Avec les obsèques de Jacques Chirac, la France vient de vivre en ce début de semaine un rare moment d’unité nationale. Un moment sincère, d’une grande intensité au cours duquel ont pu communier, dans un même esprit, anonymes et personnalités françaises et étrangères. Il est peu fréquent qu’il en soit ainsi pour une figure politique défunte. Preuve que l’ancien président de la République, par-delà les âges, les conditions sociales, les origines et les partis pris, restera dans les mémoires comme un homme de rassemblement.
Il a beaucoup été dit – trop, à mon goût – que son cheminement politique avait évolué au gré des circonstances : gaullisme, libéralisme, radical-socialisme… Lui-même, dans des confidences à paraître, recueillies par l’essayiste Jean-Luc Barré, aurait affirmé n’avoir « jamais été de droite ». Je crois surtout, pour l’avoir connu, que Jacques Chirac était un homme pragmatique qui n’avait pas peur d’affronter la réalité. Son sens de l’intérêt général, son souci de préserver la cohésion nationale et son attachement à l’indépendance de notre pays ont été les piliers de son action. Il n’a pas hésité à reculer sur certaines réformes quand il voyait qu’elles déstabilisaient une fraction de la société (les retraites et le Contrat première embauche, par exemple), à alerter le monde sur la menace du réchauffement climatique (« la Maison brule », lance-t-il depuis Johannesburg, au tournant des années 2000), à s’opposer aux embardées américaines de George W. Bush en Irak, en 2003, pour renverser Saddam Hussein.
Jacques Chirac donnait la priorité aux gens. Il les privilégiait sur toutes les théories politiques du pouvoir. Il avait le mot « idéologie » en horreur. On ne peut que s’en féliciter rétrospectivement. Les effets de cette attitude, sage et louable, ont même dépassé nos frontières pour laisser un excellent souvenir de lui aux quatre coins de la planète. Notamment auprès de pays aux cultures radicalement différentes des traditions occidentales, qu’il considérait sur un pied d’égalité, sans exclusive, sans rejet ni dédain. Vous l’avez sans doute ressenti ces derniers jours, chers Français de l’étranger, qui vivez parfois très loin. Partout, le chef d’Etat qu’il était a été célébré dans les médias et par les autorités en place. C’est dire combien Jacques Chirac incarnait, qu’on le veuille ou non, une certaine grandeur de la France.
Fort de son exemple – et en dépit des critiques justifiées qui peuvent être formulées sur tel ou tel point de sa politique -, notre pays doit continuer à creuser le sillon du dialogue multipolaire, du respect mutuel et de l’unité nationale. Retenons de l’héritage que nous laisse Jacques Chirac ces valeurs essentielles. Elles sont à cultiver pour rester optimiste à l’heure où, ici ou là dans le monde, la tentation du repli identitaire, du protectionnisme, du rejet de l’autre, est forte.
Jean-Pierre Bansard
Président de l’ASFE