Malgré une réforme censée moderniser le droit familial pour les expatriés, de nombreux Français résidant aux Émirats arabes unis se retrouvent piégés dans des procédures de divorce kafkaïennes, où la justice locale refuse d’appliquer le droit français.
La sénatrice des Français établis hors de France, Sophie Briante Guillemont (ASFE), alerte le gouvernement sur une situation de plus en plus préoccupante.
Une réforme prometteuse… sur le papier
En 2023, les Émirats arabes unis ont voulu afficher une image plus ouverte et attractive pour les étrangers. Le décret-loi fédéral n° 41 de 2022, entré en vigueur le 1er février 2023, autorise désormais les non-musulmans à demander l’application des lois de leur pays d’origine en cas de divorce.
Un progrès significatif, du moins en théorie, pour les centaines de couples français installés à Dubaï ou Abou Dhabi. Mais la réalité judiciaire s’avère bien plus rugueuse.
« Dans la pratique, les juges émirati refusent souvent d’appliquer le droit français, alors même que la loi le permet. Les conjoints se retrouvent face à un mur administratif et judiciaire », explique la Sénatrice dans sa question au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, publiée le 4 septembre 2025.
Procédures opaques et décisions inéquitables
Les témoignages remontés à la sénatrice dressent un tableau inquiétant. Les juges, formés au droit musulman, continuent majoritairement de s’y référer, même dans les affaires impliquant des expatriés. Résultat : les divorces sont parfois prononcés selon des principes étrangers au droit civil français, avec des conséquences lourdes pour les conjoints.
Les garanties procédurales les plus élémentaires semblent, elles aussi, vaciller :
- absence de notification préalable de la procédure, avec des décisions rendues in absentia ;
 - procès intégralement en arabe, sans traducteur compétent ;
 - refus d’appliquer la règle de litispendance, ouvrant la voie à des situations absurdes où un même couple peut être divorcé aux Émirats mais encore marié en France.
 
« Deux jugements contradictoires peuvent coexister, plongeant les familles dans une insécurité juridique totale », souligne la parlementaire.
Des conséquences humaines dramatiques
Au-delà de la bataille juridique, les enjeux sont profondément humains. Les divergences entre les visions française et émirienne du couple, de la famille et de la garde des enfants aggravent les tensions. Le partage des biens, la garde, la pension alimentaire ou le droit de visite deviennent des points d’achoppement majeurs. Dans certains cas, des conjoints se voient dépossédés de leurs droits parentaux ou privés de tout accès à leurs enfants.
Les jugements rendus aux Émirats sont ensuite difficiles à faire reconnaître en France, créant un cercle vicieux d’incertitude et d’injustice. Les avocats spécialisés parlent d’un « vide juridique » qui laisse les expatriés sans véritable protection.
Une diplomatie interpellée
Face à ce constat, Sophie Briante Guillemont appelle le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à engager un dialogue direct avec les autorités émiriennes. Objectif : harmoniser les règles de reconnaissance des divorces et garantir une meilleure application du droit français lorsqu’il est invoqué par des ressortissants français.
Elle plaide également pour :
Elle plaide également pour :
- une information préventive des couples français avant tout mariage ou installation aux Émirats ;
 - un accompagnement consulaire renforcé lors des litiges familiaux ;
 - la mise en place d’un accord bilatéral pour encadrer les procédures de divorce international.
 
Un enjeu de protection consulaire et de justice
Au-delà du cas émirien, cette interpellation relance un débat plus large sur la protection juridique des Français de l’étranger. Dans des pays où la charia ou des systèmes coutumiers prédominent, le droit familial devient un terrain miné pour les ressortissants français. Les affaires de divorce, de garde d’enfants ou de successions y cristallisent les différences culturelles et juridiques.
Il est urgent que la France saisisse ce sujet à l’échelle diplomatique, afin d’éviter que d’autres couples ne se retrouvent pris au piège d’un système qu’ils ne maîtrisent pas.
 

