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Justice et politique : le verdict Sarkozy décrypté par Me Marembert

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Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, a été condamné – notamment – à 5 ans d’emprisonnement ferme pour association de malfaiteurs. Il a été relaxé des chefs de financement illégal de campagne électorale et de corruption passive. Nous avons demandé à Me Thierry Marembert, grand avocat pénaliste, de revenir pour nous sur cette décision.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement le jugement rendu ?

Ce qui frappe l’avocat familier de ces affaires à la lecture du jugement, c’est qu’il est très motivé.
Souvent, la longueur des jugements (ici près de 400 pages) est un trompe-l’œil : l’essentiel étant un copier-collé des écrits des juges d’instruction, du parquet et des avocats, et la motivation tenant en fait à quelques pages, voire quelques lignes.

Il n’en est rien ici : le tribunal (composé de trois juges, qu’on ne peut résumer à sa seule présidente) a consacré 200 pages à discuter chaque document, chaque témoignage et chaque argument de fait et de droit de la défense.

Ce qui frappe ensuite est le caractère très nuancé de ce jugement : les prévenus, Nicolas Sarkozy compris, sont relaxés de nombreux délits. On est loin d’un jugement hâtif et idéologique.

Comment Nicolas Sarkozy peut-il être condamné pour association de malfaiteurs si le financement illégal de campagne et la corruption n’ont pas pu être prouvés ?

Il est logique que ce point surprenne, mais le jugement en donne une explication convaincante en droit.

  • Sur le plan factuel, le tribunal considère avoir deux types de preuve dans le dossier :

    1. que le président et sa garde rapprochée se sont entendus avec les autorités libyennes pour soutenir le candidat Sarkozy en vue de la présidentielle de 2007 ;

    2. que des flux financiers sont bel et bien partis de Libye à destination des proches de Nicolas Sarkozy.

  • Sur le plan juridique, ces faits interviennent à un moment où Sarkozy n’est pas encore président. Ce n’est donc pas le ministre de l’Intérieur qui est corrompu, mais le candidat à la présidentielle.
    Cela ne peut donc pas relever du délit de corruption, qui suppose que le corrompu occupe déjà des fonctions publiques au moment du pacte corruptif.

En revanche, ces faits matériels (rencontres à Tripoli de Claude Guéant et Brice Hortefeux avec les Libyens, flux financiers) caractérisent une entente en vue de corrompre le futur président. C’est la définition même de l’association de malfaiteurs.

Le tribunal a-t-il raison sur les faits ? Impossible de le dire sans être dans le dossier. Son raisonnement juridique paraît en revanche rigoureux.

Le tribunal a également ordonné un mandat de dépôt à effet différé, assorti de l’exécution provisoire. Que signifie l’exécution provisoire ?

Elle signifie que la peine prononcée est exécutable même si le condamné fait appel.

C’est une tendance de fond du droit français : que ce soit en matière pénale ou en matière civile (où elle est devenue le principe en 2019), il est désormais considéré que les décisions de justice doivent avoir un effet le plus rapide possible.

Il faut rappeler que les faits jugés datent de 2005… Est-il si choquant de rendre effective une décision 20 ans après ?

En réalité, la classe politique quasi unanime a voté la généralisation de ce principe au cours des dix dernières années. La France rejoint ainsi de nombreux pays qui ont fait ce choix de longue date.

Est-ce vrai que l’exécution provisoire est en train de se généraliser au détriment de la présomption d’innocence ?

Techniquement, l’exécution provisoire ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence. Le prévenu reste innocent devant la Cour d’appel et la peine ne sera pas inscrite à son casier judiciaire tant que les voies de recours n’auront pas été épuisées.

En pratique, il est certain que mettre en prison une personne qui peut être innocentée plus tard peut créer un dommage irréversible. Mais c’est déjà ce que nous faisons en matière de détention préventive : quand une personne est innocentée après plusieurs mois de prison, personne ne peut lui rendre ce temps perdu.

Là où notre droit souffre d’une vraie carence, c’est que :

  • en matière civile, on peut demander au président de la Cour d’appel de lever l’exécution provisoire ;

  • en matière de détention préventive, on peut exercer des recours immédiats ;

  • mais en matière pénale, lorsqu’une peine est rendue exécutoire par un premier jugement, aucun recours immédiat n’existe.

Cette différence de traitement avec les affaires civiles est sans doute inconstitutionnelle. Le législateur se grandirait de créer ce recours immédiat.

Thierry Marembert – Avocat pénaliste

Une réponse

  1. Qu’un candidat à une fonction élective (quelle qu’elle soit) d’un pays démocratique accepte un financement de campagne d’un dictateur (Lybien, Russe, Africain ou Chinois au que sais-je…) est inacceptable en soi : c’est une faute morale contre les valeurs républicaines. Qu’un premier Ministre accepte des cadeaux exorbitants de grands couturiers et emploie son épouse à de fausses tâches contre rémunération est contraire aux valeurs républicaines… les peines ne seront jamais assez sévères pour ces gens là et le mépris qu’ils inspirent assez répandu.

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