irrationnel. Les choix contradictoires que collectivement nous accomplissons n’ont aucun sens, si ce n’est celui de menacer notre survie, à un moment même où nous disposons de très nombreux moyens pour mettre en place, dans le laps de temps court qui nous est imparti, les mesures assurant le maintien du vivant.
Cette situation résulte tout d’abord des transformations géopolitiques et géostratégiques qui opposent globalement le monde démocratique au monde totalitaire, avec une montée en puissance des conflits existants et potentiels, ainsi qu’une polarisation autour des sujets de défense, d’espionnage, d’armements, impliquant des investissements massifs qui sont autant de financements qui n’iront pas sur la résolution de nos problèmes communs.
Elle résulte ensuite de la puissance financière et économique des activités de l’ancien monde qui, s’il a parfaitement compris la nécessité de la transition, fait prévaloir ses intérêts de rentabilité à court terme pour obtenir les délais les plus longs possibles vers une société décarbonée.
À l’opposé, rapports du GIEC après rapports du GIEC, rapports de l’IPBES (l’équivalent du GIEC pour la biodiversité) après rapports de l’IPBES, rapports sanitaires accablants sur les ravages de la pollution chimique (le dernier épisode lié aux PIFAS, polluants éternels, n’est pas le moindre), la connaissance est aujourd’hui partagée et les solutions de toute nature sont parfaitement connues, qu’il s’agisse d’aider le sud global à investir dans un développement moins carboné ou d’engager sérieusement la grande transformation dans les pays industrialisés. Certains, du reste, semblent prêts à un virage à 180° comme les Pays-Bas qui viennent d’interdire la construction de nouvelles infrastructures routières, mais aussi ferroviaires, de manière à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et qui mettent en œuvre une nouvelle politique agricole, compatible avec la décarbonation, alors même qu’il s’agit d’une des agricultures les plus intensives d’Europe. Mais ce cas est encore isolé et la dernière réunion du G7 qui se contente d’affirmer qu’il faut sortir du fossile – sans fixer la moindre échéance – n’est pas là pour nous rassurer.
Autrement dit l’humanité – empêtrée dans ses considérations de puissance, de force, de conquêtes sous toutes les formes possibles – est absolument incapable d’assurer la défense de ses « biens communs » que sont l’eau, l’air, les océans, le climat, la biodiversité, etc.
Pourtant, des lueurs d’espoir viennent du monde économique avide de transformation, de certains établissements financiers qui font de la durabilité le critère essentiel, des juges suprêmes qui contraignent Etats et entreprises à respecter leurs engagements, de la mobilisation de jeunes, dans tous les pays, qui craignent pour leur avenir, de petits Etats, directement menacés dans leur survie par le dérèglement climatique, qui œuvrent sans relâche pour obtenir une véritable transformation.
Seul l’avenir dira si le bon sens, la rationalité, le sens du bien commun l’emporteront, ou bien si la volonté de conquête, quel qu’en soit le prix planétaire, gagnera. Mais nous avons tous notre capacité d’agir.