Après Glasgow…

Les résultats de Glasgow sont évidemment plus que décevants ; il faut en effet rappeler un élément factuel et très simple : pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ET pour rester en dessous de 1,5°, il faudrait baisser nos émissions de 45 % d’ici 2030. Or, nous allons dans le meilleur des cas les augmenter de 10 à 15 %…. La communauté internationale n’a pas été capable de mobiliser les 100 milliards prévus depuis la conférence de Copenhague 2009 en faveur des pays du Sud et la mobilisation de fonds pour l’adaptation reste toujours très aléatoire. Quelques bonnes nouvelles sur le front du méthane, de la déforestation (remise après 2030), du marché carbone et d’engagements de certains pays de sortir du fossile et de ne plus financer à un horizon plus ou moins éloigné.

La leçon principale de Glasgow tient plutôt aux nouveaux rapports de force internationaux et à la place de tous les acteurs non étatiques. S’agissant des nouveaux rapports de force internationaux, l’annonce commune États-Unis – Chine est incontestablement une bonne nouvelle. Cependant, l’opposition de l’Inde et la Chine à la fin de la conférence concernant le charbon montre très clairement les limites de l’exercice et la différence qu’il y a entre des engagements clairs et ce que l’on pourrait appeler des promesses verbales. L’Europe qui est pourtant très en avance en termes d’engagement et de corpus juridique sur la transition n’a probablement pas joué le rôle qui aurait pu être le sien sans doute du fait que l’unanimité au sein des Etats de l’union sur le sujet majeur du climat n’est toujours pas acquise. Quant aux pays du Sud, à commencer par l’AOSIS qui regroupe les petits Etats insulaires, premiers menacés par la montée des eaux, leur faiblesse diplomatique indéniable est une évidence telle qu’ils envisagent de mener des actions judiciaires pour obtenir ce que la négociation internationale ne leur donne pas.

Dans cette conférence, la place des acteurs non étatiques a été considérable. On laissera de côté celle du lobby des fossiles qui est venu utilement soutenir les Etats pétroliers à commencer par l’Arabie Saoudite opposés à toute sortie des hydrocarbures. Mais, on soulignera la place croissante prise par les acteurs économiques et surtout les acteurs financiers. Les annonces qui se sont multipliées en termes de finance verte, de mobilisation de fonds, de constitution de coalitions montre à l’évidence que le sujet est désormais aussi un sujet financier de première importance. Le risque de pertes d’actifs mais aussi les risques massifs auxquels le monde de l’assurance est désormais confronté du fait du coût croissant des catastrophes » naturelles » est en passe de changer la donne en sus des nouvelles obligations législatives et réglementaires issues de la taxonomie européenne. C’est le monde économique qui prend pleinement la part de ce que représente la révolution que nous sommes en train de vivre, qui constitue évidemment un potentiel de risque mais également d’opportunités économiques puisque de nouveaux secteurs de développement émergent, en capacité si ce n’est de compenser la totalité des emplois et des activités économiques d’origine pétrolière, au moins offrir de réelles possibilités. L’immense majorité des emplois de 2030 n’existe pas encore. Et les transformations énergétique et digitale créent un champ immense de transformation pour les activités conventionnelles, et d’innovation complète pour les activités nouvelles.

Mais n’oublions pas que cette transformation ne pourra se faire que si les citoyens du monde entier y trouvent leur compte en terme de satisfaction des besoins de première nécessité, d’éducation, de santé et d’un minimum d’équité. Peut-être s’agit-il là de l’enjeu le plus essentiel mais aussi le plus difficile de toute l’adaptation.

Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement.

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